Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/546

Cette page n’a pas encore été corrigée
1077
1078
TIMOTHÉE ET TITE. DOCTRINE


les idées se succèdent sans transition et souvent sans ordre ; le langage est simple, malgré une certaine recherche dans les mots ; les répétitions ne sont pas rares.

Mais, en comparant les épîtres théologiques de saint Paul avec les lettres à Tite et à Timothée, on rapproche deux ordres de choses bien différents et qui n’ont entre eux aucun rapport. Paul écrit à deux chefs d’Églises, ses disciples et ses amis, pour leur tracer leurs devoirs de pasteurs. Il les mot en garde contre les fauteurs de nouveautés, mais il n’a pas à leur rappeler les grandes thèses qu’il avait eu jadis à mettre en lumière : lanécessité et l’efficacité de la foi au Christ, l’inutilité des œuvres de la Loi, l’égalité des droits et des privilèges des païens et des Juifs convertis, l’identification du chrétien au Christ Jésus et l’union de tous en un seul corps qui est le Christ mystique. Toutes ces vérités sont depuis longtemps acquises, il n’y a plus à les défendre contre les détracteurs d’autrefois. Désormais, c’est l’enseignement traditionnel qu’il faut maintenir, en imposant silence à tous ceux qui, sous prétexte de curiosité intellectuelle et de savantes recherches, s’écartent de l’Évangile. Tite et Timothée éviteront et interdiront les discussions publiques ; elles ne serviraient qu’à troubler les esprits ; ils se contenteront d’affirmer fortement la foi reçue des apôtres. On avertira les novateurs : s’ils s’obstinent après une double admonition, on cessera tout rapport avec eux. Certes, Paul a gardé toute son ardeur d’autrefois. C’est toujours la grande âme de Paul, prompte, comme dans les épîtres aux Galates ou aux Philippiens, aux indignations vigoureuses contre les faux docteurs et les fausses doctrines. C’est aussi, surtout dans II Tim., l’âme aimante de Paul, fidèle à ses premières amitiés, d’autant plus ouverte et confiante envers les siens qu’elle sent approcher le terme de la vie. C’est enfin le même amour de Jésus, la même attente passionnée de sa venue, ’e même désir de vivre et de mourir pour lui. Seulement, cette âme d’apôtre se consacre maintenant à de nouveaux devoirs. Il s’agit d’assurer à l’Église « une vie calme et tranquille », en assignant à chacun la tâche à remplir : aux pasteurs, la vigilance, le dévouement, le bon exemple, surtout la fidélité à l’enseignement traditionnel ; aux candidats ecclésiastiques, diacres et presbytres, le désintéressement, la foi, la pureté, le zèle ; aux diverses catégories de fidèles, les vertus conformes à leur état. Ce n’est donc pas aux chapitres dogmatiques et polémiques des épîtres pauliniennes qu’il faut comparer les Pastorales, mais à la partie morale et aux instructions parénétlques. La ressemblance alors devient sensible : même diction « simple, claire, conforme au type hébraïque de la phrase des Préverbes ou des Évangiles ». Jacquier, llist. des livres du N. T., t. i, p. 366. Du reste, en dehors de cette analogie générale, bien des passages portent l’empreinte fortement marquée de saint Paul. On sait qu’assez souvint, dans les exposés dogmatiques, la pensée de l’Apôtre se développe en longues phrases touffues, formées de propositions qui se gri ffent les unes sur les autres au moyen de pronom", ou adjectifs r< latifs, chargées d’incidentes et de parenthèse. Nos épîtres présentent, plus’l’une fois, particulièrement à l’occasion de certaines catéchèses théologiques, dis période g de ce genre : I Tim., i, 3-7 ; n, 5-7 ; II Tim., i, 8-11 ; ’lit., i. 1-4} iii, 11-11 ; iii, 3-7. Citons un exemple de cette structure paulinlenne : « Ne rougis donc pas, écrit l’Apôtre, du témoignage que tu as rendu à Netre-Selgæur et de m> -s liens a moi ; mais souffre avec moi, en faveur de l’Évangile, m Ion la force de Dieu, qui nous a sauvés <t nous a donné notre sainte vocation, non certes par le mérite de nos œuvres, mais selon son dessein particulier et la grâce qui nous a été préparée dans le Christ Jésus de toute

éternité et a été rendue publique naguère par la manifestation de notre Sauveur le Christ Jésus, qui a détruit la mort et nous a illuminés des clartés de la vie et de la résurrection par son Évangile dont je suis devenu le héraut, l’apôtre et le docteur. » II Tim., i, 8-11. On voit comment les idées s’appellent l’une l’autre, chacune retenant à son tour l’attention et finissant par faire perdre de vue le point de départ, le tout donnant une doctrine d’une richesse extrême où figurent tour à tour l’Évangile, le salut, l’appel divin, la vocation chrétienne due à la grâce divine et non aux mérites de l’homme, la manifestation des desseins éternels de Dieu par l’incarnation et la vie du Christ, son œuvre qui consiste à détruire la mort et à donner’a vie et la résurrection, la prédication de l’Évangile confiée à l’Apôtre, et le reste, car la phrase semble comprendre encore le ꝟ. 12. Mêmes vues profondes et même procédé de style, en particulier Eph., i, 3-14.

Les énumérations ou catalogues de vertus et vices sont nombreuses dans saint Paul. Dans nos épîtres, les devoirs tracés aux diverses classes du clergé et des fidèles sont autant de tableaux de vertus. Les listes de péchés sont aussi relativement fréquentes : I Tim., i, 9-10 ; vi, 4-5 ; II Tim., iii, 2-5 ; Tit., iii, 3. Des vingt et une listes de ce genre qu’Antoine Vôgtle relève dans le Nouveau Testament, Die Tugend-und Laslerkataloge im N. T., dans Neutestam. Abhandlungen, t. xvi, fasc. 4-5, Munster, 1936, la plupart sont de saint Paul, et les deux phis longues de Rom., i, 29-32 et II Tim., iii, 2-5, qui comptent chacune environ une vingtaine de termes. Cette dernière, qui énumère les vices des faux docteurs des derniers temps, « s’est inspirée visiblement de l’épître aux Romains elle-même ». Lagrange, Rev. bibl., 1911, p. 545. Noter en particulier les deux vices d’insolence et d’orgueil rapprochés l’un de l’autre, àXaÇôveç, ûirepyjfpavoi ; cf. Rom., i, 30 (àXaÇwv est un hapax du Nouveau Testament) : le crime de rébellion envers les parents, Yoveûaiv ÙTceiQeZç, II Tim., iii, 2 ; cf. Rom., i, 30 : expression unique elle aussi ; le reproche si opposé au stoïcisme d’être « sans affection », icTopyoç, autre hapax. Rencontre d’autant plus significative que la langue grecque offre une grande variété de termes, même pour exprimer des idées identiques. D’après Vôgtle, les 21 catalogues du Nouveau Testament énumèrent 96 qualités ou défauts, dont 83 exprimés par saint Paul, parmi lesquels 56 ne figurent qu’une seule fois. Philon a pu, sans se répéter, condamner « l’ami du plaisir » en accolant à ce nom quarante-sept épithètes flétrissantes ; cf. Lagrange, Rev. bibl., 1911, p. 541.

La ressemblance de style 1 1 d’expressions ressortira plus encore par les détails où nous permettra d’entrer l’examen des idée s.

IX. Doctrine.

Si l’on ne perd pas de vue la portée avant tout pratique et morale de nos trois épîtres, on sera frappé de la marque paulinlenne, dépouille

  • - seulement de tout caractère polémique, que

revêt à l’occasion la doctrine des Pastorales et l’on ne s’étonnera pas de certaines particularités qu’elles présentent.

Ressemblances avec les épîtres pauliniennes.


Mieux qu’un exposé synthétique, l’analyse de quelqtu s passages mettra en relief l’accord « les idées, dese pressions et souv> nt de nuances fort délicates entre las Pastorales <t les autres épîtres.

1. Le baptême (Tit., iii, 4-7). — « Mais lorsque Dii il (le, Père) notre Sauveur a voulu nous témoigner sa bonté et son amour des hommes, il nous a sauvés, non par nos prétendues Œuvres dé justice, mais dans sa

miséricorde, par le baptême de régénéi ation et de H novation de l’F.spi it-Saint, qu’il a largement répandu sur nous par.ïé ir. ( Ihrist noire Sauveur, atln tfmt, Justifiés par sa grâce, non-ayonfl l’< sperano de pOS