Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/545

Cette page n’a pas encore été corrigée

.1075

    1. TIMOTHÉE ET TITE##


TIMOTHÉE ET TITE. VOCABULAIRE ET STYLE

1076

Vocabulaire.

D’après les calculs de Holtzmann,

les Pastorales renferment 897 mots différents, dont 285 ne se trouvent pas dans les autres lettres de Paul, qui en comptent 2478. Harrison calcule, sans les noms propres, 848 mots, dont 306 hapax legomena. Il semble en effet que l’on trouve, en laissant à part les noms propres (52), 845 mots, dont 294 ne se rencontrent pas dans les dix lettres généralement reconnues comme pauliniennes. C’est un bon tiers des Pastorales qui est étranger à saint Paul. Si nous comparons le nombre de ces hapax avec celui des autres épîtres pauliniennes, en tenant compte de l’étendue relative de chacune, voici le tableau des proportions (Jacquier, Hist. des livres du N. T., t. i, p. 362) : Tite et I Tim., 13 mots particuliers ; II Tim., 11 (moyenne pour les trois Pastorales, 12) ; Philippiens, 6, 8 ; Colossiens, 6, 3 ; II Corinthiens, 6 ; Éphésiens, 4, 9 ; I Corinthiens, 4, 6 ; Romains, 4, 3 ; Thessaloniciens, 4, 2 ; Galates, 4, 1 ; II Thessaloniciens, 3, 62. « Par conséquent les épîtres pastorales ont presque deux fois plus de mots particuliers que l’épître qui en a le plus et quatre fois plus que celle qui en a le moins. » (Jacquier).

Voilà des chiffres ; mais que signifient-ils ? L’épître la moins pourvue de mots particuliers est la deuxième aux Thessaloniciens, écrite vers 51-52 ; et les plus riches sont celles aux Colossiens et aux Philippiens, écrites vers 62-63. Si en une dizaine d’années le vocabulaire particulier de Paul s’est enrichi de près du double, pourquoi n’aurait-il pas fait de nouvelles acquisitions de l’an 62 à l’an 66 ? D’autant qu’il ne lui faut pas dix ans pour faire, à l’occasion, des progrès surprenants : la deuxième aux Corinthiens, écrite vers la fin de 56 ou aux premiers mois de 57, a presque deux fois plus ô’hapax que II Thess., antérieure seulement de quatre ou cinq ans. À tenir compte du temps, le vocabulaire a pu changer encore durant les huit ou dix années qui vont de 56-57 (date de II Cor.) à l’an 66 (date moyenne des Pastorales), pour le moins autant que durant les quatre ou cinq ans écoulés entre II Thess. et II Cor., et il est ainsi tout à fait normal que les Pastorales aient « quatre fois plus de mots, particuliers que celle, qui en a le moins ». Sans doute, le cas de II Cor., est isolé, les autres lettres de même époque (Rom., I Cor., Gai.) ont un indice plus faible ; mais, le fait s’étant produit, il peut se reproduire.

Bien entendu, nous ne donnons pas ces calculs pour une démonstration directe de l’authenticité. Ils veulent seulement montrer combien sont sujettes à caution ces statistiques, qui traitent les mots comme des unités arithmétiques de même valeur et de même usage, et les lettres les plus diverses comme si elles avaient été écrites à la même époque et dans les mêmes circonstances. Notre raisonnement a du moins l’avantage de tenir compte d’une donnée, indûment négligée, à savoir le facteur temps : il prouve que les Pastorales sont, au point de vue des mots particuliers, dans le cas de plusieurs autres épîtres pauliniennes et qu’en définitive il s’agit ici d’une question d’exégèse, non d’un problème d’arithmétique. C’est de quoi l’on se convaincrait de plus en plus en passant de l’abstrait au concret, des chiffres aux mots eux-mêmes.

La nouveauté du vocabulaire des Pastorales tient d’ailleurs à la diversité des milieux où Paul a vécu, à la nouveauté des circonstances où il se trouve, au caractère particulier des sujets dont il traite. — 1. Beaucoup de termes en quelque sorte techniques se rapportent aux erreurs et aux hérésies qui viennent de surgir et qui n’ont rien de commun avec celles que Paul avait autrefois combattues : YEvsaXoytai àirépâvTOi., xsvoq>wvf.ai xal àimôéoeiç TÎjç ^suSwvû[aou (yvaxjecoç), Xoyo[xaxîa, XoYOfioexsïv, u.aT0aoX6voç, [jiKTairvoyia, ((xGOoi) louSaïxot, yç>a.<x>8zt.i ;, SiaTOxpa Tpiêat, êTepoSi&aaxaXeïv, àiratSeuroi èy^r^az’.ç, etc. Plus nombreux encore sont les termes inédits qui peignent les faux docteurs avec leurs passions diverses, leurs doctrines tantôt ridicules, tantôt perverses, leur propagande effrénée, leurs adeptes des deux sexes bien dignes de tels maîtres. On les glane un peu partout au cours des trois épîtres ; on les cueille en riches gerbes en maints endroits : I Tim., iv, 1-3 ; vi, 3-10 (une vingtaine de termes non pauliniens ) ; II Tim., iii, 1-9 (encore une vingtaine) ; Tit., i, 10-16 (une dizaine). On a vite fait d’arriver à la soixantaine et l’on constate en même temps, mêlées à cette végétation luxuriante de termes nouveaux, une forte proportion de mots exclusivement propres aux Pastorales et à saint Paul, ce qui trahit la main de ce dernier. — 2. L’Apôtre n’avait pas eu à spécifier, dans ses précédentes épîtres, les qualités requises des ministres de l’Église. Il dit maintenant à Timothée et Tite ce qu’ils doivent être eux-mêmes, puis les vertus, les conditions et les aptitudes qui doivent distinguer les presbytres ou épiscopes, les diacres, les diaconesses. Terrain neuf : une trentaine au moins de locutions qu’ignore tout le reste du Nouveau Testament et d’autres qui sont dans le Nouveau Testament sans être dans saint Paul. Cf. I Tim., iii, 1-14 ; II Tim., ii, 1-6 ; iv, 1-5 ; Tit., i, 5-11, etc. — 3. Après les vertus des ministres, celles qui conviennent aux diverses classes de la société chrétienne : chefs de famille, femmesmariées, I Tim., ii, 8-15 ; Tit., ii, 1-6, veuves assistées, I Tim., v, 3-8, veuves consacrées aux offices de charité, 9-15 ; jeunes veuves, 11-16, riches de ce monde, vi, 17-19, esclaves. Ces catalogues abondent en termes appropriés et inédits (au moins une quarantaine). On peut voir, dans la courte exhortation aux riches, I Tim., ii, 17-19, qui ne compte pas moins de six hapax, û^TiXoçpoveîv, àSTQXénrjç, àyaôoepYeïv, eùu.exàSoToi, xoivgmxoI, à7to01f]caupiÇe(.v, avec quel naturel et quelle abondance ces mots nouveaux jaillissent du sujet, tantôt par analogie, tantôt par contraste. Tel est bien le vif génie de Paul. — 4. Nous avons dit que les Pastorales, ne comptant en tout que 848 mots, devaient nécessairement laisser de côté un grand nombre de termes pauliniens. Nous voyons maintenant que ce nombre augmente encore considérablement puisque deux cents au moins ont la place prise par les exigences du sujet. — 5. Faisons enfin avec E. Jacquier, Hist. des livres du N. T., t. i, p. 362363, cette remarque importante : « Un très grand nombre des mots qui sont propres aux Pastorales, plus des deux tiers, sont des composés ou des dérivés que l’on trouve dans saint Paul à l’état simple ou sous une autre forme ou composés à l’aide d’autres éléments. »

De ces faits nous pouvons conclure que le vocabulaire particulier des Pastorales ne saurait servir d’argument contre leur origine paulinienne. La plupart de ces termes naissent spontanément des sujets nouveaux que l’auteur aborde : leur variété prouve seulement la culture de l’écrivain. Près de deux cents de ces vocables se lisent dans la Bible grecque : Paul ne les ignorait donc pas, mais l’occasion s’est offerte à lui pour la première fois de les employer. Enfin, pour porter un jugement définitif, il faut prendre en considération, non seulement les différences, mais aussi les ressemblances. Celles-ci se sont déjà rencontrées en nombre et en qualité appréciables au cours de notre inquisition ; nous aurons à compléter bientôt cette comparaison.

Le style.

Le style des Pastorales n’a pas, dit-on,

l’élan et la vigueur des grandes épîtres aux Romains, aux Galates et aux Corinthiens, leur argumentation serrée, leurs larges aperçus théologiques, leur éloquence entraînante. Pas de développement suivi ;