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    1. THOMISME##


THOMISME. LES VERTUS MORALES

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aflligeant.es, où l’application rigide de la lettre de la loi rappellerait l’adage summum jus sununa injuria. II » - II*, q. lxxx, a. 1, ad 3um, ad 5um ; q. cxx, a. 1, 2. L’équité est plus conforme à la sagesse et à un grand bon sens qu’à la loi écrite ; elle a ainsi quelque ressemblance avec la charité qui lui est encore supérieure.

Ces quatre formes de justice notées par Aristote à propos de la justice acquise, se retrouvent dans la justice infuse. Elles décuplent les énergies de la volonté et contribuent grandement à l’éudcation chrétienne du caractère, qui arrive à dominer le tempérament physique, en le marquant à l’effigie de la raison éclairée par la foi. De fait les vertus acquises font descendre jusque dans le fond de notre volonté et de notre sensibilité la rectitude de la droite raison, et les vertus morales infuses la rectitude de la foi et la vie même de la grâce, participation de la vie intime de Dieu.

La justice doit être vivifiée par la charité, mais ces deux vertus restent notablement différentes l’une de l’autre ; la justice nous prescrit de donner à chacun ce qui lui est dû et de le laisser user de son droit. La charité est la vertu par laquelle nous aimons Dieu par dessus tout et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu. Elle dépasse donc de beaucoup le respect du droit des autres, pour nous faire traiter les autres personnes humaines comme des frères en Jésus-Christ, que nous aimons comme d’autres nous-mêmes dans l’amour de Dieu. Bref, comme le montre saint Thomas, la justice regarde le prochain comme une autre personne, en tant qu’autre, elle regarde les droits d’autrui, elle est essentiellement ad alterum, tandis que la charité regarde le prochain comme un autre nous-mêmes. La justice respecte les droits d’autrui, la charité donne au delà de ces droits ; c’est ainsi que pardonner veut dire donner au delà de ce qui est dû. On s’explique dès lors que, selon saint Thomas, la paix ou la tranquillité de l’ordre soit indirectement l’œuvre de la justice, qui écarte les obstacles, les torts, les dommages ; mais la paix est directement l’œuvre de la charité, qui par nature produit l’union des cœurs. L’amour est une force unitive, et la paix est l’union des cœurs et des volontés. II » -II æ, q. xxix, a. 3, ad 3um.

Parmi les questions spéciales du traité de la justice, il faut signaler celle du droit de propriété ; cf. II"-II æ, q. lxvi, a. 2 : Circa rem exteriorem duo competunt homini. Quorum unum est potestas procurandi et dispensandi, et quantum ad hoc licilum est quod homo propria possideat… Aliud vero, quod competit homini circa res exteriores est usus ipsarum. Et quantum ad hoc non débet homo habere res exteriores ut proprias, sed ut communes, ut scilicet de facili aliquis eas communicet in necessitale aliorum ; cf. I » -II", q. cv, a. 2, corp. Le droit de propriété est ainsi le droit d’acquérir et d’administrer (potestas procurandi et dispensandi), mais, pour ce qui concerne l’usage de ces biens, il faut en donner facilement à ceux qui sont dans le besoin. Le riche, loin d’être un accapareur, doit être l’administrateur des biens donnés par Dieu, de telle façon que les pauvres en profitent pour le nécessaire. On vit alors, non plus sous le règne de la convoitise et de la jalousie, mais sous le règne de Dieu dans la justice et la charité. Cf. ici l’art. Propriété, t. xiii, col. 782 sq., et dans la traduction française de la Somme théologique publiée par la Revue des Jeunes, au traité de la justice, les notes sur la q. lxvi.

Les vertus annexes à la justice selon saint Thomas sont la religion qui, aidée par le don de piété, rend à Dieu le culte qui lui est dû, la pénitence qui répare l’offense faite à Dieu, la piété filiale envers les parents et la patrie, le respect dû au mérite, à l’âge, à la dignité des personnes, l’obéissance aux supérieurs, la reconnaissance pour les bienfaits reçus, la vigilance à punir justement quand il le faut, tout en usant aussi de clé mence, enfin la véracité dans les paroles, dans la manière d’être et d’agir. De plus, à côté du droit strict, il y a les droits et les devoirs de l’amitié qus amicabile), de l’amabilité et de la libéralité. Cf. II » -II", q. lxxxicxix.

3° La force. II » -II », q. cxxui-cxli. — C’est la vertu qui réprime la crainte dans le danger et modère l’audace, pour rester dans la ligne de la droite raison, sans tomber ni dans la lâcheté, ni dans la témérité.

Cette définition est vraie proportionnellement de la force acquise du soldat qui expose sa vie pour la défense de sa patrie et de la force infuse qui, sous la direction de la foi et de la prudence chrétienne, reste ferme malgré toutes les menaces dans la voie du salut, comme on le voit chez les martyrs.

L’acte principal de la vertu de force consiste à supporter, sustinere, l’acte secondaire est l’attaque, aggredi. Comme le montre saint Thomas, q. cxxiii, a. 6, sustinere est difficilius quam aggredi, il est plus difficile et plus méritoire de supporter longtemps ce qui contrarie vivement la nature, que d’attaquer un adversaire dans un moment d’enthousiasme avec toute l’ardeur de son tempérament. La raison en Est : 1. que celui qui supporte doit déjà lutter contre celui qui s’estime plus fort que lui ; 2. il souffre déjà, tandis que celui qui attaque ne souffre pas encore et espère échapper au mal ; 3. supporter demande un long exercice de la vertu de force, alors qu’on peut attaquer par un mouvement d’un instant.

Ce support vertueux des tourments apparaît surtout dans le martyre, acte suprême de la force, et grand signe de l’amour de Dieu, pour qui le martyr donne sa vie. Q. cxxiv. D’après la doctrine thomiste de la connexion des vertus, c’est surtout par cette connexion qu’on peut discerner le vrai martyr du faux martyr, qui, par orgueil, s’obstine dans son propre jugement en se raidissant contre la douleur. Le vrai martyr montre qu’il a les vertus en apparence les plus opposées, non seulement la force, mais avec la charité, la prudence et l’humilité, la douceur qui le porte à prier pour ses bourreaux. Ibid.

Le don de force perfectionne l’acte de la vertu de force, en nous rendant dociles aux inspirations spéciales du Saint-Esprit dans le danger ; celui qui est habituellement fidèle jusque dans les petites choses recevra cette force supérieure pour être fidèle dans les grandes choses, si le Seigneur un jour les lui demande. Q. cxxxix.

Les vertus annexes à la force sont surtout la magnanimité, la constance, la patience, la persévérance.

4° La tempérance règle les passions de l’appétit concupiscible, surtout les délectations du tact. La tempérance acquise les discipline selon la règle de la droite raison comme il convient à l’honnête homme ; la tempérance infuse les réduit en servitude selon la règle de la foi, et fait descendre la lumière de la grâce jusque dans la sensibilité, comme il convient à l’enfant de Dieu. Q. cxli. Cette vertu est ainsi un juste milieu et un sommet entre l’intempérance et l’insensibilité.

Elle se divise en plusieurs espèces : l’abstinence et la sobriété touchant les délectations relatives à la nourriture et au breuvage, et la chasteté touchant les délectations relatives à la génération. Q. cxliii. La chasteté, qui est ainsi une vertu, soit acquise, soit infuse, est une force notablement distincte de la pudeur qui n’est qu’une heureuse inclination naturelle et généralement timide ; il y a entre elles une différence semblable à celle qui existe entre la vertu de miséricorde et la pitié sensible. Q. cxliv. a. 1.

La virginité consacrée à Dieu est, selon saint Thomas, une vertu spéciale distincte de la chasteté, même de la chasteté absolue de la veuve, parce qu’elle offre à Dieu l’intégrité parfaite de la chair et le renonce-