Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/603

Cette page n’a pas encore été corrigée
1191
1192
TOLÈDE (CONCILES DE). CARACTÈRE


les dénoncer au roi s’ils sont insolents, à les excommunier même s’il le faut. Bien plus, ce sont les évoques qui, d’accord avec les seniores, fixeront la rétribution fournie aux juges par les provincs. Le pli est pris dès le début : ingérence de l’Église dans le gouvernement de l’État et, réciproquement, intrusion de l’État dans l’Église.

1. Pour être valable, l’élection royale devait en quelque sorte être sanctionnée par l’épiscopat et les rois wisigoths, bien avant les rois francs, recevaient à leur sacre l’onction de l’huile sainte. Ainsi les évêques durent parfois ratifier des usurpations véritables et légitimer plus d’un empiétement.

Dès le IVe concile, on saisit sur le vif ce rôle de l’Église d’Espagne. Suintila est détrôné et doit abdiquer devant Sisenand victorieux. Le concile, par son canon 75, règle’a situation politique en faveur du vainqueur. Il ne pouvait sans doute pas faire autrement. « Par son abdication, dit-il, Suintila s’est reconnu coupable ; il ne pourra donc plus recevoir aucune dignité, ni lui, ni sa femme, ni ses enfants. De ses biens, il ne gardera que ce que Sisenand voudra bien lui laisser. Pour l’avoir trahi, après avoir été son complice, son frère. Geila sera excommunié et dépossédé de tous ses biens. »

Mais le concile entend pourvoir à l’avenir, et le canon 75 met désormais le roi régnant sous la protection de l’Église : « Pour qu’une pareille catastrophe ne puisse à l’avenir être infligée à un souverain régnant, le concile anathématise d’avance quiconque formerait contre le roi une conjuration ou fomenterait des soulèvements. Si le trône devenait vacant, on pourvoirait à la désignation du nouveau roi suivant le seul mode, reconnu constitutionnel, l’élection par les chefs du peuple d’accord avec les évêques. » Cela dit, le concile adjure le roi de « gouverner avec douceur et suivant la justice et de ne prononcer aucune condamnation à mort, sauf pour des crimes d’une gravité exceptionnelle. » Cf. H. Leclercq, op. cit., p. 302-305.

2. Le successeur de Sisenand, son frère Chintila, crut devoir à son tour faire sanctionner son élection par le Ve concile. Les évêques lui accordèrent les confirmations désirées. De nouvelles précautions furent prises en faveur du prince : interdiction d’aspirer au trône si l’on n’a pas été régulièrement élu par les nobles et les évêques, can. 3 ; de chercher à connaître par des moyens superstitieux l’époque de la mort du roi ; de former des plans et de grouper des partisans en vue de lui donner un successeur de son vivant. Can. 4. On promulgue à nouveau le canon 75 du IVe concile, lequel devra être lu à la fin de chaque concile espagnol. Can. 1, 7. On ajoute que le roi ne doit pas congédier les serviteurs de son prédécesseur ni leur enlever les biens etles dignités qu’ils tenaient de celui-ci. Can. 6. Mais le roi garde le droit de pardonner à tous ceux qui manqueraient à ces prescriptions. Can. 8.

3. Mêmes préoccupations au concile suivant, du moins en quelques canons. Sans parler du canon 3 contre les Juifs, le concile frappe d’excommunication quiconque trahira son pays, can. 12 ; excepte l’accusation du crime de lèse-majesté de la procédure d’enquête préalable, can. Il : prescrit de rendre aux hauts fonctionnaires du palais l’honneur qui leur est dû, can. 13 ; renouvelle le canon 6 du précédent concile, can. 14 ; interdit de former, du vivant du roi, des projets sur la future succession au trône et exige qu’ « aucun de ceux qui ont reçu la tonsure religieuse, aucun descendant d’esclave, aucun étranger ne soit choisi pour son successeur, lequel doit être toujours un Goth ». Can. 17. Enfin, punissant d’un bannissement perpétuel tout attentat ou complot contre le roi, il renouvelle toutes décisions prises à ce sujet. Can. 18.

4. Le complot qui amena Chindasvinte au pouvoir

et la guerre civile qui s’en suivit devaient engager le pouvoir royal à solliciter l’appui du pouvoir re’igi. ux. Le nouveau roi demanda au VIIe concile fie l’aider à mater rébellion et trahison.

Le canon 1 er accorda les sanctions demandées. On constate cependant que telle de ses dispositions se retourne contre les partisans de Chindasvinte. Hefelfi-Leclercq partage en trois ce long canon, et cette disposition en fait mieux comprendre la portée.

Voici d’abord pour les adversaires du roi :

Comme dans les dernières guerres civiles, non seulement un grand nombre de laïques, mais encore beaucoup de clercs ont pris les armes et sont allés dans des pays étrangers pour nuire au royaume et au roi des Goths, on ordonne que ces traîtres et tous ceux qui les ont aidés seront déposés de leurs fonctions ecclésiastiques et condamnés à faire pénitence le reste de leur vie. Ils ne pourront recevoir la communion qu’au lit de mort et s’ils donnent des marques de repentir. Le roi ne pourra pas empêcher cette excommunication et si, sur son ordre, un évéque donnait àunde ces excommuniés l’eucharistie (avant le moment de sa mort), il sera lui-même excommunié jusqu’à sa mort. Le roi ne pourra non plus adoucir les anciennes lois qui demandent la confiscation des biens de ces traîtres, que pour leur laisser la vingtième partie de ce qu’ils avaient.

Voici maintenant la menace aux clercs qui ont prêté à Chindasvinte leur aide contre Tulga :

Mais si, du vivant du roi, un clerc oublieux de ses devoirs, prend parti pour un autre prétendant au trône et si ce prétendant remporte la victoire, ce clerc, évêque ou autre, sera excommunié jusqu’à sa mort ; si le roi s’oppose à cette excommunication portée contre son partisan, elle atteindra de nouveau celui-ci après la mort du roi.

La troisième partie du canon concerne les laïques et la possibilité de leur pardonner :

Le laïque qui va à l’étranger pour agir contre sa patrie et son roi, doit être puni par la confiscation de ses biens et l’excommunication jusqu’à la mort, à moins que, sur les prières de l’évêque auprès du roi, il ne soit admis à la communion (l’intervention du roi était prévue par le VIe concile, can. 12). Dans les autres injures ou conjurations dites ou faites contre le roi, celui-ci pourra décider lui-même si le coupable peut être admis à la communion (cf. V* conc, can. 8) ; mais, pour les clercs et les laïques qui sont traîtreusement allés en pays étranger pour y ourdir des conjurations, nous supplions le roi de ne pas les relever de la sentence d’excommunication, quelques instances que fassent les évêques. Hefele-Leclercq, Hist. des conciles, t. m a, p. 285-286.

5. Le VIIIe concile devait corriger, à la demande de Reccessvinte ce qui parut excessif et injustifié dans les dépositions précédentes. Tout le peuple avait juré en 646 d’appliquer à ceux qui s’étaient mal conduits envei’s la patrie et le roi les sanctions promulguées par le VIIe concile. Il fallait donc pour ainsi dire se déjuger et rendre, au roi son droit de grâce. Le concile s’y appliqua avec habileté : il cita un grand nombre d ? passage de l’Écriture et des Pères (entre autres Isidore, appelé novissimum Ecclesise decus in sseculorum fine doctissimus), afin de prouver qu’il vaut mieux transgresser un serment que d’avoir à traiter parfois si cruellement tant de frères pour l’observer. Can. 2. Les règles de l’élection royale furent précisées ; le serment, imposé au roi avant son accession au trône. Can. 10. Ensuite, le concile confirma deux décrets royaux annexés au procès-verbal et traitant de la succession royale. Can. 13. Le tout fut signé des évêques présents et de quatorze grands de la cour. Une fois de plus, le concile faisait figure de cortès.

6. Les conciles IX-XI s’occupèrent, d’une manière presque exclusive, d’affaires ecclésiastiques. Avec le XIIe, réuni pour confirmer l’élection d’Erwige au trône, la tutelle de l’Église sur l’État s’affirme à nouveau. Politique au premier chef, ce concile commence