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TIMOTHÉE ET TITE. LA CRITIQUE RÉCENTE


m qualordecim episfolarum suarum fulminons iubis… Plusieurs, dit-il ailleurs (In Matlli.), ont voulu rejeter la deuxième épître à Timothée, comme apocryphe, à cause des noms de Jamnès et Mambrès, mais en vain. Il a composé un commentaire des Pastorales, dont il subsiste un fragment sur Tite, iii, 10-11, P. G., t. xiv, col. 1303 sq. — Saint Cyprien a cité nos trois épîtres, et le catalogue dit de Mommsen, joint à ses œuvres, compte treize épîtres de Paul ; celle aux Hébreux est seule omise. — Au commencenu nt du ive siècle, Eusèbe de Césarée range les Pastorales parmi les ôfxoXo-Yoù [i.svoi, livres reçus d’un commun accord comme canoniques. H. E., III, xxv. Les grands manuscrits onciaux copiés à cette époque, le Sinaiticus, vers 330, et le Vaticanus, vers 340, les transcrivent à la suite des épîtres paulinienncs. — Un papyrus chrétien épistolaire (Mélanges Bidez, Bruxelles, 1934, t. ii, p. 857-859), du début du ive siècle, contient une réminiscence certaine de II Tim., i, 16.

L’ancienne version syriaque (fin du m c siècle ?), antérieure à la Peschitlâ, possédait les lettres de Paul, parmi lesquelles les Pastorales. Elles sont citées dans les Démonstrations d’Aphraate, composées de 337 à 344. Saint Éphrem, quelques années plus tard, les a commentées. La Doctrine dite d’Addaï, au début du ve siècle, dit que les épîtres de Paul furent envoyées de la ville de Rome à l’Église des Syriens par Simon Pierre : souvenir peut-être d’une traduction faite à Rome par Tatien vers la fin du iie siècle, mais à laquelle on reprochait des changements faits sous prétexte d’améliorer le style de l’Apôtre (cf. H. E., IV, xxix, 6) et qui, comme nous le verrons, excluait de parti pris deux lettres à Timothée. Au contraire, c’est par pure inadvertance que le catalogue syriaque des environs de l’an 400 a omis la première à Timothée, puisqu’il inscrit : « A Timothée, la seconde ; à Tite ». — La version copte sahidique, qui peut remonter au me siècle, possédait nos trois épîtres (il ne manque que quelques versets dans l’édition d’Oxford, The Coptic version of the N. T. in the southern dialect, t. v, 1920) ; de même la bohaïrique, venue un peu plus tard.

Il est inutile de pousser plus loin cette nomenclature. Partout, en Orient et en Occident, les Pastorales ont droit de cité, à titre d’écrits pauliniens, dans les listes canoniques comme dans les citations et les commentaires des Pères et dans les lectures liturgiques. Rappelons seulement la manière dont saint Jérôme, Prol. in Titum, P. L., t. xxvi, col. 555 sq., reproche aux hérétiques, spécialement à Basilide, qui rejetait les trois épîtres, et à Tatien, qui n’admettait que la lettre à Tite, leurs attaques injustifiées.

Oppositions hérétiques.

Tandis que les Pastorales

jouissaient parmi les fidèles d’une vénération universelle, elles rencontrèrent de bonne heure une opposition décidée de la part de plusieurs chefs de sectes. Clément d’Alexandrie dénonce, Strom., VII, 17, Basilide, fondateur du gnosticisme dans la capitale de l’Egypte, et son disciple Valentin, le théoricien de la secte, qui, venu à Rome vers 136, fonda plus tard une école dans l’île de Chypre. Ils rejetaient les Pastorales, et Clément nous en explique la raison. Citant I Tim., vi, 20-21, qui recommande la fidélité à la doctrine traditionnelle : « C’est parce qu’ils sont condamnés par cette sentence, observe-t-il, que les fauteurs d’hérésie repoussent les épîtres à Timothée. » Strom., II, 8. Les deux épîtres condamnent en effet toute doctrine étrangère, et la courte épître à Tite n’est pas moins sévère dans sa réprobation.

Vers la même époque, Marcion, originaire du Pont, enseignait aussi à Rome. Il ne reconnaissait pour canoniques que, l’évangile de Luc et dix épîtres de Paul ; encore « le rat du Pont », comme dit Tertullien, avait-il considérablement « rongé » ces écrits eux-mêmes. Il

excluait du canon les trois Pastorales. Comment n’aurait-il pas repoussé des épîtres qui s’opposent si fortement à toute nouveauté doctrinale et qui soumettent tout enseignement au contrôle de la tradition et de la hiérarchie ecclésiastique ? De plus, il avait imaginé un Dieu juste et sévère, créateur du monde et auteur de l’Ancien Testament, et un Dieu bon, qui a envoyé Jésus-Christ pour détruire l’œuvre du Dieu des Juifs ; comment aurait-il accepté l’obligation faite à Timothée de se nourrir des saintes Écritures pour s’affermir dans la foi au Christ ? II Tim., iii, 14-17.

A Rome encore, vers 170, Tatien aurait retranché du corpus paulinien les deux épîtres à Timothée, tout en conservant la lettre à Tite. Ascète fougueux, il prêchait un encratisme intransigeant. On comprend son aversion pour des textes qui permettent aux jeunes veuves de se remarier, qui recommandent aux femmes mariées de se sanctifier par leurs devoirs d’état, aux chrétiens d’user de tout aliment et des biens d’ici-bas avec action de grâces, à Timothée malade de boire un peu de vin pour se fortifier.

Ainsi les hérétiques, comme le leur reprochait saint Jérôme, rayaient les Pastorales du nombre des écrits pauliniens et canoniques, non pour des raisons de critique historique ou textuelle, mais de leur propre autorité, hæretica auctoritate, sans autre motif que l’intérêt de leurs fausses théories. Seuls, les « audacieux » dont parle Origène accusaient les épîtres à Timothée d’accointance compromettante avec le livre apocryphe intitulé « Jamnès et Mambrès » ; accusation sans valeur, car la tradition juive avait rendu ces deux noms célèbres bien avant que l’apocryphe ne s’en emparât. Aussi ces négations arbitraires et systématiques, loin d’ébranier l’autorité des Pastorales, la confirmaient au contraire en montrant que les erreurs nouvelles se sentaient visées et d’avance condamnées par les paroles de l’Apôtre.

Conclusion. — Explicitement proclamées paulinienncs et canoniques au iiie siècle et dès la fin du iie, à travers tout le monde chrétien, par les nombreuses Églises dont les témoignages sont parvenus jusqu’à nous, sans autre voix discordante que les protestations intéressées des hérétiques, regardées déjà comme Écriture sacrée dès la première moitié du iie siècle par Justin, Polycarpe, Ignace et par divers documents ecclésiastiques, connues et largement utilisées par Clément de Rome moins de trente ans après la mort de l’Apôtre, les Pastorales se présentent avec les garanties les plus sûres d’authenticité et de canonicité.

II. Les Pastorales et la critique récente.

Les attaques des chefs de secte du iie siècle n’eurent aucun succès ; les Pastorales demeurèrent durant de longs siècles en possession de la confiance universelle. C’est en ces derniers temps seulement que les négations de jadis, presque oubliées, ont trouvé un écho.

Premières attaques.

Le premier, en 1804,

J.-E.-C. Schmidt émit des doutes sur l’authenticité de I Tim. : le style, à son avis, différait de celui de l’Apôtre, les idées se suivaient sans ordre, la situation ne répondait à aucune des périodes connues de la vie de Paul. Schleiermacher en 1807 reprit ces objections. La lettre lui paraissait unsympatisch ; un plagiaire l’avait composée à l’aide des deux autres pastorales, ce qui expliquait les ressemblances. Usteri, Bleck, Lûcke, Neander, se rangèrent à ce sentiment. D’autres, avec H. Planck, Bemerkungen ùber den ersten Brief an Tim., Gœttingue (1808), Beckhaus (1810), Berthold (1819) maintinrent l’opinion traditionnelle. Planck observait que la plupart des objections contre la première Pastorale pouvaient se tourner contre les deux autres.

Négations radicales.

En 1812, Eichhorn, faisant

siennes les observations de Planck. déclara les trois lettres également suspectes : elles étaient l’œuvre