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TIMOTHÉE HT TITE. LA CRITIQUE RÉCENTE


trième lettre, II Tim., iv, 9-12, 22 b, date du temps de la captivité romaine, en 62. — La cinquième et dernière, en cette même année, est une lettre d’adieu, la plus longue de toutes, comprenant II Tim., i, 16-18 ; m, 10-11 ; iv, l-2a, 56, 6-8, 186, 19, 216, 22a. B.-N. Strcetcr, The primitive Church, Londres, 1930, se déclare gagné par la démonstration de Harrison, qui a dissipé tous ses doutes !

P.-N. Harrison n’a pas pourtant conquis tous ses compatriotes. Sir Robert Falconcr, auteur de l’article Éptlres Pastorales, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, revient sur ce sujet dans The Pastoral Epistles, Oxford, 1937. Il reconnaît comme paulinienne la majeure partie de II Tim., écrite peu avant la mort de l’Apôtre, durant sa seconde captivité à Rome. La lettre à Tite, antérieure à la précédente, est aussi de Paul quant au fond, mais a subi de fortes retouches. Dans I Tim., un compilateur a reproduit des recommandations sur la piété chrétienne et des règlements ecclésiastiques dont Timothée serait l’auteur. Du reste, le tout remonterait assez haut, car le rédacteur avait achevé son travail avant la lettre de Clément aux Corinthiens.

Une des thèses les plus hardies de la critique radicale en ces dernières années et qui mérite un peu d’attention à titre de curiosité, est celle de M. Paul-Louis Couchoud : La première édition de saint Paul, dans le volume Premiers écrits du christianisme, Paris, 1930, qui ouvre la collection des Annales d’histoire du christianisme. Il prétend que le premier recueil authentique des lettres de Paul a été édité par Marcion, sous le titre Apostolicon, vers l’an 140. Au lieu de quatorze épîtres, cette édition n’en renfermait que dix, elles-mêmes plus courtes que les nôtres. Dédaignant le témoignage des auteurs ecclésiastiques qui, comme Tertullien, accusent « le rat du Pont » d’avoir rongé et mutilé le canon traditionnel reçu des apôtres, M. Couchoud se fait fort de démontrer « par une méthode purement critique » que « V Apostolicon n’est pas une mutilation de l’édition longue, mais au contraire que l’édition longue n’est qu’un Apostolicon remanié et augmenté ». Cf. Lagrange, Saint Paul ou Marcion ? dans Rev. bibl., 1932, p. 5-30. Les Pastorales ne faisaient pas partie de V Apostolicon. « Postérieures à Marcion, elles sont une addition manifeste au corpus paulinien primitif. » Pour le prouver, M. Couchoud, revenant à la thèse vieillie de Baur, prétend que I Tim., vi, 20, par la sentence : « Fuis les antithèses de la fausse gnose », promulgue la condamnation du livre de Marcion intitulé Antithèses, condamnation qui fut portée en 144. Au P. Lagrange, qui oppose, entre autres raisons, l’utilisation des épîtres de Paul dans leur texte long par Clément de Rome vers 90, cinquante ans avant Marcion, M. Couchoud répond hardiment que la lettre de Clément est postérieure à Marcion, et il fait honneur à son collaborateur, M. Delafosse (Turmel), d’avoir signalé pour la première fois, en 1928, des traces de polémique marcionite dans la lettre de Clément. Devant tant d’affirmations arbitraires, on ne s’étonnera pas que la thèse de M. Couchoud sur Y Apostolicon de Marcion, première et authentique édition de saint Paul, ait été qualifiée par M. Loisy de crise de « marcionite aiguë ».

En Allemagne, Adolf Jùlicher, Einleitung in das N. T., 5e et 6e éd., Tubingue, 1913, p. 150-172, reconnaît, contre Schleiermacher, l’unité d’inspiration et de composition des trois Pastorales et les déclare toutes également inauthentiques, pour cinq motifs : 1. style très différent de celui des lettres authentiques ; 2. piété d’un aspect tout nouveau ; 3. erreurs qui n’ont rien de commun avec celles que Paul eut à combattre ; 4. organisation hiérarchique développée ; 5. situation historique incompatible avec l’histoire. De son côté,

M. Dibclius, Die Pastoralbrieje, 2e éd., Tubingue, 1930, (dans le Handbuch zum N. T., de H. Lietzmann) reproche à la théorie des fragments de soulever plus de difficultés qu’elle n’en résout et discerne partout des vestiges des temps postapostoliques.

Cependant, la récente découverte des papyrus Chester Beatty semble avoir procuré à l’hypothèse des billets un regain de faveur. Comme nous l’avons dit col. 1042, le codex de saint Paul, tel qu’il nous est parvenu, s’arrête avant les Pastorales, mais il renfermait au moins sept autres feuillets que l’on n’a pas retrouvés. Le scribe n’avait pas l’intention de laisser en blanc ces sept feuilles, car dans les pages précédentes, il serre de plus en plus son écriture à mesure qu’il avance. Malgré tout, même s’il avait réussi à gagner encore quelques lignes par page, les sept feuillets n’auraient pas suffi pour la transcription des Pastorales. Nous avons dit que le scribe aura finalement reconnu la nécessité d’ajouter quelques pages. M. Henry-A. Sanders, le savant éditeur du Codex en 1935, propose une autre solution : le scribe écourte les Pastorales. Il retranche d’abord l’épître la plus brève, celle à Tite, qui lui paraît la moins authentique. Il réduit ensuite les deux épîtres à Timothée à un noyau qui serait seul paulinien. Mais cette solution est inacceptable. En effet même dans l’hypothèse des critiques, les billets n’ont jamais été publiés séparément ; les faussaires les auraient incorporés dans une composition plus large pour donner à l’ensemble un air paulinien. « Le manuscrit Beatty présente le texte canonique de Paul solidement arrêté… Un corpus paulinien du iiie siècle n’aurait sûrement pas inséré des billets primitifs, dont l’existence est un pur postulat de la critique. » Lagrange, Critique rationnelle, p. 653. Nommons encore parmi les partisans de l’hy pothèse fragmentaire, M. Goguel, Introduction au N. T., t. iv, Paris, 1926, p. 476-561 ; R. Bultmann, art. Pastoralbrieje, dans Religion in Geschichte und Gegenwart, Tubingue, t. iv, 1930, col. 993-996.

Dans son ouvrage Pasloralbriefe und Gefangenschaftsbriefe zur Echtheitsfrage der Pastoralbrieje, dans les Neutestam. Forschungen de Otto Schmitz, i, 6, Gutersloh, 1930, W. Michælis, professeur à l’université de Berne, se fait le champion résolu de l’authenticité totale des trois Pastorales. Il se place, il est vrai, à un point de vue particulier. Supposant établie la théorie qu’il a émise en 1925 dans Die Gefangenschafl des Paulus in Ephesus und das Ilinerar des Timotheus, à savoir que les quatre épîtres dites de la captivité (Eph., Phil., Col., Philem.) ont été composées durant un emprisonnement de Paul à Éphèse, au cours de sa troisième mission, et non, selon l’opinion traditionnelle, pendant sa détention à Rome, Michælis montre que ce déplacement est favorable à la cause des Pastorales, écrites après la première captivité romaine. Il en résulte en effet un nouveau groupement, qui rapproche les unes des autres et rend presque contemporaines la plupart des épîtres de Paul, et l’intervalle de cinq ans qui les sépare ainsi des Pastorales rendrait plus explicable le changement des situations. En fait, la plupart des arguments que Michælis fait valoir en faveur des Pastorales sont assez indépendants de la thèse sur la captivité éphésienne pour garder leur force en tout état de cause.

Les objections.

Les diverses objections contre

l’authenticité des Pastorales peuvent se ramener aux cinq chefs énoncés par Ad. Jùlicher, Einleitung in das N. T., p. 150-172. — 1. Situation historique. Les enseignements historiques fournis par les Pastorales décrivent des événements et une situation qu’il est impossible de faire concorder avec aucune des périodes de la vie de l’Apôtre connues par ses lettres authentiques et par les Actes. — 2. Langue. Le vocabulaire et le style