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TRADITION — TERTULLIEN


apostolique ; la succession apostolique, celle de la tradition, qui devient, dans l’Église véritable, l’expression de la foi actuelle de l’Église : « Il ne faut plus chercher chez d’autres la vérité qu’il est facile de prendre dans l’Église ; les apôtres ont déposé dans l’Église, comme en un riche dépôt, la plénitude de la vérité, afin que tout homme qui le désire, y puise le breuvage de la vie. Elle est l’entrée de la vie ; tous les autres sont des voleurs et des larrons. Aussi faut-il les éviter et aimer avec un attachement extrême les biens de l’Église et saisir la tradition de la vérité. » De là trois conclusions : D’abord, autorité doctrinale des Églises locales, qui se rattachent aux apôtres par la succession de leurs évêques. III, iii, 1, col. 848 A. Ensuite, autorité doctrinale plus grande des Églises d’origine apostolique, autorité qui s’impose en cas de divergence sur des points de détail. 1 1 1, i v, 1, col. 855 B. Enfin, autorité plus grande encore de l’Église romaine. III, iii, 2, col. 849 A. Ainsi l’enseignement authentique de l’Église reste, pour les fidèles, la norme de la vérité. Et cette norme est sûre, en raison de PEsprit-Saint qui anime et sanctifie l’Église. Voir surtout III, xxiv, 1 ; IV, xxxviii, 2, col. 966 B, 11051106.

2. Contemporains d’Irénée.

Cette idée de tradition, qui transmet par la succession épiscopale des vérités enseignées par les apôtres, se retrouve moins explicite, mais suffisamment exprimée, chez plusieurs contemporains d’Irénée.

a) Denys de Corinlhe, dans deux de ses lettres, insiste sur l’origine apostolique des Églises de Gorinthe et de Rome et sur le bienfait de l’enseignement doctrinal des apôtres. Dans Eusèbe, Hist. eccl., II, xxiv ; cf. IV, xxin, P. G., t. xx, col. 209 AB, 388 BC.

b) Hégésippe, dans ses Mémoires en cinq livres, dont Eusèbe a gardé quelques fragments, rapportait simplement la tradition de la prédication apostolique et expliquait par la succession ininterrompue des évoques locaux la conservation intacte de la doctrine. Venant à Rome, il a visité plusieurs Églises, ainsi demeurées èv opOw Xôyw. Mais arrivé à Rome, il établit un catalogue, SiaSo/y)v è— oiT)oà(i.y ; v, des évêques jusqu’à Anicet. On a discuté beaucoup sur le sens de SiaSoyjjv 7roieîa6at. L’idée de catalogue est suffisante pour inclure celle de succession et, puisqu’il s’agit de remonter aux apôtres, de succession apostolique.

c) Irénée lui-même, lors de la controverse du pape Victor avec les Églises d’Asie au sujet de la célébration de la Pâque, fournit un témoignage du respect professé par les Églises d’Orient pour les traditions apostoliques : de part et d’autre, en effet, on en appelait à l’institution des apôtres. Voir Pâques, t. xi, col. 1949-1950. « Les auteurs de la fin du ir> siècle possèdent une théorie de la tradition. Exposée par Irénée, elle se retrouve avec plus ou moins de clarté dans les autres documents de cette époque. Chaque Église se croit dépositaire de la tradition, c’est-à-dire de la doctrine authentique des apôtres, transmise intacte grâce à la continuité des successions épiscopales. Dès lors la tradition transmise par succession se confond avec la prédication des apôtres et la foi actuelle des Églises, ensei<jwi : par les évêques… La tradition des Églises sera donc le critère qui permet de reconnaître immédiatement la vérité apostolique. Van den Eynde, op. cit., p. 196.

3. Tertullien.

On exposera d’abord la pensée de Tertullien sur l’argument de tradition, principalement dans le De præscriptione, ensuite les lignes générales de ici le pensée < omparce ; i (elle d’Irénée, enfin les modi Qcatlooa apportées par Tertullien montaalsta à son concept) » r « mil r de la tradition.

a) Notion de la tradition, principalement dans le « lie

prœscriptione ». — Ce traité est le premier écrit ex professo sur l’argument de tradition. Pour Tertullien, la discussion avec les hérétiques sur la base des Écritures aboutit difficilement à la victoire ; il s’agit avant tout de savoir à qui revient de plein droit l’héritage apostolique de la foi et des Écritures, « par l’intermédiaire de qui, quand, et à qui la doctrine qui fait les chrétiens nous est parvenue ». C. xix, col. AB. C’est ainsi que Tertullien exclut les hérétiques de toute discussion sur les Écritures, en démontrant que l’héritage apostolique, qui comprend aussi les Écritures, est le bien exclusif des Églises.

Tertullien appuie la valeur de son argument sur deux preuves, l’une directe, l’autre indirecte. Preuve directe : les titres positifs des Églises à l’héritage apostolique. Pour savoir les vérités révélées par le Christ, il faut écouter les apôtres ; et pour connaître la prédication des apôtres, « il faut s’adresser aux Églises fondées par les apôtres en personne, instruites par eux tant de vive voix que, plus tard, par lettres ». C. xxi, col. 33 A ; cf. c. xx, col. 32 B. Ainsi, « toute doctrine qui est d’accord avec celle des Églises apostoliques, matrices et exemplaires originaux de la foi, doit être considérée comme vraie puisqu’elle est ce que les Églises ont reçu des apôtres, les apôtres du Christ et le Christ de Dieu. Au contraire, toute doctrine doit être d’avance jugée fausse, qui contredit la vérité des Églises, des apôtres, du Christ et de Dieu. Il suffit donc de démontrer que notre doctrine doit être considérée comme appartenant à la tradition des apôtres et par là même que les autres sont mensongères. Nous sommes en communion de doctrine avec les Églises apostoliques, notre foi étant parfaitement semblable à la leur : et c’est là le témoignage de la vérité ». C. xxi, col. 33 B. t Nous marchons dans cette règle, dit-il encore, que l’Église a tenue des apôtres, les apôtres du Christ et le Christ de Dieu. » xxxvii, col. 50. Tertullien répond ensuite aux objections possibles. Le Christ n’a rien caché de sa doctrine à ceux qui furent ses compagnons, ses disciples et ses amis et qu’il établit comme maîtres dans l’Église ; les apôtres eux-mêmes n’ont ni ignoré, ni caché quoi que ce soit de l’enseignement du maître. Si Paul a repris Pierre, il s’agissait d’une question de discipline, non de doctrine, et il est impossible de mettre en conflit réel deux apôtres qui se sont donné tant de gages de solidarité jusque dans un commun martyre. C. xxii-xxiv, col. 34-37. Aucun indice ne permet de supposer qu’il y ait eu, de la part des apôtres, un enseignement secret réservé à quelques privilégiés. C. xxv-xxvii, col. 37-40. On ne saurait dire non plus que les Églises aient mal compris les apôtres : l’Esprit -Saint aurait-il manqué à ses devoirs ? Et comment expliquer, avec cette erreur initiale, que toutes les Églises aient pu persévérer dans la même foi ? Quod apud multos untim invenitur, non est erratum, sed traditum. C. xxviii, col. 40 B.

Preuve indirecte : « Est vérité venue du Seigneur tout ce qui est transmis d’abord ; est étranger et faux, ce qui est transmis postérieurement. » C. xxxi, col. 44 A. On connaît l’origine tardive des hérétiques. Mai don, Valentin, Apclle et autres, c. xxx, col. 43 A ; il leur est impossible de montrer la série ininterrompue d’évêques qui les rattache aux apôtres et l’identité de leur foi avec celle des apôtres. C. xxxii, xxxv, col. 44 B, 48 AB. Notre doctrine, au contraire, a la priorité et nos Eglises, la continuité de la succession : c’est la preuve de leur vérité et de leur apostolicité. C. xxxiv, xxxv, col. 47-48.

b) Tertullien et Irénée. — La doctrine, simplement éparsc dans l’cruvrc d’Irénée, se trouve ordonné* (liez Tertullien, tout au moins dans le Dr prwacriplinnr. en une synthèse aussi solide que brillante. Notons qnalques aspects particuliers à Tertullien.