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1037 TIMOTHÉE ET TITE, AUTHENTICITÉ, LA TRADITION

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reurs gnostiques, qui y sont décrites, de l’état prétendu évolué de la hiérarchie ecclésiastique, etc., n’infirment en rien l’authenticité des épîtres pastorales.

— 4° Les données historiques, la tradition des Pères, soit d’Orient, soit d’Occident, les indices qui se tirent, soit de la conclusion brusque du livre des Actes, soit des épîtres pauliniennes écrites de Rome et en particulier de la seconde à Timothée, doivent faire tenir pour certaine une double captivité de l’apôtre Paul à Rome, et l’on peut affirmer sûrement que les épîtres pastorales ont été écrites dans l’intervalle de temps compris entre la fin de la première captivité et la mort de l’apôtre. — Une étude approfondie montrera que ces conclusions sont pleinement justifiées. —

I. Canonicité et authenticité prouvées par la tradition.

II. Les Pastorales et la critique récente (col. 1044).

III. Analyse des épîtres (col. 1049). IV. Unité des trois lettres ; invraisemblance de l’hypothèse fragmentaire (col. 1053). V. Époque de composition (col. 1056). VI. Erreurs visées (col. 1064). VIL L’organisation ecclésiastique (col. 1070). VIII. Vocabulaire et style (col. 1074). IX. Doctrine (col. 1078).

I. Canonicité et authenticité dans la tradition. — L’affinité de fond et de forme entre les trois lettres est frappante. Elles se tiennent si étroitement qu’elles doivent, du point de vue de l’authenticité, subir ensemble le même sort. La plupart des critiques en conviennent. La II Tim. a joui souvent d’un traitement de faveur de la part des adversaires, à cause des nombreux détails personnels qu’elle renferme au sujet de. saint Pfiul et parce qu’il n’y est pas question de la hiérarchie ecclésiastique. Certains fragments, dans l’une ou l’autre des trois lettres, ont aussi parfois trouvé grâce auprès de savants qui repoussaient l’origine paulinienne de l’ensemble. Cette dissociation n’est pas légitime : l’air de famille des trois lettres soeurs est trop manifeste, et l’origine paulinienne, que certains traits marquent plus fortement chez l’une ou l’autre, doit s’étendre à toutes.

Il n’y a pas lieu, à propos des Pastorales, d’insister sur la différence entre l’authenticité et la canonicité. Ces deux notions sont, en elles-mêmes, bien distinctes. L’authenticité ne regarde directement que l’origine humaine ; la canonicité, l’origine divine. Un écrit est authentique, quand il est de l’auteur auquel on l’attribue ; il est canonique, quand il est reconnu par l’Église comme inspiré et faisant partie des livres sacrés. En soi, la canonicité est indépendante de l’authenticité et l’Église reçoit comme sacrés des livres dont l’auteur est ignoré ou contesté. Pratiquement, pour ce qui regarde les Pastorales, les deux questions se tiennent. À l’origine, il est vrai, durant les deux premiers siècles, elles sont utilisées sans référence et sans nom d’auteur. Mais de bonne heure elles sont citées sous le nom de Paul et cette origine apostolique garantit, aux yeux des écrivains ecclésiastiques, leur droit à figurer parmi les livres saints. Les dissidents, comme Mareion et Tatien, les excluent à la fois du corpus paulinien et du canon sacré. Pour les catholiques, aucun doute sérieux ne s’étant jamais élevé sur l’origine paulinienne, aucune hésitation ne s’est manifestée non plus sur leur caractère inspiré et canonique. On pourrait néanmoins se demander de quelle manière Paul en est l’auteur et si ci rtaines particularités ne t’expliqueraient pas plus facilement par l’intervention d’un secrétaire qui aurait revêtu de son style à lui la pensée de l’Apôtre. Nous verrons que cette intervention est loin de s’imposer.

I.a tradition se prononce en faveur de l’origine pan* Unienne des trois épîtres pastorales d’un accord unanime et constant Ces témoignages, d’abord implicites au cours du ile siècle, deviennent bien vite explicites et formels.

Citations implicites.

Dès la fin du I er siècle

et dans la première moitié du iie, les Pères apostoliques ont cité les Pastorales de la même manière que les autres livres de l’Écriture. Us citent sans référence ni nom d’auteur et le plus souvent sans se préoccuper de fidélité littérale ; mais il est facile de reconnaître les pensées et les paroles dont ils s’inspirent.

1. Clément de Rome écrit aux Corinthiens, vers l’an 95, une lettre qui présente de nombreuses affinités d’expressions et d’idées avec nos épîtres. D’abord un certain nombre de vocables que les Pastorales sont seules à employer dans le Nouveau Testament. Ainsi : àywY’Ô » « conduite », II Tim., iii, 10 : -1% èv Xp « TTw àyojyTJç, Clem., xlvii, 6, àyvrçv àycoyT)v, ^ xlviii, 1 ; àvaÇcoTrupeïv, « rallumer, raviver (la grâce) », II Tim., i, 6 : àvaÇ<ù7rop’ifj(iaTO oùv 7) memç, Clem., xxvii, 3 ; 7uaTcoGeû ; èv, « être convaincu de, affermi dans », II Tim., iii, 14 : mfffwOévTsç èv tô> X6y<p toû Geoû, Clem., xlii, 3 ; ccùçpcov, 4 fois dans les Pastorales et 3 fois chez Clément, i, 2, 3 et lxiii, 3 ; otxoupyeïv, Clem., i, 2, « prendre soin de la maison », forme verbale inspirée de olxoopyéç, Tit., ii, 5, ces deux termes n’existant ni dans le grec classique ni dans le grec biblique ; XYjpoÇ, titre que Clément donne à saint Paul à la suite de Paul lui-même, I Tim., ii, 7 ; II Tim., iii, 11 ; Clem., xvi, 1, etc. — Puis des expressions caractéristiques, des phrases entières reproduites presque textuellement : nio-nç àyaGrj, Tit., ii, 10 ; Clem., xlv, 1 ; o-uveîSTriotç àyaOr ; ou xaOapà, I Tim., i, 5, 19 ; iii, 9 ; II Tim., i, 3 ; Clem., xlv, 7 ; « se fortifier par la grâce », èv8uvaquo6eïaai 81à t% x<xp lT0 Ç> Clem., lv, 3 et II Tim., ii, 1 ; « servir Dieu avec une conscience pure », twv èv xaOapôc cuve181f)CEi XaTpEoovTwv, Clem., xlv, 7 et II Tim., i, 3 ; « lever (vers le Seigneur) des mains pures », àyvàç xai à^iàv-rouç yelpoLÇ, aipovTeç, Clem., xxix, 1 et I Tim., ii, 8 ; « ce qui est bon et agréable devant Dieu », toôto xaX6v xal aTCoSexTÔv èvwiuov toû 0eoû, I Tim., ii, 3, tî xaXov… xal tI 7tpoa8exTÔv èvajTriov toô 7to17 ; aavToç Tj(i.âç, Clem., vii, 3, où le terme rare upooSexTov (cf. Prov., xi, 20) répond au néologisme aTroSexTÔv ; « être prêt à toute bonne œuvre », ëxoi.(i.ot sic 7râv Ipyov àyaGôv, Clem., ii, 7 et Tit., ni, 1, etc. — Les devoirs que Clément, i, 3, trace aux femmes chrétiennes rappellent Tite ii, 5 ; de même Clem., xxxiii, 4 combine II Tim., i, 9 avec Tit., iii, 5-7 : xal ï)|xâç oov 81à 0eXTj[iaToç aù-roû èv Xpio-râ> Trçaoû xX^OévTeç (II Tim., i, 9 : xaXèaavroç xXtjcei àyla… èv XpiaTÔ)’Irjcoù), où Si’éao-rcSv Stxaioùjj.eOa oùSè 8tà ëpywv wv xaxepyaaâfi.e0a èv écaôrrçTi xapSîaç (Tit., iii, 5 : oûx iï, Êpywv tô>v èv Sixaiocûvrj & ènoiijoa (jiEv t)[xeÎç), àXXà 81à ttjç Tilareto ;, Si’^ç TOxv-raç toùç àrc’aîôivoç (II Tim., i, 9 : nç>6 xpovwv aUovtcùv) ô Trav-Toxpàrwp ©eoç èSixalwoEv (Tit., iii, 7 : SixaicoOévreç). On pourrait citer encore le soin attribué aux apôtres d’établir dans les villes et les campagnes des épiscopis et des diacres éprouvés, Clem., xlii, 4 ; Tit., i, 5 ; II Tim., iii, 10 ; v, 22 ; les allusions au service militaire, Clem., xxxvii, 1-2 ; II Tim., ii, 3 ; l’invitation à fuir ce qui ferait blasphémer le nom et la doctrine. du Christ. Clem., i, 1 ; xlvii, 7 ; I Tim., vi, 1 ; Tit., II, 5-10. Bref, dans la lettre de Clément les PastfH tiennent une place importante.

2. La Didaché (fin du ie siècle ?) semble faire deux allusions à nos épîtres. La recommandation [ir t yivou èpytXoç, iii, 2, reprend le (j.r t ôpylXov de Tite, i, 7, qui est un hapax du Nouveau Testament. Les qu. énumérées xv, 1 pour le choix des épiscopes et dh s diacrel résonant les principales vertus que demande saint Paul de ces mêmes ministres, I Tim., m. 2-10 : douceur, désintéressement, vérité dans le langage, bon témoignage.

3. L’éptlre de liamabf (vers 120 ?) offre plusieurs points de contact certains avec Us Pastorales. Dès le