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    1. TRADITION##


TRADITION. — LES ALEXANDRINS

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Tertullien parle plus explicitement du rôle du Saint-Esprit dans la conservation du dépôt de la tradition. C. xxviii, col. 40 B. Il insiste aussi davantage sur l’origine apostolique de l’Église bâtie sur l’apôtre Pierre « qui fut appelé la pierre sur laquelle l’Église doit être édifiée (cf. Matth, xvi, 18-19), qui reçut les clefs du royaume des cieux et le pouvoir de lier et de délier dans les cieux et sur la terre ». G. xxii, col. 34 B ; cf. Scorpiace, x, col. 142 C ; et même De pudicilia, xxi, col. 1024 A. Cf., ci-dessus, art. Tertullien, col. 145.

Le traité De corona, bien qu’appartenant à la période semi-montaniste, apporte, pour les besoins d’une cause douteuse, d’utiles précisions. Tertullien, en effet, considère toute couronne comme objet idolâtrique et dit anathème au soldat chrétien qui, dans une fête militaire, pare son front de laurier. Pour justifier une sentence aussi sévère, qui ne trouve aucun fondement dans l’Écriture, Tertullien répond que bien d’autres observances, pour n’être pas dans les Livres saints, n’en sont pas moins vénérables et d’institution divine, De cor., iii, col. 78 C ; il cite comme exemples les rites du baptême, ceux de l’eucharistie, les offrandes pour les morts, les fêtes des martyrs, la liturgie du dimanche, celle du temps pascal, le soin qu’on doit prendre de ne pas laisser tomber à terre une goutte du calice, ou une miette du pain eucharistique, le signe de croix ; enfin, chez les Juifs, le voile des femmes.

c) Tertullien montaniste. — La thèse formulée dans le De corona était délicate pour Tertullien, car, sur d’autres terrains, il s’était vu obligé de réagir contre des traditions reçues. Voulant astreindre les vierges chrétiennes à paraître voilées dans les assemblées, il dut prendre position contre la coutume contraire au nom de la ralio, c’est-à-dire de la vérité, contre quoi rien ne saurait prescrire, ni le temps, ni l’influence des personnes, ni le privilège des lieux. En matière disciplinaire tout au moins, les traditions n’ont donc de force que si elles sont authentiquées par la ralio. De cor., iv, col. 16 B : De jejunio, iii, col. 957 G. En conséquence, « pour les pratiques de tradition, nous devons apporter une raison d’autant plus forte qu’elles manquent de fondement dans l’Écriture, jusqu’à ce qu’un charisme céleste les confirme ou les corrige », De jejunio, x, col. 966 G-967 A. On remarquera l’évolution opérée pour les besoins d’une cause personnelle : tout en réservant le domaine de la foi, Tertullien professe que, dans le domaine de la discipline — et l’absolution de l’adultère rentre dans ce domaine — ce n’est plus la tradition des Églises, même apostoliques, qui doit servir de règle, mais les révélations de l’Esprit qui conduit à toute vérité. De virg. velandis, 1, col. 889 BC.

4. Saint Hippolyte de Rome.

Chez cet auteur, Tza.pâ.80aiç présente un sens bien moins précis que chez saint Irénée. Il est appliqué aux coutumes non écrites des Juifs, Philosophumena, ix, 28, P. G., t. xvi c, col. 3407 A ; aux enseignements des hérétiques et de son rival Calliste, ix, 23, col. 3399 B ; cꝟ. 12, col. 3387 B ; enfin, sans précision, à la doctrine des apôtres, xaxà tt, v roxpâSoaiv tûv à7roaTÔXci>v, Conl. Noetum, n. 17, P. G., t. x, col. 825.

L’idée fondamentale est cependant la même que chez saint Irénée. En parlant de la règle de la vérité -rîjç àXrjGsîaç X6yo- ; …, -rîj ; àX7]6sîaç ôpoç… tîjç àX-^Gdaç xavcôv, cf. Philos., -s., 4-5, 34, P. G., t. xvi c, col. 3414 A, 3454 A ; ou de la règle de la foi, 7t[aTecoç xccvwv, fragm. cité par Eusèbe, Hist. eccl., V, xxviii, P. G., t. xx, col. 516 A, Hippolyte entend la doctrine elle-même, telle que l’Église l’a reçue par la tradition. Telle est bien l’idée qu’Hippolyte se fait de la tradition, quand, parlant des quartodécimans, il déclare que, pour la date de la Pâque, ils s’attachent encore à la lettre de la Loi, mais que, pour le reste, ils conviennent de tout ce

qui a été transmis à l’Église par les apôtres, ùizb tûv dcTtooTÔXcov 7rapa8e80(jiÉva. Philos., viii, 18, col. 3366 G. Les presbytres semblent être les gardiens de ce dépôt ; ce sont eux qui condamnent Noet l’hérétique, en affirmant : « Nous disons ce que nous avons appris. » Cont, Noetum, n. 1, P. G., t. x, col. 805 A. L’introduction des Philosophumena [présente, elle aussi, les évêques comme les successeurs des apôtres, comme les gardiens attitrés de la doctrine. Præf., P. G., t. xvi c, col. 3020 C.

L’auteur anonyme de l’écrit Contre Artémon fournit quelques autres précisions. Les partisans d’Artémon eux-mêmes recouraient à l’argument de la succession apostolique pour montrer que la vérité de la prédication avait été altérée, dans l’Église romaine, à partir de Zéphyrin. Fragm., dans Eusèbe, Hist. eccl., V, xxviii, P. G., t. xx, col. 512 G. Et précisément l’anonyme veut montrer que les hérétiques ont inventé leurs doctrines hors de l’Écriture, qu’ils s’y sont lancés en délaissant la succession de quelque saint, tlvôç àyîou SiaSoxTjv (l’héritage qu’il faut conserver) u.7) (puXâÇavre ;. Le saint dont il est ici question doit être Irénée de Lyon. Pour réfuter l’argument d’Artémon et de ses partisans, l’anonyme cite Justin, Miltiade, Tatien, Clément, Irénée, Méliton : « Peut-on admettre qu’on ait enseigné jusqu’à Victor de la façon qu’ils (les monarchiens) disent ? » C’était l’argument d’Irénée qui, lui, pouvait encore invoquer le témoignage des « anciens », témoins immédiats des apôtres et de leurs disciples ; l’anonyme ne peut citer que les écrits de ceux qu’on désignera bientôt sous le nom de « Pères ».

5. Clément d’Alexandrie.

Avec Clément et son disciple Origène, nous ne sommes plus dans le courant d’idées d’Irénée et de Tertullien. Les Alexandrins s’intéressent aux problèmes de la gnose ; cependant ils ne voient pas d’opposition entre leur foi et leur philosophie et ils n’abandonnent pas pour autant l’idée d’une tradition doctrinale.

Sous la plume de Clément, TrapàSootç prend différentes significations, avec le sens fondamental d’enseignement transmis par un maître, soit un enseignement quelconque, Strom., i, xx, 99, P. G., t. viii, col. 817 A ; cf. VI, x, 52, t. ix, col. 304B ; soit un enseignement de la doctrine chrétienne par opposition aux opinions humaines ou hérétiques ; c’est alors, s’il s’agit de tradition divine, T| 6st<x 7rocpàSoaiç, Strom., i, ix, 52, t. viii, col. 749 C ; s’il s’agit de tradition ecclésiastique, Y) èxxXv^aiaoTixT) TOxpdtSoatç, id., VII, xvi, 95, t. ix, col. 532 B ; s’il s’agit de tradition venant du Christ, <xL toû XotctToû 7tapaS6aeiç, id., VII, xvi, 99, col. 537 AB ; cf.VII, xvii, 106, col. 548 A ; soit enfin la gnose orthodoxe, transmise dès le début du christianisme.

Souvent Clément insiste sur le caractère « ecclésiastique » de la tradition : ceux qui professent l’hérésie s’écartent d’elle, abandonnent la primitive Église, aï tt)v èÇ àpx^Ç à7roXeÎ7Touaai èv.xXT)<riav. Strom., i, xix, 95, t. viii, col. 812 C. Réel adultère que l’abandon de la « gnose ecclésiastique ». VI, xvi, 146, t. ix, col. 377 AB. Il y a ainsi correspondance entre l’èxxXiQciaaTixY ) TOxpâSoaiç et rèxxXTrjaiacTixï) yvûa’.c, . L’une et l’autre permettent de conserver « la rectitude apostolique et ecclésiastique ». Toutefois Clément admet une double tradition apostolique : celle de la foi et celle de la gnose.

Il s’étend peu sur la première. Pourtant, en distinguant, VII, xvi, 108 « enseignement, SiSacrxaXta », col. 532 B, 533 B, et « tradition, TOxpâSoaiç » du Christ ou des apôtres, col. 544 A ; en parlant des quatre évangiles à nous transmis, III, xiii, 93, t. viii, col. 1193 A ; cf. VII, xvi, t. ix, col. 544 B ; en faisant allusion aux « nouveautés » des hérétiques désireux de dépasser la foi commune, VII, xvi, 27, 103, col. 536 AB, 545 B,