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TIMOTHÉE Ie '. DOCTRINE


théisme. P. 68. Les anciens prophètes d’Israël, eux aussi, ont dû insister sur l’unité de Dieu. Si Timothéc d’autre part, doit emprunter ses comparaisons au monde matériel pour exprimer des pensées sur Dieu, c’est parce que l’esprit humain ne peut atteindre Dieu directement et n’atteint que ses opérations. Si les chrétiens parlent de la Trinité, c’est parce qu’ils en ont été instruits par les Livres saints ; de lui-même, l’esprit humain ne pourrait s’exprimer ainsi. P. 72. Dieu, seul de toute éternité, est depuis toujours un « connaissant ». Il faut donc qu’il ait, de toute éternité, un objet de connaissance. Dieu se perçoit et se connaît par son Verbe et par son Esprit. Le Verbe et l’Esprit ne sont pas ajoutés à Dieu, à aucun moment ; ils sont éternels et Dieu même. Il est de l’essence de Dieu d’avoir un Verbe et un Esprit. P. 75. Ni le Verbe, ni l’Esprit ne sont des créatures, on ne peut donc pas les traiter de serviteurs. P. 80.

La personne du Christ tient aussi dans la discussion une place considérable. La conversation commence par l’accusation assez vulgaire : « Comment un homme aussi instruit que le catholicos et aussi disert, lorsqu’il parle de Dieu, peut-il admettre que Dieu ait épousé une femme afin d’en avoir un fils ? » Timothée distingue la génération éternelle et la naissance dans le temps. Le calife admet la conception virginale, mentionnée dans le Coran, mais il n’admet pas que la naissance de Jésus ait respecté l’intégrité de Marie. Timothée répond qu’Eve également a été formée d’Adam sans qu’ait été déchiré le côté de celui-ci et que les fruits sont produits parles arbres sans que ceuxci en soient endommagés. P. 18. De la naissance, l’exposé passe naturellement à la distinction des natures, suivant le langage nestorien : « Les vêtements de l’humanité que le Christ a pris de Marie. » P. 19. Le calife insiste alors sur la dualité et Timothée, tout en restant Adèle aux formules habituelles dans sa communauté, revendique, avec les deux natures, l’unité du Christ : « Il est un Fils et Christ et pas deux. Il n’est pas né de Marie comme il est né de Dieu, ni né de Dieu comme il est né de Marie. Cependant, le Fils et le Christ sont réellement un, bien qu’il y ait deux naissances ; et le même Christ a Dieu pour père, par nature, et pour Dieu : pour père parce qu’il est le VerbeDieu, et pour Dieu parce qu’il est né de Marie. » P. 20 sq.

Le Christ, cependant, a été désigné par les prophètes comme le serviteur de Dieu ; comment cela peut-il s’accorder avec sa divinité? P. 83. Timothée se tire de l’objection par une similitude qui dut plaire au calife, en même temps qu’elle nous fournit pour la discussion une date post quem des plus précieuses. Il loue le fils préféré d’al-Mahdi, Hârûn, déjà proclamé héritier présomptif, au détriment de son frère aîné, de s'être distingué en 782 au cours d’une campagne brillamment menée en Anatolie contre les Byzantins. Hârûn, héritier présomptif, en allant combattre, n’a rien perdu de sa filiation par le fait de sa mission militaire. De même en est-il pour le Christ, qui reste fils lorsqu’il remplit sa mission terrestre. Si les prophètes l’appellent serviteur, ce n’est pas parce qu’il le fut réellement, étant Dieu, mais parce qu’il fut regardé comme tel par les Juifs. En même temps qu’il est désigné par des termes de mépris, le Christ est appelé par les prophètes le plus beau des enfants des hommes, prince de la paix, etc. Des Byzantins pourront s’imaginer que Hârûn combattant est tout simplement un des soldats du calife, parce qu’ils ignorent sa filiation et sa dignité royales, mais ceux qui le connaissent savent qu’il est prince et roi, p. 84 sq. ; de même, en face des Juifs ignorants, les prophètes.

Le caractère divin du Christ est affirmé à plusieurs reprises, en particulier d’après l’Ancien Testament et les évangiles. P. 86 sq. Mais comment ne pas en con clure que Dieu a souffert en la chair du Christ et qu’il est mort ? P. 87. Cette fois, Timothée se pose en nestorien ; il abandonne délibérément les melkites et les jacobites, qui osent parler ainsi. P. 87 sq. Ailleurs, Timothée parle explicitement de la mort du corps de Dieu le Fils, l’opposant à la conception coranique d’un sosie substitué à Jésus sur la croix. P. 40 sq. Les nestoriens, en tout cas, qui seuls ont en tout la vraie croyance, suivant Timothéc, professent que Dieu a remplacé la passibilité par l’impassibilité dans la nature humaine qu’il a prise de Marie, en faisant ressembler à la divinité cette nature humaine, autant qu’il est possible qu’un être créé ressemble à son créateur, étant bien entendu qu’une créature ne peut s'élever d’elle-même à la ressemblance du Créateur, mais que le Créateur peut l'élever. P. 88.

Après ce que Timothée avait dit de l’unité divine, il était naturel de lui demander si le Père et le Saint-Esprit ne se sont pas incarnés en même temps que le Fils. S’il n’y a pas de distance entre les personnes divines, il est impossible que l’une d’elles s’incarne sans les autres. Timothée répond que la parole du calife se revêt de la voix, mais non son âme et son esprit. On dit qu’on entend la voix de quelqu’un, mais non pas qu’on entend son âme ou son intelligence, bien que la voix soit liée à l’intelligence et à l'âme. P. 27.

Les autres questions agitées dans la controverse n’ont pas grande importance du point de vue théologique. Pourquoi les chrétiens ne pratiquent-ils pas la circoncision, qu’a observée leur chef, Jésus ? P. 27 sq. Pourquoi les chrétiens se tournent-ils vers l’Est pour prier ? P. 29 sq. Pourquoi les chrétiens adorent-ils la croix ? P. 39 sq. Les Juifs ont-ils été coupables dans la crucifixion, puisque Jésus est mort volontairement ? P. 43 sq.

Il importe de noter, parmi les questions secondaires, un curieux reproche d’al-Mahdi à Jésus, coupable d’avoir laissé mourir sa mère, ou même de l’avoir tuée, puisqu’il peut donner l’immortalité à qui il veut. Timothée répond que Marie, mère de Jésus-Christ, par qui le royaume du ciel a été révélé, méritait bien d'être ravie au ciel. Mais pour cela il fallait d’abord qu’elle mourût. P. 52 sq.

La controverse prend fin sur une parabole relative à la vraie foi : le monde présent est comme une chambre obscure dont le sol est couvert d’une couche de boue. Sur ce sol il y a une perle, et les hommes la cherchent. Mais l’un d’eux ramasse un éclat de verre, un autre un morceau de terre durcie, un caillou. Pourtant tous croient avoir la perle, qu’on pourra reconnaître clairement lorsque le soleil sera venu, au dernier jour. Voici cependant un moyen qui permet de discerner dès maintenant qui a vraiment la perle : la pierre de touche, c’est l’accomplissement de vrais miracles. P. 89 sq.

Exposés dogmatiques.

Les lettres de Timothée

sont riches en exposés dogmatiques, en particulier sur les points controversés de la christologic. Le P. Jugie a tenu le plus grand compte des trente-neuf lettres traduites dans le Corpus scriplorum christianorum orientalium. On voit par le nombre des références de l’index onomastique la place tenue parTimothée dans la série des théologiens nestoriens de langue syriaque, la première après Babaï. Theologia dogmatica christianorum orientalium…, t. v, De theologia dogmatica nestorianorum et monophysilarum, Paris, 1935, p. 779. La place a été faite aussi très large ici aux données des lettres dans l’art. Nestorienne (Église), t. xi, col. 288-313.

Comme dans la discussion avec al-Mahdï, Timothéc enseigne dans la lettre n que Dieu ne peut être saisi par la nature humaine, limitée ; elle ne peut percevoir la nature de Dieu, ni complètement, ni incomplète-