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TIMOTHÉE ET TITE. ORGANISATION ECCLÉSIASTIQUE 1070

-30 ; Eph., iv, 6. Quant aux éons gnostiques, échelonnés entre le Dieu suprême invisible et le monde matériel, ils sont des intermédiaires plus ou moins rapprochés de l’un ou de l’autre des deux extrêmes, sans être des médiateurs : ils sont plutôt, du moins dans le système de Basilide, hostiles au salut de l’homme. Il est probable que, si l’auteur avait songé à ces éons plus ou moins divins en parlant du Christ médiateur, il aurait affirmé sa divinité non moins qu-j son humanité. Les éons ne peuvent sortir ici que d’une imagination hantée.

5. La doctrine sur l’ascèse.

La prohibition du mariage et de certains aliments est bien le fait de plusieurs sectes gnostiques du IIe siècle. Marcion imposait la continence absolue et l’abstinence de viande. Mais l’épître aux Colossiens dénonce déjà, quoiqu’en termes généraux, ii, 16-23, le faux ascétisme, sous lequel se cachent parfois les pratiques les plus immorales. Cet ascétisme était en honneur bien avant le milieu du I er siècle dans diverses sectes juives ou païennes. Dès 150 avant Jésus-Christ, les esséniens de Judée rejetaient entièrement le mariage, Josèphe, AnI. /ud., XV III, i, 5, et se contentaient de la nourriture la plus frugale (il n’est pas prouvé cependant qu’ils se privassent de viande et de vin). Les thérapeutes dont parle Philon (De vita contemplât iva) vivaient de pain et d’eau, ne prenaient leur repas qu’au coucher du soleil, quelques-uns même passant trois jours et parfois six, sans rien manger ; tous, hommes et femmes, gardaient une entière chasteté. Peut-être faut-il voir dans ce tableau « surtout une fiction allégorique du grand allégoriste pour exprimer son idéal de vie juive, studieuse et contemplative », Lagrange, Le judaïsme avant Jésus-Christ, p. 586 : mais il est probable que Philon avait pris pour point de départ quelques cas réc ls et sa complaisance à décrire ce genre de vie montre que le rigorisme blâmé par les Pastorales pouvait avoir pour apologistes des docteurs juifs contemporains de saint Paul. Au I er siècle avant .Ic-us-Christ et au début de notre ère, se répand à Rome, à Alexandrie et dans tout l’Orient une philosophie qui, se réclamant de Pythagore, assure le sai-at et l’immortalité bienheureuse, d’abord par la connaissance des choses divines dont elle transmet Ifi révélation à ses adeptes, puis, grâce à la purification d. s souillures de la matière, qui résultent nécessairement pour l’âme de son union avec le corps. Cette purification s’obtient par une ascèse rigoureuse qui impose, entre autres conditions, l’abstinence de tout ce qui a t u vie et le célibat. Philostrate, Vita Apollonii, i, 8, 13, etc. ; cf. Lagrange, Les légendes pythagoriciennes et l’Évangile, Le nfo-pythagorisme, dans Rev. bibl., 1937, p. 5-28 ; A.-J. Festugière, L’idéal religieux des Grecs et l’Évangile, 1932, p. 73-85. Aucun besoin donc de descendre jusqu’au ire siècle et d’attendre soit 1rs grands théoriciens du gnosticisme, tels que Basilide, Valetltin ou Marcion, soit les encratites du genre de T.itien, puisque nous constatons, dès le début de notre ère, les pratiques qui se reflètent dans Us Pastorales.

6. Aspect moral.

On a relevé une alfinité étroite antre l’immoralité que les Pastorales reprochent aux hérétiques et celle que les Pères signalent chez plusieurs m êtes gnostiques. Égoïst. s, orgueilleux, II Tim., m, 1, ils renient Dieu par leurs cuivres, Tit., 1, 16 ;

montrent avides d’un gain honteux, I Tim., vi, 5 ; Tit., i, ii, ils séduisent des femmes de mauvais

conduite. II Tim., IU, 6. Ainsi parlent au sujet des gnostiques de leur temps Clément d’Alexandrie, Slrom., III, iii, P. (i., t. viii, col. 1114 ; Tertullicn, Adv. Marc, i, 14, P. L„ t. ii, col. 262 ; saint I(’.ont. hær., i, xxviii, P. < ;., t. vii, col, 690. Mal * tte licence de mœurs chez les fauteurs d’hérésie n’<st le

propre ni d’une secte ni d’une époque. On sait, d’après Justin, Apol., i, 26, P. G., t. vi, col. 368, l’histoire du magicien Simon et de sa compagne Hélène. Voir ici, Simon le Magicien, t. xiv, col. 2130 sq. Voilà donc, dès le début des temps apostoliques, un authentique exemplaire de ces hommes orgueilleux, cupides, blasphémateurs, captivant à leur gré des yuvaixàpia aeacùpeujiiva à^apTlaiç. Ce n’est pas sans raison que Paul les assimile aux deux grands magiciens dont la tradition juive avait conservé le nom, Jannès et Jambrès. Cependant, la magie n’était pas uniquement l’art des prestiges et des maléfices. C’était souvent aussi une sorte de gnose, procédant d’un vrai sentiment religieux : elle cherchait à mettre l’homme en communication directe et personnelle avec la divinité, afin d’obtenir d’elle la révélation de tous les secrets utiles. On voit à quel point l’atmosphère religieuse était saturée de croyances et de sentiments capables, bien avant la floraison du gnosticisme proprement dit, de produire toutes les manifestations qui se font jour dans les Pastorales.

VIL L’organisation ecclésiastique. — Aux yeux de beaucoup de critiques, l’organisation ecclésiastique qui apparaît dans les Pastorales les reporte d’emblée au iie siècle. Ils prétendent que les temps apostoliques sont dominés par la préoccupation de la parousie. Persuadés que le Christ reviendrait bientôt pour juger le monde, les apôtres se hâtaient de propager l’Évangile, sans prendre la peine de donner aux communautés qu’ils fondaient une organisation stable : le monde allait finir, à quoi bon prendre des mesures pour durer ? Le monde continuant à vivre, on comprit peu à peu que la parousie pourrait tarder et qu’il importait d’asseoir la société chrétienne sur des bases solides. De là, vers la fin du I er siècle, des efforts vers une organisation ecclésiaslique qui, dans le premier quart du IIe siècle, s’étend aux principales Églises d’Orient. Les lettres d’Ignace d’Antioche témoignent que chaque Église est pourvue d’un clergé, composé de diacres et de prêtres qui ont à leur tête un évêque auquel tous doivent obéissance. Ce même état de choses se constate dans les Pastorales : Tite est évêque de Crète, Timothée régit l’Église d’Éphèse, l’un et l’autre s’entourent de prêtres et de diacres. Cette affinité suffit à dater les Pastorales : elles sont l’œuvre d’un chrétien qui voulut, aux premières décades du iie siècle, favoriser l’institution récente de l’épiscopat monarchique en l’attribuant à saint Paul. Nous allons voir combien cette théorie s’éloigne c a réalité des textes et des faits.

Parousie et organisation.

On se demande comment

les adversaires des Pastorales peuvent attribuer à un affaiblissement du concept de parousie le dessein d’organisation durable qu’elles manifestent. Jamais peut-être la pensée du dernier avènement du Christ ne se montre plus présente, plus ardente’, plus agissante. Elle se fait jour en toute occasion, elle soutient tous lese fTorts de l’Apôtre, elle anime toutes ses exhortations. On est à ces « derniers temps pour lesquels l’Esprit annonce un débordement d’impiété. I Tim., iv, 1-3 ; II Tim., iii, 1 sq. En face de ce danger, Paul adjure Timothée, I Tim., vi, 13, de garder le dépôt dans son intégrité jusqu’à la manifestation, ttjç ln<.yavzi<xç, vi, 14, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, « ju’il décrit avec toute la magnifia née d’expression âei grandes prières liturgiques, vi, 16-16. Le mot employé (st « épiphanic, au lieu de parousie. Nous restons cependant dans le style de Paul, car, ailleurs, èiriepâveia désigne l’éclat du dernier avènement du Christ, éclat qui terrassera l’Adversaire, y.a.x<xpyr i <3ti qj èiriepavctqc tt, ç 7capfiual « ç « ùtoû. Il Thess., ii, 8. Loi Pastorales répètent h terme trois fois en m même seas, I Tim., VI, l l ; II Tim., iv, 1, 8 ; Tit., ii, 13. À prendre à la