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TOLÉRANCE DE L’ÉGLISE


d’août. Le document historique de valeur douteuse n’est qu’un accessoire ; le principal est l’acte de foi religieuse dont la légende est, pour beaucoup, l’occasion providentielle. L’Église ne bénit que la piélé et la foi et non les occasions et les accessoires.

2. Par rapport aux non-catholiques.

Il ne peut être question ici que des cas où l’Église peut intervenir soit par elle-même (ainsi l’autorité ecclésiastique dans les anciens États pontificaux), soit par des gouvernements chrétiens qui lui prêtent l’appui de leurs lois.

Nous ne donnerons ici que des principes très généraux, étant donné que les cas concrets se compliquent toujours de questions de personnes et qu’on étudiera au paragraphe suivant la tolérance de l’Église par rapport aux personnes elles-mêmes.

Saint Thomas a posé les principes qui régissent la question, Sum. theol., II"-II æ, q. x, a. Il : « Doit-on tolérer les rites des infidèles ? » La réponse est sage et prudente : « Les gouvernements humains doivent se conformer au gouvernement divin dont ils sont une émanation. Or, malgré sa puissance et sa bonté infinies, Dieu laisse exister dans le monde certains maux qu’il pourrait empêcher, parce que leur suppression entraînerait la perte de plus grands biens ou même provoquerait des maux plus grands encore. Saint Augustin n’a-t-il pas écrit : « Enlevez du monde les courtisanes, les passions jetteront le trouble partout. » (De ordine, t. II, n. 12, P. L., t. xxxii, col. 1000). Ainsi donc, quoique les infidèles pèchent dans leurs rites, on peut les tolérer, soit à cause d’un bien qu’on en retire, soit à cause du mal qu’on évite en les tolérant. » La première de ces deux alternatives se vérifie, pour saint Thomas (comme pour la plupart des théologiens), en ce qui concerne les Juifs. L’Église retire un véritable bienfait de la conservation de leurs pratiques religieuses, parce que ces pratiques constituent un témoignage vivant de la vérité de notre religion ; le Christ en qui nous croyons est plus vivement affirmé par la dispersion et la persistance du peuple qui l’a fait mourir, dont la conversion finale à la fin des temps attestera magnifiquement le triomphe du christianisme. C’est en se plaçant à ce point de vue que saint Grégoire dit en parlant des Juifs : « Qu’ils soient libres d’observer et de célébrer toutes leurs fêtes comme l’ont fait leurs pères durant un si long temps, et comme ils l’ont fait jusqu’à ce jour. » Décret, dist. XLV, cap. 3, Qui sincera, P. L., t. clxxxvii, col. 233. La seconde alternative se vérifie pour les rites des autres infidèles et pour ceux des hérétiques : théoriquement, ils ne devraient être tolérés d’aucune manière ; on peut néanmoins et on doit les tolérer « pour éviter quelque mal, le scandale par exemple, ou une scission pouvant provenir de l’intolérance, ou même un obstacle au salut de certains infidèles qui, après avoir été ménagés et tolérés par l’Église, finissent par se convertir à la foi. C’est dans ce but que l’Église, même alors qu’elle aurait pu les empêcher, a toléré les rites des hérétiques et des païens, quand le nombre des infidèles était encore très grand ».

A ce principe général de saint Thomas, dont personne ne contestera la largeur de vues, Suarez apporte une utile précision, De fide, disp. XVIII, sect. iv, n. 9. Parmi les pratiques contraires à la foi chrétienne, certaines sont uniquement opposées à l’enseignement surnaturel de la vraie foi (Suarez cite en exemple les pratiques juives) ; d’autres sont contraires aux préceptes naturels, par exemple l’homicide, l’offrande de victimes humaines, l’adultère, etc. On tolérera plutôt les premières sur lesquelles des non-catholiques peuvent être en état d’ignorance ; les secondes étant des crimes de droit commun doivent être réprimées même par l’Église, non en tant que société surnaturelle ; mais en tant que société tout court. Toutefois, ici encore,

Suarez admet que la tolérance puisse avoir quelque place. Il s’appuie sur la recommandation du Sauveur dans la parabole de la zizanie, Matth., xiii, 30. Saint Augustin dit lui-même que l’Église tolère chez ses propres fils des fautes graves, de crainte qu’en sévissant ne s’ensuivent de plus grands schismes. Contra epist. Pormeniani, t. III, n. 15, P. L., t. xliii, col. 94.

Une application du principe de la tolérance prudente et sage a été faite par l’Église elle-même, déjà sortie des persécutions et cherchant à adapter plusieurs pratiques et plusieurs fêtes païennes à la croyance et aux souvenirs chrétiens. Si l’Église s’était montrée intolérante à l’égard de ces rites païens, elle n’aurait peut-être pas si facilement conquis certains peuples. Nous ne nions pas cependant que les applications concrètes de ce principe général de la tolérance n’aient accusé une grande variété d’aspects et n’ait subi, au cours des siècles, de considérables modifications. Questions de circonstances, de personnes et surtout d’ambiance, comme on le rappellera incessamment.

À l’égard des personnes.

1. Principe général. —

Quelles que soient les applications concrètes qu’au cours des siècles l’Église ait cru devoir faire ou de son pouvoir de répression ou de sa volonté de tolérance, c’est un principe admis de tous que l’autorité de l’Église doit toujours se tempérer de bonté et de charité même à l’égard des pécheurs qu’elle ne doit atteindre qu’en leur ménageant des possibilités de conversion.

Le concile de Trente a admirablement tracé la ligne de conduite qui s’impose en pareille matière aux dirigeants de l’Église : Ils doivent, dit-il, « se souvenir qu’ils sont établis pour être pasteurs et non persécuteurs ; ils doivent se conduire à l’égard de leurs inférieurs de sorte que leur supériorité ne dégénère pas en une domination hautaine ; mais qu’ils les aiment et les considèrent comme leurs enfants et leurs frères et qu’ils mettent toute leur application à les détourner du mal par leurs exhortations et leurs bons avis pour n’être point obligés d’en venir aux châtiments nécessaires à l’égard de ceux qui tomberaient dans des fautes. S’il arrivait cependant que leurs subordonnés se fussent laissés aller au péché par fragilité humaine, les évêques doivent, à leur égard, observer ce précepte de l’Apôtre, de les reprendre, de les conjurer, de les redresser avec toute force de bonté et de patience (II Tim., ii, 24-25) ; car les témoignages d’affection font souvent plus d’effet pour la correction des pécheurs que la rigueur, l’exhortation plus que la menace, et la charité plus que la force. Mais, si la faute est grave au point de rendre nécessaire la verge, alors ils tempéreront l’austérité de douceur, la justice de miséricorde, la sévérité de bénignité, de façon que la discipline utile soit maintenue parmi les peuples et que cependant ceux qui auront été châtiés s’amendent ou, s’ils ne le veulent pas, que les autres soient détournés du vice par l’exemple salutaire des punitions. Il est, en eflet, du devoir d’un pasteur vigilant et charitable tout ensemble, d’employer, pour guérir les maladies de ses brebis, tout d’abord les remèdes doux, puis, si la grandeur du mal l’exige, d’en arriver aux remèdes plus forts et plus violents ; et enfin, si ceux-ci ne servent de rien, il devra empêcher, par la séparation tout au moins, la contagion des autres ». Conc. de Trente, sess. xiii, de reform., c. i.

2. Applications.

a) À l’égard des infidèles. — Les infidèles ne sont pas soumis à la juridiction de l’Église, puisqu’ilsnesont pasbaptisés. Cf. Conc. Trid., sess. xiv, de pœnitentia, c. ii, s’appuyant sur I Cor., v, 12 ; Denz.-Bannw., n. 895. Voir aussi, dans le code, le canon 87. N’ayant aucun pouvoir direct sur les infidèles, l’Église ne saurait les contraindre à embrasser