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TOLÈDE (CONCILES DEl CONFESSIONS DE FOI


et ineffable Trinité », nous confessons les trois personnes « qui ne sont naturellement qu’un seul Dieu, d’une seule substance, d’une seule nature et d’une seule majesté et puissance ». Dans cette Trinité, le Père n’est « ni créé, ni engendré ; il est inengendré » ; il « ne tire son origine de personne » ; « il est lui-même source et origine de toute la divinité ». Mais précisément, parce qu’il est l’origine du Fils, il est aussi « le Père de sa propre essence », le Fils n’étant pas autre chose que ce qu’il est lui-même, Dieu.

2. Relativement au Fils, le symbole commente l’article de Nicée : Genilum, non jaclum, consubstantialem Patri (n- 276). Mais le commentaire a son originalité particulière, car il montre, dans l’origine du Fils ab œterno, un aspect de la doctrine catholique des relations divines :

Nous confessons que le Fils est né de la substance du Père avant tous les siècles et sans avoir eu de commencement et que cependant il n’a jamais été fait ; car ni le Père n’a jamais existé sans le Fils, ni le Fils sans le Père. Et pourtant il n’en est pas du Fils par rapport au Père comme du Père par rapport au Fils, parce que le Père n’a pas reçu la génération du Fils, tandis que le Fils l’a reçue du Père. Le Fils est donc Dieu par le Père ; mais le Père est Dieu sans le tenir du Fils. Père du Fils, il n’est pas Dieu par le Fils, tandis que le Fils est à la fois Fils du Père et Dieu par le Père, tout en étant cependant égal en toutes choses au Père, car il n’a jamais commencé ni cessé de naître.

Cette idée générale, où déjà s’esquisse la doctrine de la relation subsistante, se complète par le rappel de la consubstar.tialité des deux personnes, Père et Fils, i’ôjzoooatoç de Nicée. Puis, elle reçoit encore de nouveaux développements, dont la conclusion est la réprobation de l’adoptianisme priscillien : « Ce Fils est Fils de Dieu par nature et non par adoption ; et nous devons croire que le Père ne l’a engendré ni par volonté, ni par nécessité ; car, en Dieu, aucune nécessité ne s’exerce et la volonté ne prévient pas la sagesse. » Sur cet adoptianisme priscillien, voir l’art. Bonose, t. ii, col. 1029.

3. Relativement au Saint-Esprit (n. 277), notre symbole apparaît tout d’abord comme un commentaire du Quicumque : « L’Esprit-Saint n’est ni créé, ni engendré ; il procède du Père et du Fils. » Mais ensuite, il explique pourquoi le Saint-Esprit ne peut être dit ni engendré, ni inengendré : « Le disant inengendré, nous affirmerions deux Pères ; le disant engendré, nous paraîtrions enseigner deux Fils. » Le Saint-Esprit doit procéder à la fois du Père et du Fils, étant l’amour commun et la sainteté commune des deux. Enfin, on rappelle que, dans ses missions, l’Esprit-Saint doit être envoyé par le Père et par le Fils, tandis que le Fils n’est envoyé que par le Père. Voir plus loin, n. 10.

4. Suit l’exposé dogmatique du mystère (n. 278). Question de terminologie tout d’abord. Dieu ne peut être dit « triple » ; il est « trine ». Voir Noms divins, t. xi, col. 792. Il est moins correct de parler de la Trinité en un seul Dieu ; on doit dire la Trinité est un seul Dieu. Pour éviter l’erreur, il faut réserver aux personnes les noms relatifs (ad invicem), toute désignation absolue (ad se) se rapportant à la substance divine. Sur les noms proprement personnels, voir Noms divins, col. 790.

Dans les noms relatifs des personnes, le Père est rapporté au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux autres. Mais, tandis que les trois personnes sont affirmées relativement, une seule nature ou substance doit être crue. On ne saurait affirmer trois substances comme on affirme trois personnes. Il n’y a qu’une substance, mais il y a trois personnes. Le Père est tel, non par rapport à lui-même, mais par rapport au Fils ; le Fils est tel, non par rapport à lui-même, mais par rapport au Père ; semblablement le Saint-Esprit n’est pas tel par rapport à lui-même, mais en tant qu’il est rapporté au Père et au Fils. Mais, quand nous

disons « Dieu », ce n’est pas d’une manière relative ; …Dieu est affirmé (absolument) d’une manière expresse pour lui-même.

5. Nous saisissons par là la distinction des trois personnes, nonobstant l’unité de la divinité qui fait le fond de leur être (n. 279). Les trois personnes sont, chacune en particulier, Dieu ; et cependant il n’y a qu’un Dieu. Chacune est toute-puissante, et il n’y a qu’un Tout-Puissant. C’est que la divinité, la puissance, la majesté appartiennent à l’absolu et, tout en étant pleinement participées par chaque personne, elles ne sont ni multipliées ni augmentées dans les trois personnes, pas plus qu’elles ne sont diminuées en chacune (idée déjà exprimée au VIe concile). D’où cette conclusion : la Trinité n’échappe pas au nombre, mais elle n’est pas dominée par lui, non recedit a numéro, nec capitur a numéro.

6. Ainsi, dans la relation seule, on discerne le nombre des personnes ; dans la substance de la divinité, il ne peut y avoir qu’unité (n. 280) : « On n’entrevoit (en Dieu) le nombre des personnes que dans les rapports qu’elles ont entre elles ; elles ne peuvent plus être comptées dans ce qu’elles sont en elles-mêmes. » C’est ce que dira plus tard saint Anselme, De flde Trinilalis et de incarnatione Verbi, c. vi, P. L., t. clviii, col. 279. Le concile de Florence nous en laissera la formule définitive : (In Deo) omnia sunt unum, ubi non obviât relationis oppositio. Denz.-Banmv., n. 703. Voir ici Relations divines, t. xiii, col. 2145 sq.

De ce principe général, le symbole fait une application particulière dans la terminologie à employer, le terme masculin désignant la personne, le terme neutre désignant la substance :

Celui qui est le Père n’est pas le Fils ; celui qui est le Fils n’est pas le Père ; celui qui est le Saint-Esprit n’est pas le Père ou le Fils ; et cependant le Père est cela même qu’est le Fils ; le Fils, cela qu’est le Père ; le Père et le Fils, cela qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul Dieu par leur nature. Lorsque nous disons que le Père n’est pas ce/ui-Zà même qu’est le Fils, nous envisageons la distinction des personnes. Mais quand nous disons que le Père est cela même qu’est le Fils, nous n’entendons que ce qui appartient à la nature ou substance par laquelle Dieu est Dieu, parce que, dans la substance, (les personnes) n’ont qu’une même réalité..Nous distinguons les personnes, mais ne séparons pas la divinité.

Ce texte de Tolède prélude à ce que dira le IVe concile du Latran, cap. Damnamus : Licet alius sit Pater, alius Filius, alius Spiritus sanctus, non tamen aliud ; sed id, quod est Pater, est Filius, et Spiritus sanctus idem omnino. Denz.-Bannw., n. 432. Voir Noms divins, t. xi, col. 792.

7. Il faut donc reconnaître dans la Trinité la distinction des personnes, tout en confessant l’unité en raison de la nature ou substance (n. 281). Mais la distinction des personnes n’entraîne pas leur séparabilité. Aucune n’a existé, n’a réalisé quelque œuvre avant, après ou sans l’autre. Elles sont inséparables en ce qu’elles sont ou ce qu’elles font. Il n’y a pu avoir « aucun intervalle de temps, dans lequel ou le Père aurait précédé le Fils dans l’existence, ou le Fils aurait manqué au Père, ou le Saint-Esprit apparaîtrait, dans sa procession, postérieur au Père ou au Fils ». Vérité si évidente que le nom même qui désigne une personne nous fait connaître l’autre. Le Père ne peut être connu sans faire connaître le Fils ; le Fils ne peut être découvert sans que se manifeste le Père. On ne peut entendre un terme personnel, sans être forcé d’y comprendre l’autre. Mais « puisque les trois sont un et que cet un est trois, chaque personne (dans l’unité) garde sa propriété : le Père a l’éternité sans naissance ; le Fils a l’éternité avec la naissance ; le Saint-Esprit procède sans naissance, mais de toute éternité ».