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TRADITION. — LES ALEXANDRINS


Clément montre qu’il admet un dépôt doctrinal transmis dans l’Église depuis les apôtres. Les hérétiques « n’ont pas la clef d’entrée, mais une fausse clef ; ils n’entrent pas par la porte de la tradition, mais ils s’ouvrent un passage à côté en perçant le mur de l’Église ». VII, xvii, 106, col. 548 A. Les hérétiques ne se relient pas à l’enseignement du Christ, mais leurs hérésies sont trop récentes pour s’y rattacher. C’est pourquoi la véritable Église des apôtres est une, tandis que les hérésies sont multiples, se rattachent à leurs fondateurs et portent des noms fort divers. Ibid., 107108, col. 552 A.

Mais à côté de la tradition de la foi, destinée à la foule, il faut reconnaître une tradition de la gnose secrète, réservée aux parfaits. Cette gnose a pour objet les ôtypaça, mystères cachés de l’Ancien Testament, communiquées à quelques apôtres par Jésus-Christ ; « transmise sans écrits à partir des apôtres, elle est parvenue à un petit nombre par une succession », y) yvôknç 8s aûrrj [r ( ] xotTa SiaSoyàç elç ôXlyouç èv.TwvàKooTÔXwv àypâqxoç 7 : apaSo0eïaa xaTeXY)Xu6ev, Strom., VI, vii, 61, t. ix, col. 284 A ; cf. viii, 68 ; xv, 131, col. 292 A, 340 sq. ; 1, 1, 11, t. viii, col. 701 C ; V, xii, 80, t. ix, col. 120. Voir aussi Hypotyposes, fragm., t. ix, col. 745 D, et Eclogm propheticse, 27, P. G., t. ix, col. 712 BC. Cette tradition était secrète et ne devait être divulguée qu’à ceux qui en seraient dignes, I, xii, 55, t. viii, col. 753 AB ; ce que firent les apôtres, V, x, 61, t. ix, col. 93 sq., spécialement saint Paul et Barnabe. Ibid. Cet enseignement reçu des apôtres, se poursuit par leurs successeurs ; cf. I, i, 11, t. viii, col. 700-701. Le contexte indique bien qu’il s’agit d’un enseignement gnostique et non de foi commune. Sur ces traditions saintes, al âyîai TOxpaSoæiç, voir Strom., VII, xviii, 110, t. ix, col. 556C ; cf. IV, i, 3, t. viii, col. 1216 C ; V, x, 61, t. ix, col. 93 C ; VI, vii, 61, col. 284 A. Toutefois, foi et gnose se compénètrent souvent, car elles visent les mêmes réalités : ni la gnose n’est sans la foi, ni la foi sans la gnose : oûre Y| yvûcuç àvꝟ. 7tîaTe(o ; oû6’T) niatiç, fiverj yvôtazaç, . V, i, 1, t. ix, col. 9 A. La gnose n’est pas uniquement une philosophie, elle est plutôt un développement de la foi, grâce à un enseignement secret reçu du Seigneur et transmis par les initiés. Voir ici Clément d’Alexandrie, t. iii, col. 188 sq. : Foi et gnose.

Donc, chez Clément, une double tradition correspondant, d’une part, à la foi transmise par la succession des évêques, de l’autre, à la gnose transmise par la succession des presbytres-didascales, cette dernière proposée par Clément pour opposer une science ecclésiastique à l’hérésie gnostique qui, elle aussi, se donnait pour une tradition secrète, transmise par succession.

Il faut noter cependant que Clément parle peu des évêques et de la hiérarchie et il en parle parfois en termes assez peu orthodoxes, distinguant la succession apostolique des évêques choisis par les hommes et la succession apostolique des véritables gnostiques, ces derniers, apôtres et successeurs des apôtres non par l’élection, mais par la perfection. Strom., VI, xin, 106-107, t. ix, col. 328-329. Sur la tradition chez Clément, on consultera Le Nourry, Disserl. de libris Stromatum, o. v, a. 3 et 4, P. G., t. ix, col. 1103-1110, et l’index, au mol tradilio, col. 1679.

6. Origine.

Par le mot Trapâ^oo’-Ç, Origène désigne quelque tradition juive, anecdotes, usages et rites, doctrines secrètes étrangères aux Écritures. Voir H ; irdy, Les traditions juives dans l’oeuvre d’Origine, <lam Rev. bibl., 1925, p. 194 216. Parfois il l’nppliqueà l’enseignement des apôtres, des anciens. Cf. In Matth. comm., tom. x, n. 17 et xiii, n. 1, P. (’, .. t. xiii, col. 876C, 1088 A ; In Hrb.. hom. fragm., dans Kusèl.e, Ilmt. rcrl., VI, xxv, 13, l>. C, t. xx, col. 584 C ; In Gen., fragm. ex tom. iii, P. G., t. xiii, col. 92 A.

Origène est profondément croyant et attaché à l’enseignement de l’Église. Pour lui, l’Église est, selon la parole de saint Paul, I Tim., iii, 15, « colonne et fondement de la vérité ». Cont. Cels., V, 38, P. G., t. xi, col. 1229 D. Aussi « enseignement de l’Église » et règle ecclésiastique » sont-ils synonymes de vérité. In Matth. comm., tom.xii, fragm. 23, P. G., t. xiii, col. 1036 C ; cf. In Jerem., hom. v, n. 14, ibid., col. 317 A ; In P m ad Cor., fragm. iv, édit. Jenkins, Origen on I Corinlhians dans The Journal of theological studies, t. ix, 1908, p. 237 ; fragm. lxxiv, id., ibid., t. x, 1909, p. 42. Sous cet aspect, « hérétique » s’oppose à « ecclésiastique ». In Lev., hom. iv, n. 5, P. G., t.xii, col. 438 CD ; cf. In Matth., serm. 47, t.xiii, col. 1669 A, 1787 D1788 A ; In Jud., hom. viii, n. 1, t.xii, col. 982 A. Ainsi encore peut-on parler de la « doctrine ecclésiastique de Jésus-Christ ». In Matth. comm., tom. x, n. 14, t. xiii, col. 868 CD, ou de la « doctrine ecclésiastique et apostolique ». In Lev., hom. xv, n. 2, t.xii, col. 560 C.

Rien d’étonnant donc que, dans la préface du De principiis, Origène nous fixe comme règle de la vraie foi « la prédication de l’Église transmise des apôtres par l’ordre de la succession et s’y conservant jusqu’à ce jour : seule doit être acceptée comme vérité la prédication qui ne s’écarte en rien de la tradition ecclésiastique et apostolique ». De princ, I, præf., n. 2, P. G., t. xi, col. 116. Puis il réunit en une profession de foi succincte l’enseignement de la prédication apostolique, n. 4, ibid., col. 117. Cf. In Matth. comm., ser. 46, t. xiii, col. 1667 D. S’écarter de cette tradition, c’est tomber dans l’hérésie, In Ezech., hom. ii, n. 5, t. xiii, col. 686 B. Y rester fidèle, c’est être armé contre les ennemis de la foi. In Josue, hom. xiv, n. 1, t.xii, col. 892 C.

Comme Clément son maître, Origène distingue foi et gnose ou sagesse. Voir ici, t. xi, col. 1511-1516. La question de la tradition se pose-t-elle pour Origène comme pour Clément ? En ce qui concerne la tradition de la foi et son mode de transmission, il n’y a pas de doute possible, nonobstant le nombre relativement restreint des textes qui définissent clairement la foi de l’Église comme une doctrine transmise par succession à partir des apôtres. Voir ici, t. xi, col. 1509-1511. Origène parle peu du pouvoir doctrinal de l’Église : dans l’Église les docteurs (didascales) doivent montrer la lumière de la science et de la doctrine aux fidèles, instruire les catéchumènes, expliquer les Écritures, détendre la foi contre les attaques de l’hérésie. Cf. In Gen. comm., hom. ii, n. 3, t.xii, col. 168B ; In Exod., hom. ix, n. 3 ; xiii, n. 4, ibid., col. 364 D, 392 C ; In Levit., hom. i, n. 4, ibid., col. 410 A ; In Rom., I. III, n. 2, t. xiv, col. 929 A. L’office de docteur appartient aux prêtres, qui doivent approfondir les Écritures pour mieux pénétrer les mystères. In Levit., hom. v, n. 3, t.xii, col. 452 AC, et surtout à l’évêque, « docteur des âmes qui préside à la communauté à la place du Christ ». In Exod., hom. ix, n. 4, ibid., col. 368. C’est aux princes » de l’Église, en effet, qu’il appartient de juger en dernière instance la cause de l’hérésie. In Num., hom. ix, n. 1, ibid., col. 624-625. Et, par son interprétation de Matth., xvi, 18-19, analogue à celle de Tertullien, Origène laisse entendre qu’à son époque les évêques utilisaient ce texte pour se dire les successeurs de Pierre, sur lequel le Christ a bâti son Église. In Matth., tom.xii, n. 14, t. xiii, col. 1013 B.

Bti ce qui concerne la tradition secrète de la gnose, Origène est beaucoup moins afllrmatif que Clément. Il émet des hypothèses plutôt que des affirmations. Il admet que les vérités les plus sublimes, qui appartiennent à la gnose, sont au-dessus de ce qui est écrit, t6 (jTCep & Yé")fP « rcTat. Cf. In Jnan. comm., tom. xiii, c v, n. 27, P. G., t. xiv, col. 495 D. Il admet aussi que