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TRADITION. ENSEIGNEMENT DES PERES


xi, 2. Pour préciser la signification de ce texte, il faut le rapprocher de II Thess., ii, 15, auquel il s’apparente par l’expression : « Ainsi donc, frères, demeurez fermes et gardez les enseignements que vous avez reçus, ràç 7tapa86<reiç âc èS18àx8r)Te, soit de vive voix, soit par notre lettre, eïxe Sià Xoyou sire Si’èmaToXric ; Tjfjtûiv. » La force de l’argument n’est donc pas uniquement dans le tenete traditiones de la Vulgate. C’est sur la disjonction qui suit, que l’exégète devra surtout insister : instructions ou enseignements soit écrits, soit oraux : EÏts St’èTriaToXvjç, c’est l’Écriture ; erre Sià Xéyou, c’est la tradition, au sens où nous l’entendons. Sur l’enseignement ainsi reçu, voir Rom., xvi, 17 ; I Cor., xi, 23 ; xv, 1-2 ; Phil., iv, 9 ; Gal., i, 9 ; Col., ii, 1 ; I Thess., iv, 1-2 ; I Joa., ii, 21-24.

Cet enseignement oral, Paul recommande à son disciple Timothée d’en « garder fidèlement le dépôt et d’éviter les discours vains et profanes ». I Tim., vi, 20. Avant de mourir, il l’exhorte à « conserver le fidèle souvenir des saintes instructions reçues », II Tim., i, 13, à « garder le bon dépôt », ibid., 14 ; à « confier à des hommes sûrs, capables d’en instruire les autres, les enseignements reçus de lui en présence de nombreux témoins ». Ibid., ii, 2, etc.

Cette insistance de saint Paul à recommander un enseignement oral, fidèle à la doctrine transmise par les apôtres, montre qu’aux temps apostoliques les traditions orales étaient la principale source des vérités révélées et qu’une telle économie durait encore après la mort des apôtres dans la génération immédiatement postérieure. Cf. Ranft, op. cit., 6e partie, p. 207-316.

2. Portée de ces textes.

Pour juger de la portée de ces textes, il faut se rappeler le point précis de la controverse entre catholiques et protestants. Ceux-ci ne nient pas absolument l’existence d’une tradition concernant les vérités révélées ; ils nient simplement qu’un tel enseignement puisse être distinct et indépendant de l’Écriture : tradition purement complétive de l’Écriture, dont les points obscurs sont mis par elle en meilleure évidence. Pour les catholiques, la tradition peut être un enseignement de vérités qui ou bien débordent les vérités de l’Écriture ou bien s’ajoutent à ces vérités ; il s’agit donc d’une tradition susceptible d’être à la base d’un enseignement doctrinal distinct.

L’Écriture, à vrai dire, ne nous fournit aucun texte positif et d’interprétation certaine, dont nous pourrions déduire l’existence, après l’achèvement de toutes les Écritures, d’un enseignement oral, constitutif d’une doctrine distincte des doctrines scripturaires. Mais pourquoi exigerait-on sur ce point un enseignement proprement scripturaire ? Comment d’ailleurs concevoir que des écrits occasionnels, même pris dans leur ensemble, puissent constituer un corps complet de doctrine révélée ? Ce serait contraire à la nature des choses. Voir, sur ce point, Bainvel, De magisterio vivo et traditionc, Paris, 1905, p. 37, et Van Noort, De fontibus revelationis, n. 144. Mais, de plus, il faut considérer que la controverse avec les protestants porte non seulement sur l’existence de traditions (au pluriel) doctrinales distinctes de l’enseignement scripturaire, mais encore sur l’institution dans l’Église d’un organe transmetteur de ces traditions, à savoir d’un magistère vivant.

Or, des textes cités plus haut, on doit tirer les conclusions suivantes : a) Le Christ a voulu instituer dans son Église un tel organe doctrinal, fidèle gardien et transmetteur des doctrines reçues de son enseignement divin, les apôtres et leurs successeurs ne faisant que dispenser aux fidèles les vérités confiées à eux par leur Maître ou par l’Esprit-Saint : « Allez, enseignez toutes les nations…, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » Matth., xxviii, 19. — b) Cette

institution doit durer dans l’Église jusqu’à la fin du monde : ’dans cette transmission fidèle, Jésus est avec les siens jusqu’à la fin des temps ; cf. I Tim., vi, 14, où Paul recommande à Timothée de garder le commandement sans tache et sans reproche, jusqu’à la « manifestation de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». — c) Un tel organe est, de plus, doué de l’indéfectibilité : « Je suis avec vous. » En affirmant que « Dieu est avec quelqu’un », l’Écriture indique une assistance particulière de Dieu dont l’efficacité est absolue pour atteindre la fin en vue de laquelle cette assistance est donnée. Or, aux apôtres et à leurs successeurs est promise l’assistance du Christ, en vue expressément de la prédication de l’évangile contenant la révélation chrétienne. — d) L’assistance du Christ se fera sentir ncn d’une manière intermittente, mais continuellement : « Je suis avec vous tous les jours, omnibus diebus », c’est-à-dire à n’importe quelle époque, à n’importe quel moment. Jésus promet à ses apôtres « l’Esprit de vérité », qu’ils connaîtront, « parce qu’il demeurera avec eux et sera en eux ». Joa., xiv, 17. Paul, d’ailleurs, rappelle que c’est Jésus qui a fait les uns apôtres, d’autres prophètes, d’autres évangélistes, d’autres pasteurs et docteurs, en vue du perfectionnement des saints, pour l’œuvre du ministère, pour l’édification du corps du Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu », etc., Eph., iv, 11-13 ; il s’agit donc d’une œuvre continue et pour laquelle l’assistance du Christ doit être continue. — e) Enfin il n’est pas possible d’interpréter les indications générales du Nouveau Testament et surtout les affirmations très explicites de saint Paul sans recourir à l’idée d’un organe de la tradition dans l’Église, organe de prédication orale et toujours vivante : Docete, prædicate. Cf. Billot, De immutabilitate traditionis, Rome, 1907, c. i, p. 11-17.

L’existence dans l’Église de traditions doctrinales et d’une tradition vivante, organe institué par le Christ pour nous proposer les traditions doctrinales et, en général, toutes les vérités révélées, tel est l’enseignement qui résulte de notre examen des indications scripturaires. Déjà apparaissent les deux aspects

— aspect objectif et aspect formel — de la tradition, telle que la conçoivent des théologiens récents.

IL Enseignement des Pères. — I. la tradition

    1. CHEZ LES PÈRES DES TROIS PREMIERS SIÈCLES##


CHEZ LES PÈRES DES TROIS PREMIERS SIÈCLES. —

Les Pères apostoliques et les apologistes.

Un indice

très certain de l’autorité reconnue à l’enseignement oral dès le début de l’ère chrétienne, c’est le fait que les anciens documents rapportent avec respect les logia du Seigneur et les paroles des « anciens », apôtres ou disciples immédiats des apôtres. Sans doute il faut n’avancer cet argument qu’avec les réserves nécessaires sur l’origine véritable des logia ou des agrapha. Voir Vaganay, Agrapha dans le Supplément du Dict. de la Bible, 1. 1, col. 159 sq. Toutefois, malgré les défectuosités des paroles elles-mêmes dont l’authenticité présente le plus de garantie, « la question de la révérence que l’on a pour les logia du Sauveur et pour l’Écriture en général n’est pas en cause. Ce respect toujours profond se manifeste clairement ». Ibid., col. 190. Et c’est bien là un indice de valeur en faveur de l’existence et de l’autorité d’une transmission orale des enseignements du Sauveur. Aujourd’hui, d’ailleurs, après les controverses qui ont duré plusieurs siècles, catholiques et protestants sont d’accord pour affirmer que, dans l’Église naissante, la doctrine chrétienne fut un enseignement vivant se conservant surtout par la tradition orale. Cf. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 1. 1, 5e édit., Tubingue, 1931, p. 173181 ; Seeberg, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. i, 3e édit., 1920, p. 210 ; Krueger, art. Tradition (m. Dog-