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TONSURE

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En Orient, les Grecs n’ont connu, même après le ve siècle, que la tonsure totale dite de saint Paul, sans couronne. Bède rapporte que le moine Théodore, envoyé par le pape Vitalien pour occuper le siège de Cnntorbéry dut laisser pousser ses cheveux quatremois pour recevoir la tonsure cléricale romaine, car « il avait la tonsure à la mode orientale, dite de saint Paul ». Hist. eccl., t. IV, c. i, P. L., t. xcv, col. 172 C. Il semble bien qu’une tonsure cléricale était, chez les Grecs, conférée avec la remise de l’habit noir, indépendamment de l’ordre du lectorat, lequel impliquait toujours une tonsure faite par l’évêque en coupant les cheveux en forme de croix avec l’invocation de la sainte Trinité. La première tonsure ne comportait aucun pouvoir, mais une simple destination à l’état ecclésiastique. Voir le can. 14 du IIe concile de Nicée, ici, t. xi, col. 434-435, avec le commentaire de Balsamon, P. G., t. cxxxvii, col. 960 BC. Sur le rite de la tonsure jointe au lectorat, voir Syméon de Thessalonique, De sacris ordinationibus, c. clviii-clix, P. G., t. clv, col. 364 D365 C. Sur le port de la barbe chez les orientaux, voir Thomassin, loc. cit., c. xlii, n. 4 sq., p. 754.

Les Celtes prétendaient avoir conservé la « tonsure de saint Jean », appelée à Rome par dérision « tonsure de Simon le magicien ». Thomassin, op. cit., c. xxxviii, n. 13, p. 727. Cette tonsure consistait à couper au ras le dessus de la tête et à laisser les cheveux longs sur les côtés (de là peut-être est venue la coupe des cheveux dite aux enfants d’Edouard). Cet usage disparut après le viii c ou le ixe siècle. Sur cette tonsure et sur les âpres discussions qu’elle souleva, voir les notes de Smith, en appendice à VHist. eccl. de Bède, app. viii, De tonsura clericorum, P. L., t. xcv, col. 328, 330 C-331 D. Cf. dom Gougaud, art. Celtiques (Liturgies), dans le Dict. d’archéol. chrét., t. ii, col. 2997.

Anciennes prescriptions.

Sur les anciennes

prescriptions de l’époque carolingienne et du siècle postérieur, voir Thomassin, loc. cit., c. xl, xli, xlii. A partir de l’an mille, la règle devint générale. En 1031, le concile de Bourges oblige les clercs à raser la barbe et à porter la couronne, faisant consister en ces deux choses la tonsure cléricale : Tonsuram ecclesiasticam habeant, hoc est barbam rasam et coronam in capite. Des statuts semblables sont portés aux conciles de Coyac en Espagne (1050), Rouen (1072), Lillebonne (1080), Poitiers (1100), Londres (1102 et 1175), Toulouse (1119), York (1194), Paris (1212), Montpellier (1214), Oxford (1222), Nîmes (1284), etc. Au concile de Worcester (1240) sont mentionnées, pour la première fois, les dimensions à donner à la tonsure suivant la dignité de chaque ordre : Ne comam nutriant, sed circulariter et decenter londeantur, coronam habentes decenlis amplitudinis secundum quod exegerit ordo quo fuerint insigniti. La même règle se trouve dans les actes du concile de Cologne (1260) : Habeant coronas compétentes et eas radere non omittant. Le concile de Château-Gontier (1232) demande qu’on rase entièrement les clercs débauchés ; les conciles de Lambeth (1261) et Pont-Audemer (1279) déclarent déchus des privilèges ecclésiastiques les clercs qui ne porteraient pas la couronne. Peu à peu tous les synodes frappèrent de la même peine les délinquants. A Palencia (1338) on détermina les dimensions exactes de la tonsure et on en fit afficher le modèle à la porte des églises : quatre doigts de diamètre. D’après le synode de Tolède (1473), elle doit avoir la largeur d’un réal. Le Ve concile de Milan (1579) ordonna que la couronne des prêtres aurait quatre pouces de diamètre, celle des diacres trois, ainsi que celle des sous-diacres, celle des ordres mineurs et de la tonsure, deux.

La barbe rasée que les anciens conciles du xie siècle considéraient comme faisant partie de la tonsure, fut aussi l’objet de minutieuses réglementations. Interdit

par le Ve concile du Latran, can. 24, le port de la barbe est également défendu aux clercs par les conciles de Sens (1528), Mayence (1549), Narbonne (1551) ; mais il est simplement déconseillé par les ordonnances d’Eustache du Bellay, évêque de Paris au temps du concile de Trente, et par le concile de Reims (1583). Saint Charles Borromée, dans son Ve synode diocésain, fit une ordonnance contre le port de la barbe, alléguant l’usage ancien de l’Église latine, depuis les décrets du concile de Carthage et les décisions de Grégoire VIL Sur tous ces points, voir Thomassin, loc. cit., c. xli, p. 747-752.

Le port des cheveux courts, de façon à dégager les oreilles, fait aussi partie de la discipline ecclésiastique de la tonsure. Voir les décrets des conciles de Londres (1248), Albi (1254), Salzbourg (1274), Bude (1279), Ravenne (1314, 1318), Gnesen (1417), Bâle (1431), Mayence (1451), Cologne (1452), les statuts synodaux de Turin (1514), Paris (1514), Chartres (1526), les synodes de Faënza (1569) et de Lescar (1637). Dans ses statuts synodaux, le vénérable Alain de Solminihac, évêque de Cahors (1638), prescrit : « Les ecclésiastiques porteront la tonsure large et apparente, chacun selon l’ordre où il sera promu, portant de petits rabats, le poil court et les oreilles découvertes. » Cf. Martène, op. cit., t. ii, p. 16-17.

II. Symbolisme.

L. Musy sépare radicalement le symbolisme de la tonsure faite par l’évêque au jeune clerc qu’il accueille au service de l’Église et celui de la tonsure que les clercs doivent porter « et qui n’est, après tout, qu’un mode de coiffure sans effet ni droit, sans rien qui, de près ou de loin, puisse la rattacher à la première ». Art. cit., p. 167. N’y a-t-il pas ici quelque exagération ? Sans doute, l’évêque se contente d’après le rite du pontifical, d’enlever au clerc cinq mèches de cheveux ; mais cette première tonsure, pour être marquée publiquement, a besoin d’un signe visible et la couronne rasée au sommet de la tête, exprime bien l’idée d’offrande à Dieu et de service à la cause du Christ et de l’Église. » Il y a eu dans l’Église, écrit dom de Puniet, différentes manières de pratiquer le rite de la tonsure ; mais il n’y avait au fond qu’une pensée commune à tous ; faire à Dieu par amour l’offrande de sa chevelure, en signe d’appartenance à son service, qui ad deponendum comas capitum suorum pro ejus amore festinant (Pontifical, oraison préliminaire). En sacrifiant sa chevelure, le clerc ou le moine, disons également la moniale, fait acte de religion envers Dieu ; c’est un renoncement, un dépouillement, déjà une sorte de consécration. Cette pensée exprimée dans l’ancien formulaire du grégorien, s’applique aussi bien à la tonsure primitive qu’à la tonsure cléricale. Au Moyen Age on a pensé que la forme de couronne donnée à la tonsure avait surtout pour but d’imiter la couronne d’épines de Notre-Seigneur. » Op. cit., p. 133. Voir sur le symbolisme de la couronne, Amalaire, De eccl. officiis, t. II, c. v ; t. IV, c. xxxix, P. L., t. cv, col. 1081-1082, 1234 ; Raban Maur, De cleric. inst., t. I, c. iii, P. L., t. cvii, col. 298 ; Bède, Vita S. Cuthberti, c. vi, P. L., t. xciv, col. 742, note 2.

Saint Thomas consacre quelques lignes au symbolisme de la tonsure, In IV" m Sent., dist. XXIV, q. iii, a. 1, qu. 1. Pour lui la couronne est un signe de royauté ; la forme circulaire, un signe de perfection ; ceux qui sont appliqués aux divins mystères acquièrent une dignité royale et doivent être parfaits en vertu. Les cheveux qu’on coupe rappellent au clerc qu’il ne doit pas laisser son esprit se détourner de la contemplation divine par des soucis temporels et ses sens s’absorber dans les attraits terrestres. Ces symbolismes et d’autres similaires se retrouvent également chez plusieurs auteurs du Moyen Age signalés plus haut et notamment chez Hugues de Saint-Victor, De