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    1. TIMOTHÉE ET TITE##


TIMOTHÉE ET TITE. ÉPOQUE DE COMPOSITION

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a) Ces deux captivités ont des antécédents bien différents. Paul est arrivé à Rome, nous disent les Actes, après une détention de deux ans à Césarée et après une longue navigation, interrompue par un naufrage sur les côtes de Malte et un séjour de trois mois dans cette île. Cette fois, il vient de passer par Troas, où il a déposé son manteau et ses livres, iv, 13, par Miïet, où il a laissé Trophime malade, iv, 22, et par Corinthc, où Éraste a débarqué. Plusieurs auteurs, Baronius, Petau, Estius, Justiniani, A. Maier, Hug, Glaire, Lightfoot, Rosenmuller, Wieseler, Reuss, placent ces faits durant le voyage de Césarée à Rome. Mais ils sont obligés de recourir à des explications arbitraires : le verbe àiréXiTcov, iv, 20, que le contexte invite à lire à la première personne du singulier : « J’ai laissé Trophime à Milet », devrait se prendre au pluriel : « Ils laissèrent », et se rapporter à des compagnons de Paul dont on n’a pas parlé (Hug) ; ou bien il faudrait lire èv MeXtvj), « à Malte », au lieu de « à Milet » (Baronius) ; ou encore, Paul aurait laissé Trophime à Milet, en ce sens que ce disciple aurait débarqué à Myre, en Lycie (Act., xxvi, 5), d’où il aurait gagné Milet (Wieseler). — b) Quand il écrit à Timothée, Paul n’a plus auprès de lui, de tous les compagnons qui l’entouraient dans sa première captivité (six sont nommés Col., iv, 10-14), que le seul Luc, iv, ll. Des cinq autres nous apprenons seulement que Marc est à Éphèse, II Tim., iv, 11, et que Démas, jadis si fidèle, Col., iv, 14, l’a abandonné. II Tim., iv, 10. Des amis romains nommés ici pour la première fois envoient par l’Apôtre leurs salutations à Timothée. Tout a changé autour de Paul. — c) En outre, le caractère des deux captivités diffère du tout au tout. Dans la première, Paul compte sur une prochaine délivrance, il est tout à la confiance. Tout en s’abandonnant à la volonté de Dieu pour vivre ou pour mourir, Phil., n 17, il ne craint pas d’exprimer à ses correspondants l’espoir, l’assurance même, de les revoir bientôt. Il en est tout autrement dans la deuxième à Timothée. Il sait qu’il touche au terme de sa carrière. « Je suis déjà une libation répandue et le moment de ma mort est proche. J’ai combattu le bon combat, achevé ma course…, il ne me reste plus qu’à recevoir la couronne ». iv, 6-8. A la vérité, dans une première comparution, il a été délivré de la « gueule du lion », iv, 7, en échappant à la sentence de mort, et il a pu, en prêchant encore l’Évangile dans cette Rome cosmopolite au retentissement mondial, couronner en quelque sorte sa carrière de prédicateur, iv, 17. Mais il sent que ce n’est que partie remise et le seul salut qu’il demande désormais au Seigneur est l’entrée au royaume, céleste, iv, 18.

Conclusion. — Il faut donc reconnaître que toutes les données des trois pastorales convergent vers un même résultat ; la carrière de Paul ne s’est pas terminée aux deux ans de captivité romaine sur lesquels s’achève le récit des Actes ; elle s’est prolongée encore quelque temps, vraisemblablement plusieurs années, d’un ministère très actif dans les contrées d’Orient. En même temps, la deuxième à Timothée nous oblige d’admettre une seconde captivité romaine, qui s’est terminée, non par la délivrance, mais par la mort.

La seconde captivité romaine et les Actes.

Le

témoignage des Pastorales, touchant une dernière période d’activité apostolique après la détention de Paul à Rome, est confirmé par le livre des Actes.

En premier lieu, les interprètes s’accordent généralement à reconnaître l’optimisme que respire le livre des Actes au sujet du procès de l’Apôtre. A Césarée, le gouverneur Fcstus, dans la séance judiciaire à laquelle il invite le roi Agrippa, déclare qu’après avoir entendu les accusateurs il ne trouve rien qui mérite la mort, xxv, 25. Au sortir de l’audience, Agrippa, la reine Bérénice et les membres du tribunal s’accordent

avec Festus pour conclure que « cet homme n’a rien fait qui mérite la mort ni la prison ». xxvi, 31. Le rapport de Ftstus à César ne peut donc qu’être favorable. D’autre part, les Juifs accusateurs, satisfaits peut-être de Péloignement de l’agitateur, ne paraissent pas pressés de poursuivre l’affaire ; après deux ans, ils n’ont encore fait parvenir à Rome aucune dénonciation. En attendant, le prisonnier est traité avec faveur : on le laisse libre de recevoir tous ceux qui viennent à lui, et il en profite pour enseigner la foi chrétienne « en toute liberté, sans aucune entrave ». xxvin, 31. Le livre des Actes se clôt sur cette perspective heureuse. « L’issue favorable ne paraît jamais avoir fait doute. » A. Boudou, Actes des Apôtres, 1933, p. 567.

De plus, une affirmation positive, quoiqu’indirecte, de délivrance semble exprimée dans la dernière phrase du livre : èvé|j, eivev 8è Siextav ÔXt, v èv LStco jjl’.o6cjjjwcti, xxviii, 30a, « il demeura deux années entières dans un appartement qu’il avait loué ». Normalement, l’aoriste indique une durée complètement écoulée ; d’où il suit qu’une autre situation a commencé. M. Hitchcock, The Pastorals and a second trial of Paul, dans Expository Times, t. xli, 1929-1930, p. 20-23, observe que cette même durée de deux ans est présentée deux autres fois comme passée : Act., xix, 10, ministère de Paul à Éphèse, et xxiv, 27, captivité de Césarée. Les deux ans de captivité à Rome sont donc complètement finis et, comme tout le récit l’indique, finis par la délivrance. Loisy, Weizsâcker, Wendland ne craignent pas d’imaginer que saint Luc, sachant bien que le procès se termina par la condamnation et l’exécution de Paul, laisse croire cependant à sa libération, parce que l’auteur des Actes veut rester jusqu’au bout fidèle à son principe de montrer l’autorité romaine partout et toujours favorable au christianisme. Rien de plus contraire à la sincérité dont l’historien fait preuve dans tout son récit. Ne retenons de ce système que la constatation juste, à savoir que les événements des derniers chapitres des Actes s’acheminent vers la délivrance finale, implicitement affirmée dans la phrase qui sert de conclusion. À ce sujet, A. Boudou dit fort bien : « La dernière phrase, une phrase lapidaire noblement drapée dans son rythme élégant, est d’un auteur qui a conscience d’avoir atteint le terme qu’il s’est fixé. » Actes des Ap., p. 567. Mais cette phrase perdrait beaucoup de son assurance si l’espoir qu’elle nous fait concevoir en faveur de Paul avait pu être démenti par une captivité peut-être plus rigoureuse ou par la condamnation. Concluons que la fin des Actes implique la cessation d’un état de choses qui avait duré deux ans et la mise en liberté à laquelle tout le récit nous préparait.

Un témoignage qui appuie fortement cette interprétation des Actes en faveur d’une délivrance et qui suffit à lui seul à le prouver est celui qui se tire des épîtres dites de la captivité, Eph., Phil., Col. et Philémon. Nous n’avons pas à démontrer ici qu’il ne s’agit dans ces épîtres ni d’une captivité que Paul aurait subie à Éphèse, malgré les tentatives érudites de Michælis en ce sens, ni de celle qui le retint deux ans à Césarée, mais de celle que racontent les derniers chapitres des Actes. Ces lettres, nous l’avons dit, respirent l’espoir d’une prompte délivrance, espoir fondé et sur les prévisions humaines tirées de la marche du procès, Phil., i, 12-14, et sur des assurances divines. Paul était trop bon juge des unes et des autres pour se faire illusion à lui-même et pour inspirer à ses amis une confiance décevante. Il faut donc admettre une période de liberté qui suivit d’assez près les lettres envoyées de Rome.

Témoignages historiques.

Libéré, saint Paul

effectua sans doute le voyage en Espagne dont il avait