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TIMOTHÉE ET TITE. ERREURS VISÉES


Pastorales sur une dernière période d’apostolat de la part de Paul et sur son retour à Rome pour y mourir. Loin donc de suspecter de ce chef l’authenticité des Pastorales, nous devons nous féliciter de posséder, grâce à elles, des renseignements précieux sur les derniers temps de la vie du grand Apôtre.

Ordre des trois Pastorales.

La deuxième à Timothée

est certainement la dernière en date des trois Pastorales, puisque nous y voyons l’Apôtre prisonnier à Rome et s’attendant à une mort prochaine, tandis que les deux autres nous le montrent libre de ses mouvements et en tournée de mission. Celles-ci ont dû être composées toutes deux vers la même époque, car elles signalent toutes deux les mêmes fausses doctrines, répandues alors dans tout l’Orient, les mêmes dangers, les mêmes besoins. Toutes deux furent écrites probablement au cours d’un même voyage, qui conduisit Paul d’abord en Macédoine,

I Tim., i, 3, et de là en Épire. Tit., iii, 12. On pourrait supposer, il est vrai, qu’après une courte visite en Macédoine d’où il serait revenu à Éphèse (èX7ÛÇtùv èX6eïv 7îpoç aè tocxêïov, I Tim., iii, 14), Paul a quitté de nouveau Timothée pour reprendre le chemin de l’Épire. Mais sa lettre à Tite est pleine de conseils urgents que Paul a dû communiquer bien peu de temps après son départ de Crète. Voici donc, croyons-nous, la combinaison la plus simple.

Après sa libération et sans doute aussi après son voyage en Espagne, Paul est retourné en Orient. Il débaïque avec Tite en Crète, qui ne comptait sans doute encore que peu de chrétiens, et il entreprend à travers « l’île aux cent cités » une mission de quelques semaines, peut-être de quelques mois. Laissant son disciple poursuivre un ministère des plus fructueux, il remonte vers l’Asie Mineure et séjourne à Éphèse avec Timothée. Il se rend de là en Macédoine, I Tim., i, 3, où il a la joie de revoir ses chers Philippiens. Il se proposait de revenir assez vite à Éphèse auprès de Timothée, I Tim., iii, 14 ; iv, 13, mais il entrevoit aussi, dans les contrées où il vient de passer, un apostolat qui pourrait le retenir encore quelque temps, et il écrit à Timothée pour le fixer sur ses devoirs. Peu de temps après, il écrit aussi à Tite. Mais, dans l’intervalle, ses prévisions se sont réalisées : son retour ne sera pas aussi prompt qu’il aurait souhaité ; il devra pousser jusqu’en Épire, et c’est là, à Nicopolis, qu’il donne rendez-vous à Tite pour l’hiver.

Plus tard il revient à Éphèse. Il visite Troas, où il laisse son manteau et ses livres chez son hôte Carpus,

II Tim., iv, 13, Milet, où Trophime malade est obligé de s’arrêter, iv, 20, Corinthe, où débarque Éraste, iv, 20. Sur ces entrefaites, un événement inattendu, peut-être une dénonciation calomnieuse, le fait arrêter et amener prisonnier à Rome. Plusieurs interprètes pensent que c’est déjà prisonnier qu’il monta à bord du vaisseau qui toucha Troas, Milet et Corinthe. Mais aurait-il laissé son manteau et ses livres à Troas s’il avait su alors qu’il allait jusqu’à Rome ? Il écrivit de Rome peu après son arrivée, priant Timothée de venir l’y rejoindre avant la mauvaise saison. Les deux premières lettres furent écrites en 65 ou 66, la dernière en 67. Paul subit le martyre probablement en l’an 67. C’est la date qu’indique Clément Romain par la notice [zap-njprjaaç èrrl tûv y]yoM[ibj<ùy, si ces « chefs » désignent, comme il est probable, les triumvirs Sabinus, Tigellin et Hélius Césarianus, auxquels Néron confia le pouvoir à Rome durant son voyage en Achaïe, qui dura toute l’année 67 (Dion Cassius, lxiii, 12, 19). Saint Jérôme nous reporte à la même date, en disant de Sénèque le philosophe : Hic ante biennium, quam Petrus et Paulus coronarentur martyrio, a Nerone interfeclus est, De viris ill., 12, P. L., t. xxiii, col. 629. Or, on sait que Sénèque fut exécuté en avril 65. Les deux

années d’intervalle nous mènent donc à l’an 67. Cf. U. Holzmeister, Epistula prima S. Pétri Aposloli, 1937, p. 62-71. Quant au jour, rien ne peut être fixé. La date du 29 juin fournie par le Chronographe de 354 se rapporte non pas à la mort des deux apôtres mais à une translation de leurs reliques.

VI. Les erreurs visées.

Un grand nombre d’érudits se sont appliqués à reconnaître et à identifier les erreurs combattues dans les Pastorales. Ils ont abouti à des résultats d’une incroyable diversité ; cf. Jacquier, Hist. des livres du N. T., t. i, p. 371-372. Pour certains savants, ces sectes sont juives : ébionites, esséniens (Michælis, Mangold), judaîsants gnostiques (Reuss, Neander), juifs philoniens (Otto, Dâhne), juifs cabbalistes (Grotius, Herder, Baumgarten). La plupart des savants qui rejettent l’origine paulinienne des Pastorales, se prononcent pour le gnosticisme : Marcion (Baur, Hilgenfeld), Valentin (Schwegler), ophites prévalentiniens (Lipsius), ophites en général (Schenkel), Saturnin et les marcosiens (Davidson), cérinthiens (Mayerhoff). H nous faut donc grouper les traits dispersés dans les Pastorales pour dessiner la physionomie des hérésies qui s’y font jour, et nous demander ensuite si ces traits accusent une origine postérieure aux temps de saint Paul.

Les erreurs visées dans les Pastorales.

La

II Tim. est la plus riche en renseignements : i, 15 ; ii, 14-26 ; iii, 1-13 ; iv, 1-5, 14. Les deux autres lettres traitent aussi ces sujets à diverses reprises : I Tim., i, 3-11 ; iv, 1-7 ; vi, 3-5 ; Tit., i, 10-16 ; iii, 9-11. Plusieurs de ces fausses doctrines sont annoncées comme devant se produire dans l’avenir, * aux derniers temps », I Tim., iv, 1-7, « aux derniers jours », II Tim., m, 1-9, « en un temps qui viendra ». iv, 3-4. Mais la précision avec laquelle quelques-unes d’entre elles sont signalées (cf. I Tim., iv, 3 : « ils interdisent le mariage » ), le passage des verbes du futur au présent et la recommandation faite de les éviter dès maintenant (II Tim., iii, 6 : « Ces gens-là, fuis-les… » ) avertissent que ces doctrines, qui iront plus tard se développant, ont déjà fait leur apparition.

1. Nouveautés.

Un premier caractère de ces doctrines est d’être nouvelles et étrangères à l’Évangile. « Aie soin, dit Paul à son disciple, d’enjoindre à certaines gens de ne pas donner un autre enseignement », (i.7) èrepoSiSacTxaXeïv. I Tim., i, 3. Ce verbe semble une création de saint Paul (surle modèle de êrepoÇoYeïv II Cor., vi, 14, « s’associer à d’autres », savoir aux infidèles), pour désigner un enseignement qui diffère de celui de l’Évangile. Ainsi ce terme est-il expliqué I Tim., vi, 3-5 : « Enseigne et exhorte ainsi. Si quelqu’un enseigne autrement, eï tiç èrepoSiSaoxaXeï, et ne s’attache pas aux salutaires paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est un aveugle… » Le premier reproche que méritent ces nouveautés est donc de s’éloigner de la foi traditionnelle.

2. Fables et questions oiseuses.

Outre qu’elles ne peuvent en rien se réclamer de l’Évangile, ces nouveautés prennent la forme de spéculations et de recherches oiseuses, sans intérêt religieux ni moral, inspirées par une curiosité malsaine et qui ne servent qu’à nourrir l’amour-propre et l’orgueil. « Fables et généalogies sans fin », I Tim., i, 4, qui provoquent des discussions sans aucun bien pour les âmes ; vains bavardages, id., i, 6 ; maladie de recherches oiseuses et de logomachie, voaôiv Ttepl Ç^t^o-su ; xal Xoyojvaxlaç, vi, 4 ; XoYOjxaxeîv, II Tim., ii, 14 ; fables profanes et contes de vieilles femmes, I Tim., iv, 7 ; mots profanes et vides de sens, (3e6Y)Xooç xevoçwvtaç, et contradictions d’une fausse science, I Tim., vi, 21 ; questions folles et déréglées, II Tim., ii, 23 ; folles recherches, généalogies, discussions et disputes relatives à la Loi, [xopàç 8è Ç7)TTjæt.ç xal YevsaXoytaç xai £piv