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TOURNEMINE (RENÉ-JOSEPH DE)

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traits de la doctrine orientale attribués à Clément d’Alexandrie, ils sont l’œuvre d’un valent inien anonyme qui résume les écrits du valentinien Théodote le banquier, qu’il faut distinguer de Théodote de Byzancc, Mém. de Tr., mars 1717 ; reproduit dans Grosier, op. cit., 1. 1, p. 205-209, et, en italien, dans Zaccaria, Raccolla, t. vin. — Conjectures sur la supposition de quelques ouvrages de saint Cyprien et de la lettre de Firmilien. Dans une intention apologétique, mais avec des arguments qui ne font guère honneur à son sens critique, Tournemine conteste l’authenticité des textes se rapportant à la controverse avec Rome sur le baptême des hérétiques, en particulier de la lettre de Cyprien à Jubaianus, de celle à Pompéius et de celle de Firmilien à Cyprien. Mém. de Tr., décembre 1734 ; voir la réponse sévère de l’abbé Maleville dans son ouvrage La religion naturelle et révélée, Paris, 1756, traduite en italien dans Zaccaria, Raccolta, t. viii.

Philosophie.

Nouvelle preuve de l’existence de

Dieu, Mém. de Tr., juillet 1702. L’auteur résume comme suit son argument : « Il est évident que l’Être entièrement parfait est possible (car les termes « ne « renferment aucune contradiction ; ils ont même beaucoup de rapport et de convenance » ). (Or) il serait impossible, s’il n’existait pas actuellement. Donc il existe actuellement. » Cet argument, ajoute-t-il, prouve en même temps tous les attributs de Dieu. — Une autre dissertation eut un retentissement considérable : Conjectures sur l’union de l’âme et du corps, Mém. de Tr., mai et juin 1703. Tournemine rejette la théorie de la « plupart des philosophes de l’École » : union par une entité unitive indéfinissable : « le système commun de l’École ne consiste qu’en termes obscurs. » Il écarte aussi la théorie cartésienne, perfectionnée par Leibniz, de l’harmonie préétablie entre le corps et l’âme : « la réponse est fort dévote ; je ne sais pas si vous la trouverez assez philosophique. » Puis, il propose sa « conjecture » : « Tel corps est uni à telle âme, ou pour parler plus juste encore, il est le corps de telle âme, parce qu’il a un besoin essentiel de cette âme… Son action (de l’âme) sur le corps est d’un côté si essentielle au corps que sans cela il ne serait pas un corps humain, et d’un autre côté elle est si propre à l’âme que nulle autre créature ne peut la produire par ses forces naturelles. » Dans la deuxième partie, il montre comment s’expliquent, dans son système, le plaisir et la douleur, les passions, les idées. Pour ces dernières, « on a eu raison d’abandonner tout à fait » les espèces corporelles ; il faut rejeter aussi la théorie, « qui devient à la mode », de la vision intuitive de Dieu en cette vie, de même l’opinion que l’âme connaît les objets eux-mêmes. « L’âme ne connaît, ne voit que soi-même, et tout ce qu’elle connaît n’est connu d’elle que par l’impression qu’il fait sur elle. » « L’âme se voit intuitivement. » La première idée, innée, est celle du moi, qui inclut celle de Dieu (comme cause) et celle de perfection entière. L’article provoqua de nombreuses questions et objections, auxquelles l’auteur s’efforça de répondre : octobre 1703. Leibniz envoya aux Mémoires de mars 1708 une Remarque aussi courtoise que l’avait été la critique du P. Tournemine ; celui-ci répondit brièvement dans le même numéro ; voir dans l’édition des œuvres philosophiques de Leibniz par Gerhardt, t. vi, p. 595-597. En 1741, le P. Daniel Stadler, S. J., professeur à l’université de Fribourg, publia un opuscule intitulé Commercium inler corpus et animam, potissimum juxta mentem R. P. Tournemine (Fribourg). — Si le P. Tournemine, comme du reste « la plupart des philosophes de l’École » de son temps, méconnaît totalement la vraie doctrine scolastique sur l’union de l’âme et du corps, il rend pleine justice à saint Thomas dans quelques fort belles pages intitulées : Idée que Von doit avoir de saint Thomas et de ses

ouvrages. Dans un long compte rendu de l’ouvrage des PP. Quétif et Échard, Scriptores ordinis prædicatorum, Mém. de Tr., janvier 1722, il écrit : « Heureuse l’École, si elle ne se fût jamais écartée de la route sûre et facile que le saint docteur lui avait tracée… On peut dire hardiment que la Somme est le plus grand ouvrage qu’un docteur chrétien pût concevoir. » Saint Thomas « sera toujours le modèle des théologiens ». Sans doute, la théologie doit progresser ; « mais ce sera en suivant la méthode de saint Thomas que la théologie fera ces progrès ». — En 1713, le P. Tournemine édita la Démonstration de l’existence de Dieu de Fénelon (2e éd., Paris), en lafaisant précéder d’une préface intit ulée Réflexions sur l’athéisme ; cette dissertation (anonyme) fut désavouée par Fénelon, parce qu’elle contenait quelques critiques de son ouvrage.

Sujets divers.

Le P. Tournemine fut mêlé

plusieurs fois aux discussions au sujet du jansénisme. Lettre d’un abbé provençal à M. Gaufridy, avocat général au Parlement d’Aix, brochure anonyme, s. 1., 1716, insérée dans Recueil de quelques mémoires concernant les affaires de la Constitution du pape, touchant la morale du P. Quesnel, s. 1., 1717. Une Défense du discours de M. Gaufridy, s. 1., 1716 (par l’abbé François Gastaud d’Aix) affirme que la lettre est du P. Tournemine ; mais le P. Jean d’Autun, recteur du collège d’Aix, dit que les jansénistes la lui ont faussement attribuée. "Voir Sommervogel, Bibl., t. viii, col. 181.

— Dans une Déclaration sur des écrits supposés, plaquette, Paris, 1732, le P. Tournemine désavoue des lettres qui lui étaient attribuées dans Anecdotes ou mémoires secrets sur la Constitution Unigenitus, s. 1., 1730-1733 (par Jos.-Fr. Bourgoin de Villefaure). — Dans les Mémoires de Trévoux, septembre 1715, le P. Tournemine publia un compte rendu sévère de l’ouvrage de l’abbé de Margon Jansénisme démasqué, Paris, 1715, qui n’accusait tout le parti janséniste de rien moins que de spinozisme et d’athéisme. L’irascible abbé déclara la guerre au P. Tournemine et aux jésuites et publia contre eux plusieurs brochures (voir Sommervogel, op. cit., col. 187). — Le dernier travail du P. Tournemine est sa Dissertation sur le fameux passage de l’historien Josèphe louchant Jésus-Christ, dans Mercure de France, mai et août 1739 ; en italien, dans Zaccaria, Raccolta, t. h. La dissertation, interrompue par la mort du Père, fut achevée par l’abbé de Pompignan. L’auteur défend l’authenticité du fameux texte avec une érudition et des preuves auxquelles les partisans modernes de l’authenticité n’ont rien ajouté d’essentiel. — Réflexions sur l’athéisme attribué à quelques peuples par les premiers missionnaires, Mém. de Tr.. janvier 1717. — De la liberté de penser sur la religion, Mém. de Tr., janvier 1736, reproduit dans Grosier, op. cit., t. ii, p. 330-343. — Panégyrique de saint Louis, roi de France, prononcé dans la chapelle du Louvre en présence de MM. de l’Académie française, le 25 août 1733, Paris, 1733. — Mémoire sur une nouvelle édition des œuvres de saint François de Sales, Mém. de Tr., juillet 1736, inséré dans le t. i des Œuvres du saint, Paris, 1823. — Projet d’un ouvrage sur l’origine des fables, Mém. de Tr., novembre et décembre 1702, février 1703. — Instruction pour les régents (jeunes professeurs des humanités de la Compagnie de Jésus), travail inédit publié par G. Dumas, Histoire du Journal de Trévoux, p. 171-181.

Mémoires de Trévoux, sept. 1739, p. 1964-1974 (éloge nécrologique) ; Nicéron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres, Paris, 1727-1745, t. xi.ii, p. 167-183 ; de Backer, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, t. iii, col. 1175-1185 ; Sommervogel, Bibl. de la Comp. de Jésus, t. viii, col. 179-194 ; G. Dumas, Histoire du Journal de Trévoux, Paris, 1936, p. 77-84.

J.-P. Grausem.