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TIMOTHÉE DE JÉRUSALEM — TIPHAINE (CLAUDE)

ἀναληψίμους χώρους est la vraie. Ce qui est remarquable, c’est que cette homélie n’ait pas subi d’interpolation à cet endroit, à travers les siècles, même après que l’Église byzantine eut établi la fête de la dormition (c’est-à-dire de la mort) de Marie.

Sur le prêtre Timothée et l’époque où il a vécu nous n’avons aucun renseignement positif. Certaines collections patristiques ont hasardé de le faire mourir vers 535, sans doute parce qu’elles ont publié, avant ou après son homélie, une homélie sur la transfiguration, de Timothée, prêtre d’Antioche, que l’on place vers cette époque, comme si Timothée d’Antioche était le même que Timothée de Jérusalem, supposition qui n’a aucun fondement. En fait, en se basant sur le contenu de l’homélie, on peut affirmer que son auteur a vécu avant la querelle nestorienne et le concile d’Éphèse. Aucune allusion, en effet, dans tout le discours à cette querelle ni à celles qui ont suivi. Le terme même de θεοτόκος n’y paraît pas une seule fois. Marie est simplement appelée « la Vierge », παρθένος. Il est clair, par ailleurs, que, du temps de l’auteur, le tombeau de la sainte Vierge à Gethsémani n’avait pas encore été inventé, puisqu’il affirme que Marie est restée immortelle. Tout concorde à faire de lui un contemporain de saint Épiphane, un Palestinien comme lui, qui n’ose décider si la sainte Vierge est morte, ou si elle est restée immortelle.

Nous avons dit un mot du prêtre Timothée dans notre étude sur l’Assomption et la mort de la sainte Vierge durant les cinq premiers siècles, parue dans les Échos d’Orient, t. xxv, 1926, p. 286-290. Son témoignage a été, en général, oublié dans les dissertations sur le mystère de l’Assomption. Certains auteurs récents, qui l’ont connu, s’en débarrassent assez lestement, en disant, par exemple, avec Al. Janssens, dans le Divus Thomas Placentinus, t. viii, 3e série, 1931, p. 517 : « La singularité de ce témoin nous défend de le considérer comme un organe de la tradition. »

M. Jugie.

TIPALDI Jean-André, de la Compagnie de Jésus (1686-1760). — Né à Chio le 30 décembre 1686, entré dans la Compagnie à Rome le 7 décembre 1706, il enseigna la grammaire, neuf ans la philosophie, vingt-deux ans la théologie dogmatique, polémique et morale, et six ans l’Écriture-Sainte au Collège romain. Il mourut à Tivoli le 30 mai 1760. On a de lui un gros ouvrage de controverse contre le schisme byzantin : La guida alla vera Chiesa di Gesù Cristo, parti I, Rome, 1752 ; parte II, 1754 ; parte III, 1757 ; les trois volumes in-8°. La deuxième partie traite spécialement de la procession du Saint-Esprit et de l’usage du pain azyme. On attribue aussi au P. Tipaldi une brochure anonyme : Exercitatio biblica habita in collegio Romano a Patribus S. J., anno MDCCLVI…, Rome, 1756, in-4°. On conserve enfin de lui quelques traités manuscrits : Physica generalis ; Logica major ; Logica minor.

Sommervogel, Biblioth. des écrivains de la Comp. de Jésus, t. viii, col. 33 ; Hurter, Nomenclator…, 3e édit., t. iv, col. 1365-1366.

H. Jalabert.

TIPHAINE Claude, célèbre théologien de la Compagnie de Jésus († 1641). — Né à Aubervillicis, près Paris, entré dans la Compagnie en 1593, longtemps professeur de philosophie, chancelier et deux fois recteur de l’Université de Pont-a-Mousson (Meurthe-et-Moselle), il meurt à Sens en 1641, laissant la réputation d’un théologien profondément versé dans la Connaissance d’Aristote et de saint Thomas. Il semble avoir été aussi un esprit très personnel. Une lettre de lui aurait publiquement blâmé la manière de procéder des exorcistes de Loudun. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. viii, col. 34. Il l’essaya aussi à trouver une voie moyenne entre bafiésiens et molinistes sur les questions de la prédestination et du concours divin : De ordine, deque Priori et Posteriori liber, ad varias et celebres theologiae et philosophiae quæstiones enodandas, auctore N. M. doctore theologo, Reims, 1640. Publié sans nom d’auteur, ce livre avançait contre la « science moyenne » dix arguments, dont il demandait qu’on lui donnât la solution. Elle lui fut donnée en 1646 par le P. Fr. Annat dans sa Scientia media contra novos ejus impugnatores depensa, disputatio secundo, Toulouse, 1646, et, n’était cette réfutation, personne sans doute ne connaîtrait cet ouvrage de Tiphaine : Ellies du Pin cependant en donne l’analyse dans sa Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, t. xvii, Amsterdam, 1711, p. 189.

L’ouvrage qui a fait la réputation de Tiphaine est celui qu’il a publié sous ce titre : Declaratio ac defensio scholasticæ doctrinæ sanctorum Patrum Doctorisque angelici de hypostasi et persona ad augustissima Sanctissimæ Trinitatis et slupendæ incarnationis mysteria illustranda, Pont-à-Mousson, 1634, réédité en 1881, à Paris, par les soins du P. Jovene, un des premiers professeurs de théologie à l’Institut catholique de Paris. Tiphaine y remet en lumière, sur la personne en général et sur ce qui manque à la nature humaine dans le Christ pour être une personne, une opinion commune au Moyen Age, mais qui, depuis Cajétan et Suarez, avait été supplantée par la théorie dite du « mode substantiel » de la personnalité. Contrairement à cette théorie, Tiphaine soutient qu’il n’y a pas de distinction réelle entre une nature concrète et ce qui la constitue hypostase ou personne. La personnalité tient proprement au fait de l’indépendance ou de l’autonomie ontologique d’une nature raisonnable. Dans le Christ, la nature humaine ne s’appartient pas ; elle n’est pas un tout et il lui manque donc ce qui, à proprement parler, constitue la personne, d’être un tout enclos en lui-même.

La doctrine ainsi exposée se trouve, depuis lors, couramment attribuée à Tiphaine comme s’il en était l’auteur. Tout au plus, la rapproche-t-on de celle qu’on appelle de Scot et qui, de fait, à certaines expressions près, s’identifie avec elle. Voir Descoqs, La nature métaphysique de la personne, dans Archives de philosophie, t. xiv, cahier 111, 1938, p. 129-132. À vrai dire cependant, cette dénomination est une erreur et une injustice. La doctrine exposée par Tiphaine est très certainement celle qui avait universellement cours dans les écoles au xiiie siècle. On la reconnaît chez Albert le Grand et on peut la voir explicitement proposée et soutenue par Geoffroy des Fontaines dans son Quodlibetum vii, q. v (édition De Wulf et Hoflmans. dans Les philosophes belges, t. iii, p. 311-312, cité par Galtier, De incarnatione ac redemptione, thes. xv, n. 222). Ainsi s’explique que Scot l’ait présentée à sa manière. De même Gilles de Rome, bien qu’il admît, pour l’humanité du Christ, une existence créée réellement distincte de son essence. Voir D. Trapp, Aegidii romani de doctrina modorum, dans Angelicum, t. xii, 1935, p. 486-501. De l’avis d’un nombre croissant d’auteurs récents, c’est également la doctrine de saint Thomas. Voir Schillz, La notion de personne dans saint Thomas, dans Ephemerides theolog. Lovan., 1933, p. 409-426 ; P. Galtier, L’unité du Christ : être, personne, conscience, IIe part., c. iv-v ; A. Gaudel, Le mystère de l’Homme-Dieu, t. ii, p. 97-106. Tiphaine a douc su le lire. Tout en croyant apercevoir chez lui la distinction réelle de l’essence et de l’existence (op. cit., c. vi, n. 7 ; c. xxxvi, n. 14 ; c. xiii, n. 18-19), il s’est rendu compte que cette distinction ne commandait nullement sa conception de l’union hypostatique (c. xxxvi). Sur ce point, sa doctrine nettement et constamment affirmée se borne à reproduire celle que les docteurs grecs et latins ont opposée à la fois aux nestoriens et aux monophysites. À faire de la nature humaine, dans le Christ, un tout à part, on y intro-