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    1. THOMISME##


THOMISME. CONCLUSION

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Dans le don de révélation il y a acceplio spccierum ; dans l’inspiration il n’y a pas proposition d’un objet nouveau comme dans le cas précédent, mais simplement judicinm de acceptis, c’est-à-dire jugement divin au sujet ou dans le domaine des connaissances acquises déjà de n’importe quelle manière, par expérience, par témoignage humain, etc. ; ainsi les évangélistes connaissaient déjà les faits de la vie de Jésus qu’ils rapportent. Or, c’est dans le jugement qu’il y a vérité ou fausseté. La vérité du jugement divinement inspiré sera donc divine et infaillible, divinement certaine. Voir ibid., q. clxxiv, a. 2, ad 3 am ; De veritate, q.xii, a. 12, ad ÎO" ».

L’inspiration biblique est donc essentiellement une lumière divine, rendant divin le jugement de l’hagiographe et par conséquent le rendant infaillible. Cependant l’inspiration scripturaire, qui a pour objet et terme le livre écrit, n’est pas seulement lumière pour l’esprit ; elle est encore mouvement ou énergie pour la volonté de l’hagiographe et, par l’intermédiaire normal de la volonté, pour toutes les puissances qui ont part à la production du livre divin.

Ce charisme est donné à l’homme, non point comme don habituel, mais comme une grâce transitoire, ce n’est pas un habitus, mais un motus transiens. Cf. ibid., q. clxxi, a. 2 ; clxxiv, a. 3 ; ad 3 om ; De veritate, q.xii,

8.1.

Cette collaboration de Dieu et de l’hagiographe dans la production du livre appelé divin, est décrite par saint Thomas d’après la théorie philosophique de la cause principale et instrumentale. Auctor principalis S. Scripturæ est Spiritus sanctus, homo fuit auctor instrumentons : cf. Qnodl. vii, a. 14. On peut même dire que telle est la doctrine générale de tous les théologiens médiévaux, elle est encore aujourd’hui générale, et a été clairement exposée dans l’encyclique Providentissimus Deus. Cause instrumentale de Dieu, l’hagiographe atteint le but voulu par Dieu cause principale, tout en exerçant sa propre activité surélevée, tout en conservant son propre caractère, reproduisant son propre style. Ce style humain divinisé n’exclut aucun genre littéraire, digne par ailleurs de la vérité et de la sainteté divines.

L’inspiration ainsi comprise est donc : un influx divin, physique et surnaturel, élevant et mouvant les facultés de l’hagiographe. afin qu’il écrive, pour le bien de l’Église, tout ce que Dieu veut et de la manière qu’il le veut. Cf. J.-M. Vosté, op. cit., p. 76-105.

Cette notion complète de l’inspiration scripturaire suppose que Dieu est l’auteur du livre en tant que livre, en tant que livre écrit ; il en est donc l’auteur non seulement quant à la vérité conçue, mais aussi quant aux mots. La foi parle en effet <Y ficriture sainte, de Livres saints, de Iiible, et cela aussi bien selon la tradition juive que selon la tradition chrétienne. Il suffit pour cela que le jugement par lequel l’hagiographe rhoisit les mets comme aptes à l’expression de la vérité soit surélevé comme les autres jugements.

L’Inspiration scripturaire — qui est par définition même usque ad ve.rba — n’est pas une dictée matérielle, dans laquelle le seribe n’a pas le libre choix des mots ; inspiration verbale s’accommode avec la liberté humaine, qui se révèle dans la différence de style ; on sait pu effet que, selon les principes généraux de la doctrine thomiste, Dieu ment les causes secondes conformément .1 leur nature. Cette inspiration usque ad oerba, nécessaire afln que le livre sott vraiment écrit par Dieu, est toute subordonnée à la vérité < écrire et n’est voulue par Dieu que secundario. Il faut l’affirmer cependant. comme nous l’avons vii, en vert u même de la désignation par la fui de l’effel de « cite inspiral ion, qui est le Livre saiiil OU la Itiblr. Par Opposition les définitions conciliaires ne sont pas dites inspirées,

quoiqu’elles expriment infailliblement la pensée divine ; leurs termes n’ont pas été choisis -ous la lumière de l’inspiration biblique, mais seulement avec l’assistance du Saint-Esprit.

On trouvera dans l’ouvrage du P. J.-M. Vosté, O. P., que nous venons de citer une abondante bibliographie sur ce sujet, notamment le titre des ouvrages des théologiens thomistes récents qui ont traité cette question, card. Th. Zigliara, Th. Pègues, E. Hugon, de Groot, M.-J. Lagrange, etc.

Nous avons ainsi terminé l’exposé des deux parties dogmatique et morale de la Somme théologique de saint Thomas. On voit, comme celui-ci l’a annoncé, I », q. i, a. 3, que la théologie dogmatique et la théologie morale ne sont pas pour lui deux sciences distinctes, mais deux parties d’une seule et même science, qui est, comme la science de Dieu dont elle est la participation, éminemment spéculative et pratique, et qui a un seul objet : Dieu même en sa vie intime, Dieu révélé, en lui-même et comme principe et fin de toutes les créatures.

XVII. Conclusion. — Au terme de cet article, il convient de comparer le thomisme avec ce qu’on peut appeler l’éclectisme chrétien, et de dire ce qui fonde la puissance assimilatrice de la doctrine de saint Thomas.

Thomisme et éclectisme chrétien.

Au sujet de la

comparaison du thomisme et de l’éclectisme chrétien, nous reproduisons ici en substance un discours important prononcé par S. É. le cardinal J.-M.-R. Villeneuve, archevêque de Québec, à la séance de clôture des journées thomistes d’Ottawa le 24 mai 1936. Voir Revue de l’Université d’Ottawa, oct.-déc. 1936.

Le thomisme existe plus encore dans ses principes et dans l’ordre général de ses parties que dans telle ou telle de ses conclusions ; c’est de là manifestement que provient son unité et sa force. L’éclectisme chrétien cherche à accorder les systèmes philosophiques et théologiques au nom de la charité fraternelle, comme si tel était l’objet propre de cette vertu. Cependant, comme l’Église, en particulier ces derniers temps depuis Léon XIII, a manifesté qu’elle tenait au thomisme, l’éclectisme conclut : acceptons le thomisme, mais sans contredire trop explicitement ce qui s’oppose à lui, concilions le plus possible.

De ce point de vue on est porté à dire : les principes fondamentaux de la doctrine de saint Thomas sont ceux sur lesquels s’accordent tous les philosophes dans l’Église. Les points sur lesquels le Docteur angélique ne s’accorde pas avec d’autres maîtres, comme Scot ou Suarez, sont d’importance secondaire, quelquefois même d’inutiles subtilités, qu’il est sage de négliger. U y a lieu d’en faire abstraction dans l’enseignement de la philosophie et de la théologie, ou tout au plus de n’en traiter que modo historico. « Or, en fait, remarque le cardinal Villeneuve, loc. cit., les points de doctrine sur lesquels t< us les philosophes catholiques s’entendent, ou presque tous, ont été définis par l’Église, à propos des præambula ftdei et des vérités naturelles de la religion. Quant aux autres points de doctrine, comme la distinction réelle de la puissance et de l’acte, de la matière et de la forme, de l’essence créée et de son existence, de la substance et des accidents, de la personne et de la nature de l’être raisonnable, ils n’appartiennent pas. selon l’éclectisme, aux principes fondamentaux de la doctrine de saint Thomas, de même cette assertion que les facultés, les habitus et les actes sont spécifiés par leur objet formel. Ce seraient là des opinions libres,

qu’il est inutile de perdre son temps à approfondir,

puisqu’elles sont discutées entre doi leurs I àthollqUeS.

Elles n’ont donc pas d’Importance. » L’existence de cet éclectisme n’est pas douteuse, et

il serait difficile de le mieux définir. I.e cardinal Ville