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T1MOTHÉE ET TITE. THÉOLOGIE, LA RÉDEMPTION


fraternelle ; on peut dire aussi qu’elles garantissent les desseins d’amour de Dieu envers tous les hommes.

3. Le Christ médiateur et rançon (I Tim., ii, 5). — Le premier motif du salut éternel de tous les hommes résultait de la nature même de Dieu ; le second se tire de la nature et de la mission du Christ. Comme il n’y a qu’un Dieu, créateur de tous les hommes, il n’y a aussi qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus homme. Le titre de j.ealTt]< ;, donné au Christ (ici et Hebr., viii, 6 ; ix, 5 ; xii, 24) est aussi appliqué à Moïse, Gal., iii, 18-20, mais en un sens différent. Moïse exerçait une simple médiation conventionnelle entre deux contractants, Dieu et le peuple juif, qui le choisissaient pour s’accorder sur les conditions d’une alliance. Le Christ est un médiateur de nature, constitué par son être même pour une mission médiatrice que nul autre ne pourrait remplir. Jésus-Christ est à la fois Dieu et homme ; il est essentiellement, par sa double nature, le trait d’union entre le ciel et la terre. D’où la mission qui lui appartient de réconcilier les hommes avec Dieu pour établir entre eux l’alliance nouvelle et éternelle. Homme, il a qualité pour agir au nom des hommes ; Dieu, les réparations qu’il offre au nom de l’humanité, ont une valeur infinie. Moïse avait simplement transmis au peuple les propositions de Jahvé et il avait scellé par le sang des victimes un accord dont l’efficacité ne dépendait en rien de ses mérites personnels. Au contraire, le sang du Christ fait toute la force et la valeur de l’alliance nouvelle par la réparation surabondante qu’il présente de la part des hommes, par le pardon et l’amitié qu’il obtient de la part de Dieu. La qualité d’homme est mise en relief dans le médiateur ; c’est par son humanité seule qu’il peut offrir à son Père pour eux la rançon dont parle l’incise suivante, ii, 6.

Ces paroles énoncent deux pensées : la manière dont s’est exercée la médiation du Christ, puis sa portée universelle, la première préparant à merveille la seconde. — a) L’acte essentiel de la médiation du Christ consiste en ce qu’il s’est livré pour être notre rançon. L’énoncé s’inspire des paroles du Sauveur lui-même reproduites dans Matth., xx, 28 ; cf. Marc, x, 45. Au lieu de XÛTpov, l’épître à Timothée emploie le composé àvTtXuTpov ; de l’aveu de la plupart des interprètes, il a été suggéré par l’expression évangélique, mais se trouvait déjà dans l’Ancien Testament, où il traduit des mots hébreux de racine diverse : pâdâh, « délivrer », et ses dérivés ; kôfer, « prix de rachat » ; gâ’al, « racheter » (surtout à titre de parent) et ses dérivés ; mehtr (dont Dieu dispensera les Israélites captifs, Isaïe, xlv, 13). Sous cette diversité des termes hébraïques, Xûxpov garde toujours la signification de « rançon », au sens plein et fort, c’est-à-dire avec l’idée bien accentuée d’un prix à payer pour la délivrance ou le rachat d’une personne ou d’une chose.

Dans le grec classique comme dans celui des papyrus, XUTpov ou XÛTpa désigne le prix de rédemption d’un prisonnier. Ce prix peut être une personne qui s’offre à l’esclavage ou à la mort pour la délivrance d’autrui. Jadis, au témoignage de Sanchoniaton et de Philon de Byblos, les rois phéniciens, dans les calamités qui menaçaient la nation, offraient leur fils le plus cher en rançon aux dieux vengeurs, Xûxpov toIç Ti[jUi>poïç 8at[i.oat, pour qu’un seul pérît au lieu de tous, àvu tt^ç 7ràvTcov çGopâç Eusèbe, Præpar. evang., i, x, 44. En Israël, la croyance à l’efficacité rédemptrice des mérites du juste, surtout de ses souffrances et de sa mort volontaire, en faveur soit de certains pécheurs soit de tout le peuple coupable, était profondément ancrée dans les esprits. Dans la sainte Écriture, cette doctrine atteint sa plus sublime expression en la personne du « Serviteur de Jahvé », Is., lii, 13-liii, 12, acceptant humiliations et tourments et

donnant sa vie en expiation des péchés du peuple. La littérature extra-canonique représente également les sept frères Machabées heureux de livrer « leur vie en échange des péchés de leur nation », werrrèp dcvrl4° uxov… ttjç toû lÔvouç à|LocpTÎaç, afin que « par le sang de ces justes et par leur mort expiatoire, 81à toû a’i|A<XTOç… xai toû iXacTTjpîou 0av<xTou, Israël fût sauvé ». IV Mach., xvii, 22-23 ; cf. II Mach., vii, 3738. Les Pastorales font écho à cet enseignement. Tous les hommes sont pécheurs ; tous sont débiteurs insolvables de la justice divine. Mais Jésus offre leur rançon, rançon pleine, adéquate et surabondante, car elle n’est autre que lui-même. Il se donne lui-même en donnant son sang et sa vie : ô Soûç èaur6v, expression évangélique, qu’on ne retrouve sous cette forme que dans saint Paul, Gal., i, 4 et Tit., ii, 14.

L’idée d’échange et de substitution, impliquée dans la notion même de rançon, est accentuée par la préposition àvTt préfixée à XÛTpov. Bien loin de négliger le renforcement de XÛTpov par <xvtI, il faut au contraire, pour rester dans la pensée de l’Apôtre, garder à cette particule toute la valeur que lui donne l’Évangile, et que souligne la rareté du terme àvUXurpov. C’est donc bien en faveur et en échange des coupables que le Sauveur s’est offert en rançon. Paul unit fortement de la sorte les deux notions de solidarité et de substitution pénale que certains critiques prétendent incompatibles. Le comble de l’amour, de la part de Jésus, est de s’être substitué aux coupables en expiant leurs péchés par sa mort.

b) Ces deux notions concourent également au but que Paul se propose ici de démontrer l’universalité de la rédemption. Au mot 7toXXô » v de l’Évangile il substitue Ttàvrtùv. Le sens n’est pas changé. Non seulement le terme 7toXXo[ n’exclut personne, mais il évoque une idée de nombre, de multitude, de masse qui se vérifiera d’autant mieux que la multitude se rapprochera de la totalité.

4. Un autre texte important enseigne l’universalité du salut : I Tim., iv, 9-10. « Parole certaine et digne de toute créance : si nous travaillons et luttons, c’est que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant, qui est le sauveur de tous les hommes et principalement des fidèles. » D’après les versets précédents, les travaux et les luttes dont parle ici saint Paul se rapporteraient à l’ascétisme personnel qu’il vient de recommander à Timothée et dont il donnait lui-même l’exemple. I Cor., ix, 24-27. Mais dans l’horizon des Pastorales, tous les conseils aux chefs des Églises tendent vers l’apostolat. C’est la vie entière et tous les efforts de l’ouvrier apostolique qu’embrassent les mots : nous luttons et nous travaillons, xomcifxev xal àYCùv[Ço[i.e6a. Au milieu de toutes les difficultés un sentiment puissant le soutient : il a mis son espoir en Dieu, qui est « le Dieu vivant, et le sauveur de tous les hommes et principalement des fidèles ». L’espérance du missionnaire repose sur un double fondement. D’abord le Seigneur est « le Dieu vivant ». Expression fréquente dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans l’usage ordinaire, elle oppose aux dieux morts du paganisme le Dieu vivant et tout-puissant, toujours prêt à secourir efficacement ses serviteurs : Paul et ses collaborateurs ont donc tout droit de mettre en lui leur confiance. En outre, un peu plus loin, Dieu est présenté comme source unique et surabondante de vie : il la répand « sur toutes choses ». I Tim., vi, 13. S’il est l’auteur de toute vie, à plus forte raison est-il prodigue de la vie spirituelle, qu’il a promise au chrétien pieux, iv, 8, pour le temps et pour l’éternité. Les missionnaires peuvent compter sur le secours d’enhaut pour répandre la vie divine. — En second lieu, le Dieu vivant est le Dieu sauveur. Dans la préoccupation divine qui embrasse l’humanité, les chrétiens