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THOMISME. LES VERTUS THÉOLOGALES

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selon la proposition infaillible de l’Église. Or, la révélation et l’Église infaillible n’affirment pas seulement les mystères, mais que c’est Dieu même qui les a révélés (cela est certain non seulement par l’examen rationnel des miracles, mais parce que Dieu et l’Église l’affirment). Donc nous devons croire infailliblement que c’est Dieu même qui a révélé ces mystères, et le moindre doute sur l’existence de la révélation engendrerait un doute sur les mystères eux-mêmes. Du reste la foi infaillible à un mystère révélé comme tel suppose que de fait (in actu exercito) on croit infailliblement à la révélation divine, sans toujours y bien réfléchir (in actu signato).

On a objecté : d’après saint Thomas, un même objet ne peut être en même temps scilum et creditum, su et cru, car il serait en même temps vu et non vii, évident et non évident. Or, le fait de la révélation est su ou connu naturellement par les miracles qui le confirment ; il ne peut donc en même temps être cru de façon surnaturelle. À cela les thomistes répondent que ce n’est pas sous le même point de vue que la révélation est naturellement connue et crue surnaturellement. Elle est naturellement connue comme intervention miraculeuse de Dieu auteur et maître de la nature et du miracle, et en ce sens elle est surnaturelle quoad modum quant à son mode de production, comme le miracle lui-même. Et cela n’empêche pas qu’elle soit crue surnaturellement, en tant qu’elle est la parole incréée de Dieu auteur de la grâce, en ce sens elle est surnaturelle quoad essentiam ; elle s’identifie avec la vie intime de Dieu, inaccessible à la connaissance naturelle de l’homme et de l’ange. C’est de ce point de vue que, selon saint Thomas, uno et eodem actu credimus Deo revelanti et Deum revelatum. II a -II ffi, q. rx, a. 2, ad 3um.

Cette doctrine est celle qui conserve le mieux le sens obvie des termes du concile du Vatican, sess. iii, c. ni : Hanc vero fidem, quæ humanse salutis initium est, Ecclesia catholica profitetur, virtutem esse supernaturalem, qua, Dei aspirante et adjuvante gratia, ab eo revelata vera esse credimus non propter inlrinsecam rerum veritatem naturali rationis lumine perspectam, sed propter auctoritalem Dei revelantis, qui nec falli nec fallere potest. Il est clair, disent les thomistes, que l’autorité de Dieu révélateur dont parle ici le concile n’est pas seulement celle de Dieu auteur de la nature et du miracle naturellement connaissable, mais l’autorité de Dieu auteur de la grâce, puisque la révélation nous manifeste non seulement les vérités naturelles de la religion, mais surtout et per se les mystères essentiellement surnaturels de la vie intime de Dieu et du salut.

Cette distinction entre Dieu auteur de la nature et Dieu auteur de la grâce n’est certes pas une distinction artificielle, elle domine toute la théologie et revient constamment dans le traité de la grâce. C’est pourquoi les thomistes, en reconnaissant tout ce que comporte l’analyse de l’acte de foi, concluent avec saint Thomas que le fidèle ne peut adhérer au motif formel de la foi, sans la grâce de la foi infuse, qui est précisément spécifiée par ce motif formel, tout différent de l’évidence des miracles qui motivent le jugement de crédibilité. Comme le dit saint Thomas, II » -II", q. v, a. 3, ad l um : Articulos fidei… lenct fidelis simplicité/- inhærendo primée Veritati, ad quod indiget adjuvari per habitum fidei. En cela, comme il est dit ibid., l’adhésion essentiellement surnaturelle et infaillible du fidèle diffère sans mesure de la foi acquise du démon, fondée directement sur l’évidence des miracles, et de l’adhésion humaine par laquelle l’hérétique formel maintient encore certains dogmes ex propria vohintale et proprio judicio et non plus ex auctoritate Dei revelantis qu’il a rejetée sur d’autres points ; cf. II » -II", q. v, a. 3.

Cette doctrine thomiste de la surnaturalité de la foi a été exposée dans toute son élévation et son ampleur, après le concile de Trente, par Jean de Saint-Thomas, De gratia, disp. XX, a. 1, n. 7-9 ; De fide, q. i, disp. I, a. 2, n. 1-8, et par les Salmanticenses, De gratia, disp. III, dub. iii, n. 28-37, 40-49, 52-61.

Les conséquences de cette doctrine en spiritualité sont particulièrement remarquables. On s’explique ainsi notamment que, dans la purification passive de l’esprit dont parle saint Jean de la Croix, la foi infuse est purifiée de tout alliage humain, dans la mesure où, sous les inspirations du don d’intelligence, l’âme discerne de mieux en mieux l’élévation du motif formel de la foi infii.se au-dessus des motifs de crédibilité (miracles et autres signes) et des motifs accessoires qui peuvent faciliter l’acte de foi, par exemple ce que l’on croit dans le milieu où nous vivons. Nous avons longuement étudié ailleurs cette appli-. cation de la doctrine de la surnaturalité essentielle de la foi et de sa certitude supérieure à toute certitude naturelle, cf. L’Amour de Dieu et la Croix de. Jésus, Paris, 2e éd., 1939, i. ii, p. 575-597. Les mêmes principes manifestent la surnaturalité essentielle de l’espérance et de la charité e’la même application doit s’en faire à la purification passive de ces vertus.

A la vertu de foi correspondent le don d’intelligence, qui nous fait pénétrer les mystères révélés, q. viii, et celui de science qui nous éclaire spécialement sur ce qui relève des causes secondes, sur leur défectibilité et leurs déficiences, par suite sur la gravité du péché mortel, sur la vanité des choses terrestres, l’inefficacité des secours humains pour atteindre une fin surnaturelle. Cf. q. ix. Par là ; e don de science facilite l’exercice de l’espérance des biens divins et de la vie éternelle.

2° L’espérance. II » - II", q. xvii-xxii. — Pour souligner ce qu’il y a de plus important dans l’enseignement de saint Thomas et de son école sur l’espérance, nous parlerons surtout de son objet, de son moi if formel, puis de sa certitude sui generis.

1. Motif formel de l’espérance.

Cette vertu théologale est essentiellement surnaturelle de par l’objet qui la spécifie, car par elle nous tendons vers la vie éternelle, vers la béatitude surnaturelle, qui n’est autre que la possession de Dieu par la vision béatifique, ou mieux encore qui n’est autre que Dieu ainsi possédé éternellement. Nous tendons vers lui, en nous appuyant sur le secours divin qu’il nous a promis. Le motif formel de l’espérance théologale n’est pas notre effort, ni un secours créé, c’est Dieu toujours secourable, selon sa bonté, sa miséricorde, sa fidélité à tenir ses promesses et sa toute-puissance. Toutes ces perfections divines ainsi ordonnées sont supposées par ce motif formel : Deus auxilians, cf. ibid., q. xvii, a. 1, 2, 4, 5. Dieu seul en effet peut nous faire parvenir à la béatitude surnaturelle et nous la donner : la subordination des agents correspond à celle des fins, et seul l’agent suprême peut conduire à la fin suprême. Les thomistes remarquent, comme pour la foi, que le motif formel d’une vertu théologale ne peut être quelque chose de créé, si noble que ce soit ; il ne peut être que Dieu même, ici Dieu toujours secourable, dont le secours cependant nous est transmis par la sainte humanité du Sauveur et par Marie médiatrice. Ibid., a. 4.

L’espérance infuse, qui nous préserve de la présomption et du désespoir, dépasse donc immensément le désir naturel d’être heureux et le désir naturel conditionnel et inefficace de voir Dieu, s’il voulait nous élever à la béatitude surnaturelle ; l’espérance infuse dépasse enfin sans mesure une confiance naturelle en Dieu, qui peut naître de la connaissance naturelle de la bonté divine. L’espérance infuse suppose nécessai-