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TIMOTHÉE ET TITE. THÉOLOGIE, L’ÉCRITURE


fidèles, c’est qu’elle était inspirée de Dieu. C’est ce caractère essentiel que saint Paul a voulu rappeler en premier lieu. Il ne l’indique pour ainsi dire qu’en passant ; mais, s’adressant à Timothée, il n’avait pas besoin d’insister. Il dit 6eo7tveuo-Toç YP 01 ?* ! comme il vient de dire îepà Ypâu.|j.aTa : l’Écriture est sacrée, car elle vient de Dieu.

Ce texte affirme donc comme un fait certain, dont personne ne doute ni ne peut douter, l’inspiration de la sainte Écriture. Il nous renseigne aussi sur l’étendue de l’inspiration. Ce caractère appartient non seulement à la collection des livres saints dans leur ensemble, mais à tous et à chacun de ces livres et à tout leur contenu, à tout ce qui porte le nom d’Écriture dans la tradition juive, sans distinction de parties historiques ou prophétiques, dogmatiques ou morales, quel que soit l’auteur humain connu ou inconnu, quelle que soit aussi l’importance de son œuvre. Le mot Gsôttveuotoç nous permet encore d’entrevoir la nature de l’inspiration. Il nous invite à concevoir l’auteur humain, au moment où il écrit, comme rempli et pénétré de l’esprit de Dieu, mû dans toute son activité par l’influence d’en haut, de manière qu’il ne pense, ne veut et n’exprime rien de sa seule pensée et volonté humaine. L’expression ôeôrcveuaToç sous la plume de Paul a la même portée que imb 7tveû(i.aTOç àyîou cpep6(xevoi dans II Petr., ii, 21. De part et d’autre est mise en relief l’initiative de Dieu et son action toute-puissante sur l’homme. Le résultat est que tout, dans l’Écriture, est à la fois et de l’homme et de Dieu, mais de l’homme comme instrument, toujours d’ailleurs volontaire et libre, de Dieu comme agent principal, et le livre ainsi écrit est vraiment Écriture de Dieu. Tel est le sens plein de « inspiré de Dieu, poussé par l’Esprit-Saint ».

Utilité de l’Écriture.

Étant donné le caractère

divin de l’Écriture, que ne peut-on en attendre pour l’utilité spirituelle des croyants ! L’Apôtre énumère quatre avantages particuliers. Les deux premiers sont d’ordre plutôt intellectuel, les deux autres d’ordre moral.

1. L’Écriture est utile irpoç StSacrxaXtav, « pour l’enseignement ». La « didascalie » nommée quinze fois dans les Pastorales, est d’une manière générale l’instruction qu’il faut donner aux fidèles. Elle a pour objet les vérités de la foi. Rien ne peut mieux aider le prédicateur de l’Évangile que la connaissance de l’Ancien Testament. Saint Paul lui-même est le modèle du didascale ou docteur : quelles richesses de doctrine ne puise-t-il pas dans les Livres Saints, surtout dans l’histoire des patriarches, dans la loi de Moïse, dans les écrits des prophètes ! Non seulement la vérité religieuse en général resplendit dans l’Ancien Testament, mais les mystères propres à la révélation chrétienne reçoivent une vive lumière des figures anciennes : le Christ lui-même a rapproché l’eucharistie de la manne, Joa., vi, 22-23 ; cf. I Cor., x, 3 ; toute l’épître aux Hébreux a pour thème la comparaison entre le sacerdoce du Christ et celui d’Aaron.

2. IIpoç èXeYfxôv, ad arguendum, « pour convaincre ». Ce terme, assez fréquent dans l’Ancien Testament, est inusité dans le grec profane. Il dérive de èXéyxco, « convaincre, accuser, réfuter », de même que ikzyyoç ; mais, tandis que ëXeyxoç, a le sens général de « preuve, argument », èXeyfiôç s’emploie de préférence quand il s’agit de convaincre quelqu’un d’un tort, d’une faute, d’une erreur. Lev., xix, 17 ; Num., v, 18 ; Eccli., xxi, 6 ; xxxv, 17 ; xli, 4, etc. Source de science pour les esprits droits et dociles, la sainte Écriture fournit encore des armes pour combattre les fausses doctrines : elle permet de retirer de l’erreur ceux qui s’égarent et de réfuter les adversaires en leur faisant sentir que leur prétendue sagesse, opposée à la parole infaillible de Dieu, n’est que ténèbres et contradic tion. Ces deux premiers bienfaits de l’Écriture répondent aux deux besoins les plus urgents dont se préoccupent les Pastorales.

3. L’Écriture sert encore au « redressement » des mœurs, Ttpôç èracvépÔwaiv, ad corripiendum. Rien de plus efficace à cette fin que les châtiments dont elle menace le péché et les bénédictions divines qu’elle promet à la vertu.

4. Non seulement elle retire l’homme du ma !, mais encore elle le forme à la justice, 7tpôç waiSsiav tt, v èv Sixaioaûvfl. Bien des moyens concourent à ce but : préceptes de la Loi, perpétuel appel des prophètes à la fidélité envers Dieu, conseils des moralistes qui enseignent la vraie sagesse, exemples de tant de héros et de saints qui furent des modèles de foi, d’obéissance et de piété. Le mot Stxaioaûvr) est pris ici au sens général de perfection morale, qui fait que l’homme est juste devant Dieu en s’acquittant de tous ses devoirs. Cette acception se rencontre aussi sous la plume de saint Paul, bien que la signification technique et polémique domine dans certaines épîtres, Rom., Gal., Phil.

Paul n’a pas l’intention de passer en revue tous les trésors de la sainte Écriture. On sent qu’elle est pour lui une mine inépuisable. Mais il en a dit asstz pour justifier la magnifique conclusion. Par la connaissance approfondie des saintes Lettres, « l’homme de Dieu est parfaitement en état d’accomplir tout ce qu’il y a de bien ». L’homme de Dieu désigne ici le ministre de l’Évangile, cf. I Tim., vi, 11, uniquement consacré au service de Dieu, n’ayant d’autre but que de vivre pour Dieu et d’amener à Dieu les autres hommes. Par les moyens puissants que l’Écriture met à sa disposition, l’homme de Dieu est à la hauteur de sa tâche, àprioç. L’incise finale explique la pensée qui vient d’être exprimée : l’homme de Dieu, grâce à la sainte Écriture, est « parfaitement préparé à toute bonne œuvre », pour s’y porter d’abord lui-même et pour y porter aussi les autres. Or, accomplir entièrement tout bien, n’est-ce pas la perfection ? En parlant de « l’homme de Dieu », Paul a principalement en vue Timothée et ceux qui, comme lui, sont chargés de la prédication de l’Évangile et de la direction des fidèles ; mais « l’homme de Dieu » puise ses moyens d’action dans l’Écriture, et cette source est ouverte à tous les croyants.

Cette doctrine de l’inspiration est regardée par beaucoup de critiques comme non paulinienne. Holtzmann, le porte-parole de l’école de Tubingue, articule là-contre trois griefs, Lehrbuch…, t. ii, p. 297-298 : conception étroite, et qu’on peut dire alexandrine, de la nature de l’inspiration ; contradiction entre la haute valeur spirituelle de « toute l’Écriture » et le terre-à-terre de certains passages de nos lettres, comme la recommandation faite à Timothée d’apporter le manteau et les parchemins laissés chez Carpus, II Tim., iv, 13 ; enfin cercle vicieux, qui consiste à prouver l’inspiration du Nouveau Testament par son propre témoignage : celui-ci est appelé ypoLyi), I Tim., v, 18.

— Tous ces griefs sont fort exagérés : 1. La définition de l’inspiration présente l’écrivain sacré comme animé d’un souffle divin, II Tim., iii, 16, en vertu duquel il conçoit et exprime exactement et uniquement ce que Dieu veut, en sorte que la parole inspirée est la parole même de Dieu. Il n’y a là aucune des subtilités de l’alexandrinisme : c’est la doctrine de l’inspiration des prophètes appliquée à tous les auteurs sacrés, telle qu’elle était reçue chez les Juifs. — 2. L’Écriture a pour but le salut des hommes et leur avantage spirituel. Mais il n’est pas nécessaire que tous les textes bibliques atteignent directement et par eux-mêmes ce but. Il n’est pas d’ailleurs sans intérêt pour notre instruction et notre utilité spirituelle de savoir que la haute mystique et la sublime sainteté de Paul sont