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TOLÉRANCE DE L’ÉGLISE


pello, Surnma juris publici ecclesiastici, Rome, 1928, n. 270 : permissio negativa mali. Il semble toutefois qu’on doive y ajouter un léger correctif : ce n’est pas seulement un mal certain, ce peut être aussi un mal supposé, un bien discutable, qui est objet de tolérance. Disons donc que la tolérance est « la permission négative d’un mal réel ou supposé ».

La tolérance ne peut avoir pour objet un bien connu comme tel ; il serait immoral de permettre seulement le bien sans l’approuver, l’encourager, l’imposer même au besoin ; elle ne peut viser qu’un mal réel ou soupçonné que, pour un motif sérieux, on ne peut songer à empêcher. À l’égard de ce mal, elle constitue une simple permission : elle laisse faire. Permission d’ailleurs toute négative, car ce « laisser-faire » n’est qu’un transeat, donné parce qu’on ne peut faire autrement, et ne comportant ni une approbation, ni même, strictement parlant, la concession d’une liberté d’agir, la liberté pouvant aussi concerner un bien certain. Le caractère négatif de la permission implique même une nuance de réprobation, au moins intérieure, à l’égard du mal qu’on tolère.

Cette définition montre que la tolérance ne saurait, au sens réel du mot, être décorée du titre de vertu. Pratiquement, sans doute, l’exercice de la tolérance fera appel à d’autres éléments vertueux : charité, prudence, patience, etc., mais, comme telle, la tolérance ayant pour objet un mal, ne peut être rangée au nombre des vertus. Les auteurs qui considèrent la tolérance, respect de la liberté de penser d’autrui, comme un devoir strict, confondent la tolérance au sens propre du mot avec une vertu annexe, par exemple le respect de la sincérité ou de la loyauté d’autrui. C’est surtout Locke, dans sa Lettre sur la tolérance (1689) qui a contribué à lui donner un sens favorable.

La tolérance dont il est ici question concerne les choses religieuses, doctrines et pratiques, étrangères ou opposées à l’enseignement de l’Eglise catholique, ainsi que les personnes qui professent ces doctrines ou se livrent à ces pratiques. Elle peut être le fait de l’Église elle-même ; c’est la tolérance qu’on est convenu d’appeler tolérance religieuse. Elle peut être le fait de l’État chrétien, c’est ce qu’on appelle tolérance civile. Toutefois, puisque leur objet est toujours d’ordre religieux, nous préférons parler : I. de la tolérance religieuse de l’Église ; IL de la tolérance religieuse de l’État.

I. Tolérance religieuse de l’Église. — La tolérance religieuse de l’Église peut s’exercer : 1° à l’égard de doctrines jugées hétérodoxes ; 2° à l’égard de pratiques contraires à la discipline de l’Église ; 3° à l’égard des personnes.

À l’égard des doctrines.

Envisagée sous cet

aspect, la question est essentiellement une question de principe : il s’agit de savoir jusqu’à quel point l’Église catholique, sans manquer à sa mission, peut, dans l’exercice de son pouvoir de gouvernement (magistère), tolérer des doctrines spéculatives (dogme) ou pratiques (morale) opposées, à quelque titre que ce soit, à l’orthodoxie. Ainsi posée, la question est d’une solution relativement facile. Gardienne de la vérité révélée, foi et mœurs, l’Église ne saurait tolérer que se propage un enseignement nocif pour la foi des fidèles. Dès les premiers jours de son existence, il lui a fallu professer cette intolérance : aux princes des prêtres qui lui intimaient l’ordre de se taire, saint Pierre répond : « Jugez vous-mêmes s’il est juste devant Dieu de vous obéir plutôt qu’à Dieu. Pour nous nous ne pouvons pas ne pas parler. Act., iv, 19-20. Le concile du Vatican a ratifié cette réponse de Pierre : « La doctrine de la foi révélée de Dieu n’a pas été proposée a I "esprit humain comme une doctrine philosophique qu’il avait à perfectionner ; mais elle a été

confiée à l’épouse du Christ comme un dépôt divin qu’elle devait garder fidèlement et déclarer infailliblement. Aussi l’on doit conserver perpétuellement aux dogmes sacrés le sens fixé par une première déclaration de notre sainte Mère l’Église, et il n’est jamais permis de s’écarter de ce sens sous l’apparence et le prétexte d’une intelligence plus élevée. » Const. Dei Filius, c. iv, 5, Denz.-Bannw., n. 1800.

L’Église ne saurait donc rien retrancher aux enseignements qui nous viennent des apôtres ; ce ne sont pas, en effet, des questions soumises à ses investigations ; c’est un dépôt sacré confié à sa garde. Les mystères divins qu’elle a mission de proposer aux hommes ne peuvent être assimilés aux conclusions, souvent variables et changeantes, de la raison humaine ; d’où, pour l’Église, interprète et gardienne infaillible de l’autorité divine, l’obligation stricte de ne jamais tolérer l’hérésie ou l’erreur et de ne point permettre qu’on soumette la doctrine sacrée aux fluctuations et au progrès indéfini des raisonnements humains ou des expériences religieuses. Voir de multiples déclarations en ce sens : Pie IX, bref Eximiam tuam (contre Gûnther), Denz.-Bannw., n. 1656 ; epist. Gravissimas inter (contre Frohschammer), ibid., n. 1669 sq. ; cf. epist. Tuas libenler, ibid., n. 1682-1683 ; Syllabus, prop. 3, 4, 6, ibid., n. 1703, 1704, 1706 ; Pie X, décret La mentabili, prop. 5-7, 20-22, 54, 59, 62-64, ibid., n. 20052007, 2020-2022, 2054, 2059, 2062-2064.

Il s’en faut néanmoins que l’autorité de l’Église enseignante soit d’une rigidité telle qu’elle ne s’assouplisse d’aucune nuance. On a vu à l’art. Dogme, t. iv, col. 1610, que le dogme comporte un double progrès : progrès dans l’expression ou la formule dogmatique, progrès par un véritable développement dogmatique d’une vérité jusque-là crue ou enseignée d’une manière simplement implicite. Le premier progrès concerne plus spécialement les vérités explicitement révélées ; le second est celui des vérités implicitement révélées. Voir, pour plus de développement, l’art. Tradition, col. 1252. Dans l’un et l’autre développement, il peut se présenter des périodes de tâtonnements, de transitions, de recherches ultérieures, dans lesquelles une formule, une doctrine, non conforme à l’idée essentielle du dogme, est cependant encore tolérée, parce qu’aucune décision expresse n’a été prise par l’Église contre elle, ou précisément parce que l’Église, entendant la tolérer, ne veut pas la réprouver, sans cependant l’approuver. Il est facile de multiplier les exemples de tolérances de ce genre.

1. Quant aux formules.

Les formules plus ou moins subordinaliennes du n° et du ni c siècle, employées pour exprimer la génération du Fils, ont été tolérées et jamais dans la suite aucune réprobation n’a été portée contre elles, parce que, dépouillées de leur gaucherie archaïque, elles tendaien ! simplement à proposer le dogme de la génération éternelle : du ministre l’infériorité et la sujétion, il ne restera i.iii | le Fils qu’une personne subsistante, une personne envoyée qui reçoit tout de son Père. Bossuci. Sixième avertissement sur les lettres de M. Jurieu, n. 30. On connaît certaines formules, condamnées chez Baïus par saint Pie V. prop. 25, 27, 28, Denz.-Bannw.. n. 1025, 1027, 1028, et qu’on retrouve à peu près textuellement dans saint Augustin. La condamnation de la doctrine du théologien de l.ouvain n’implique pas celle des doctrines augustiniennes ; l’Église tolère, aujourd’hui encore, les formules d’Augustin, en raison de leur sens particulier et tout relatif. Voir Ici, t. ii, col. 811. Les lui inuhs défocl ueuscs, emploj ées par saint Julien de Tolède, soit pour la génération du Fila, wU

pour l’union hypostatiipie. ont été ">l< I ees par le pape

saint Serge* en raison du sens orthodoxe qu’en on)

fourni les X " et XVI’conciles de I oh.le. Voir Denz.-