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T1M0THÉE ET TITE. ÉPOQUE DE COMPOSITION

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annoncé le projet, Rom., xv, 24-28. Il exprime ce dessein d’une manière si ferme, qu’on ne peut douter qu’il n’ait cherché à évangéliser l’Espagne, soit aussitôt après avoir recouvré sa liberté, soit peut-être après la visite promise aux Philippiens. Phil., ii, 24. Divers témoignages historiques font de cette conjecture une quasi-certitude. Clément de Rome écrit vers 90, / Cor., v : « Paul…, après avoir instruit le monde entier dans la justice et être arrivé au terme de l’Occident, èTcl -rô TÉp(jia zt, ç, Sûoewç, et avoir rendu témoignage devant les chefs, a été retiré de ce monde et s’en est allé dans le saint lieu, étant devenu le plus grand modèle de constance. » Pour les géographes et les historiens anciens, l’Occident commençait à la mer Adriatique et Ionienne, Appien, De bell. civ., v, 64, et « l’extrémité de l’Occident », désignait l’Espagne. L’affirmation de Clément, qui écrit à Rome même, n’a rien d’une hyperbole oratoire et ne saurait s’appliquer à l’Italie. Il montre Paul prêchant en Orient, puis en Occident ; il précise ensuite : Paul est allé jusqu’à l’extrémité de’l’Occident. Ce n’est pas seulement la doctrine qui a retenti jusqu’au bout du monde, c’est le prédicateur lui-même qui s’y est rendu. Pour Raur et Schenkel, x£p ; xa tt, ^ 8’Jgeglx ; indique la fin de la vie de Paul comparé au soleil qui va dans sa course de l’Orient à l’Occident. Mais rien n’autorise cette métaphore. Rien ne justifie non plus la conjecture de Wieseler proposant de lire Û7tô to Tép(i.a, en expliquant sous le tribunal suprême de l’Occident », c’est-à-dire de César. Paul fut libéré vers la fin de 62 ou au commencent-, nt de 63, et Clément écrivait à Rome une trentaine d’années plus tard. Sa parole a la valeur d’un témoignage historique de premier ordre.

Le canon de Muratori dit à propos des Actes des Apôtres : Luc fait entendre à l’excellent Théophile que toutes choses s’étaient passées de son temps et il le montre évidemment en laissant de côté la passion de Piern et aussi le départ de Paul quittant la ville pour l’Espagne. » L. 36-39. Cette remarque sur le temps où fut composé le livre des Actes s’inspire du principe que toir. h s écrits canoniques du Nouveau Testament ont les apôtres pour auteurs ou tout au moins pour garants. C’est ainsi que Marc écrivit la prédication de Pierre, I. 1, et que Luc composa son évangile avec l’assi ntiment de Paul, 1. 5. De même pour les Actes : Pierre et Paul purent couvrir ce livre de leur autorité, car il fut écrit avant le martyre de saint Pierre et avant le départ de saint Paul pour l’Espagne, comme le montre le silence que saint Luc, qui survécut sûrement aux apôtres, garde sur ces deux faits ; cf. Lagrange, Histoire du canon du N. T., p. 72. L’auteur du canon pense que Luc n’aurait pas manqué de parler de es deux grands événements, s’ils s’étaient passés avant qu’il (fit achevé la rédaction de son ouvrage. Ce qu’A y a de remarquable dans ce témoignage, c’est qu’aux yeux de l’écrivain le voyage de Paul en Espagne est Un f lit aussi connu des lecteurs et aussi assuré que le martyre de saint Pierre à Rome : l’un et l’autre’"il d’un" telle notoriété et en même temps d’une l’Ile Importance qu’on ne s’expliquerait pas leur omis-ion par saint Luc s’ils n’étaient postérieurs à la composition du livre des Actes, dont la date plaide ainsi en faveur de son caractère « apostolique » et par suite canonique. L’apostolat de Paul en Espagne était donc une des données les plus anciennes et les plus Jni s de la tradition romaine.

Les Acte » de Paul, écrits par « un prêtre d’Asie » (Tertuliien, De baplismo, 17, P. L., t. i, col. 1219>, probabl ment ntre 160 et 170, racontent If ministère ili Paul en le (Antlocbe, Ieonium, Myre, Sidon, Tyr, Bphèsr), en Macédoine, en Grèce, puis de nouveau’i M n iiloiii’ « I en Asie, enfin sa venue à Rome où

Néron, irrité de la conversion de PsftrooJe, son échart*

son favori, publie un édit de mort contre tous les chrétiens et condamne l’Apôtre à la décapitation. Cf. L.Vouaux, Les Actes de Pan/, Paris, 1913 ; É. Amann, dans Diction, de la Bible, Suppl., t. i, col. 494-496. Tous ces récits sont indépendants des épisodes racontés dans les Actes des apôtres. Malgré les légendes dont ils sont tissés, ils attestent que le souvenir s’était transmis en Orient d’une activité de Paul distincte de celle que font connaître les Actes canoniques et d’un voyage à Rome qui, bien différent de celui des Actes, se termina par le martyre. — Les Actes de Pierre, qui datent de la fin du iie siècle ou du début du m c, montrent Paul allant prêcher en Espagne, où il demeura près d’une année, tandis que Pierre vient de Jérusalem à Rome où il subit finalement le martyre. Cf. L. Vouaux, Les Actes de Pierre, Paris, 1922 ; É. Amann, loc. cit., 1. 1, col. 496-498. Même tradition sur les deux apôtres dans les Actes de Xantippe et de Polgxène, dans James, Apocrypha anecdota, 1893, t. i, p. 58-85, à peu près contemporains des Actes de Pierre.

Eusèbe de Césaréc ne parle pas de l’Espagne, mais il rapporte comme une tradition connue (Xàyoç &x el) que Paul, amené prisonnier à Rome et renvoyé absous, poursuivit sa carrière apostolique et revint une seconde fois à Rome pour y subir le martyre. C’est durant cette nouvelle captivité qu’il écrivit la seconde lettre à Timothée, qui annonce clairement sa fin prochaine. H. E., II, xxii. Ainsi pour Eusèbe, la double captivité de Paul à Rome et son martyre sont des conclusions confirmées par la dernière lettre de l’Apôtre.

Saint Jérôme fait plusieurs fois allusion au voyage en Espagne, parfois d’une manière un peu vague, in Occidentis partibus : De uiris ill., 5, P. L., t. xxiii, col. 615, ou sans nommer expressément Paul, In Isaiam.xii, 42, t. xxiv, col. 425 ; x, 34, ibid.. col. 374, ou encore en rapportant simplement les paroles de l’Apôtre : Deinde dicil quod de urbe Roma ierit ad Hispaniam, Tract, de Pu. lxxxiij, dnm Anecdola Maredsolona, t. m b, p. 805 ; mais il affirme aussi que l’Apôtre se rendit en Espagne, comme en Italie, par voie de mer : In Ilaliam quoque et, ut ipse scribit, ad Hispanias alienigenarum porlatus est navibus. In 7s., xi, P. L., t. xxiv, col. 151. Il mentionne avec faveur l’opinion des Nazaréens, selon lesquels Paul a fait resplendir l’Évangile jusqu’aux derniers confins du monde : In terminas gentium et viam uninersi maris. In Is., vm, 23, col. 123 ; cf. ibid., ix, 1. il admet d’ailleurs un laps de temps considérable entre la fin du livre des Actes et le martyre de Paul, car il nous apprend que Sénèquc fut mis à mort par Néron deux ans avant que Pierre et Paul fussent couronnés par le martyre, De viris ill., 12, t. xxiii, col. 629, et l’on sait que Sénèquc fut exécuté en avril 65.

A partir du ive siècle, la tradition du voyage en Espagne est connue même en Orient : « Paul a prêché depuis Jérusalem jusqu’en Espagne » dit saint Ephrem, Expos, evang. concord., 286. Les Pères grecs la mentionnent à diverses reprises : saint Cyrille de Jérusalem, Catech., xvii, 26, P. G., t. xxxiii, col. 597 ; saint Epiphane, Hier., xxvii, 6, t. xli, col. 373 ; Théodoret, In Phil., i, 25, t. lxiii, col. 568 ; surtout saint Jean Chrysostonie. In II* m Tim., hom. x, 3, t. lxii, col. 659. On a objecté que Jean Chiy-ostom se montre parfois tributaire de* Actes apocryphes de Paul et que les Pères s’appuient sur le projet annoncé Hom., xv, 24, 28. Mais l’assurance de leurs assertions fait voir qu’ils ont conseil nce de rappeler une tradition historique admi’c de tous. Nous avons vu que cette tradition remonte à un témoin des plu autorisés, teint démenti it qu’elle a continué de régner à Rome comme incontestée >t Incontestable (canon de Muratori). Elle confirme le témoignage des