Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/504

Cette page n’a pas encore été corrigée
993
994
THOMISME. LES VERTUS THÉOLOGALES


lés ; cf. ibid., q. ii, a. 2, ad 3um : Per isla tria (credere Deo revelanti, credere Deum revelatum, credere in Deum) non designantur diversi actus fidei, sed unus et idem actus habens diversam relationem ad fidei objectum. Par un seul et même acle simple et surnaturel le fidèle croit à Dieu révélant et Dieu révélé, comme par un même acte de vision l’œil voit la lumière et par elle les couleurs.

D’où il résulte que, malgré l’obscurité du motif (non vu, mais cru) et des mystères révélés, la foi infuse a une certitude essentiellement surnaturelle, supérieure à toute certitude naturelle, si évident que soit l’objet de celle-ci ; cf. ibid., q. iv, a. 8 : Fides est certior quam sapientia, scientia et intellectus, quia fides innititur veritati divinse ; tria autem prædicta innituntur rationi humanse. La foi se fonde immédiatement non pas sur un motif créé, mais sur l’autorité de Dieu révélateur. A ce motif la foi infuse sous la grâce actuelle nous fait infailliblement adhérer dans un ordre très supérieur au raisonnement apologétique prérequis, qui aboutit seulement au jugement de crédibilité : ces mystères proposés par l’Église, garantis par des signes divins manifestes, sont évidemment croyables. Déjà la grâce actuelle du pius credulitalis aflectus est requise pour le jugement de crédentité : ces mystères doivent être crus par moi hic et nunc.

Cette doctrine de la surnaturalité essentielle de la foi à raison de son objet formel, inaccessible à toute intelligence créée laissée à ses forces naturelles, et de la certitude de foi supérieure à toute certitude naturelle, n’a pas été suivie par Scot, ni par les nominalistes et leurs successeurs.

Pour Scot ; la distinction de la nature et de la grâce n’est pas nécessaire, mais contingente, elle dépend du libre arbitre de Dieu, qui aurait pu nous accorder la lumière de gloire comme une propriété de noire nature. In I" m Sent., dist. III, q. tu, n. 24, 25. Selon lui un acte naturel et un acte surnaturel peuvent avoir le même objet formel. In III am Sent., dist. XXXI, n. ! Aussi s foi infuse n’est pas nécessaire à cause de la surnaturalité’de son objet, car l’objet formel de la foi théologale ne dépasse pas la foi acquise. In III am Sent., dist. XXIII, q. i, n. 8. Enfin la certitude de la foi Infuse se fonde sur la foi acquise à la véracité de l’Églis ;. fondée elle-même sur les miracles et autres signes de la révélation ; autrement, dit Scot, on procéderait à l’infini, (l’est la même doctrine qui se trouve chez les Dominalistes ; cf. Biel, In /// um Sent., dist. XXIII, q. n. De là elle est passée chez Molina, Conordia, q xiv, a. 13, disp. XXXVIII, Paris, éd. 1876, p. 213 sq., pour qui l’objet formel de 1 ? foi infuse est accessible à la foi acquise ; chez Hipalda, De ente supernaturali, I. III, dist. XUV, n. 2 ; dist. XLV, n. 37, et avec une légère modification chez de Lugo, De fide, disp. IX. sert, i, n. 3, 2 ; disp. I, sert, i, n. 77, 100, 104, et chez Pranzelin, De. divina Tradilione, p. G02, 616. Cf. Vacant, Éludes sur le concile du Vatican, t. ii, D. ~'> sq., qui a assez bien noté ce en quoi ces théories diffèrent de l’explication donnée par les disciples de saint Thomas.

Les I bomisl es ont toujours répondu : le motif formel foi infuse < si la véracité de Dieu auteur de la e, et non seulement auteur de la nature ; ce motif « si donc inaccessible à l’intelligence naturelle de l’homme ou même de l’ange ; pu m l’atteindre il faut la vertu infuse de foi ; si la toi acquise, telle qu’elle est dans le démon, suffisait, alors la foi infuse ne sérail pas absolument nécessaire, mais seulement ad facilita trtdendum comme le disaient les pélagiens. Le II*con* il d’Or an ; i défini contre les temlpélaglena que la grâce est nécess lire même pour Vinitium fidei, pou le plu » cndulttalit affecta*.

S’appuyant sur le principe de la spécification des

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

habitus par leur objet formel, les thomistes depuis Capréolus jusqu’à nos jours n’ont pas cessé de défendre la surnaturalité essentielle de la foi infuse à raison de son objet formel, et sa certitude supérieure à toute certitude naturelle. En cela Suarez, De gratia, t. II, c. xi ; De fide, part. I, disp. III, sect. vi, viii, xii. est d’accord avec eux, sauf sur un point : il met des actes distincts là où saint Thomas et ses disciples n’en mettent qu’un : credere Deo revelanti et Deum revelatum.

Les thomistes s’accordent à reconnaître que l’acte de toi infuse se fonde, ultimo resolvitur, sur l’autorité de Dieu révélateur, qui est id quo et quod creditur, seu concreditur mijsteriis, comme la lumière est id quo et quod videtur simul cum coloribus. Pour eux. le motif formel de la foi, l’autorité de Dieu révélateur, ne meut ou n’influe qu’en tant qu’il est connu, et il n’influe infailliblement qu’en tant qu’il est connu infailliblement par la foi infuse elle-même, qui adhère à lui, et qui n’atteint rien que par lui. Si ce motif formel de la foi infuse n’était connu que de façon naturelle et faillible, il ne pourrait fonder une certitude essentiellement surnaturelle et supérieure à toute certitude naturelle.

Cet enseignement se trouve très explicitement chez les thomistes suivants : chez Capréolus, In III am Sent., dist. XXIV, q. i, a. 3 : unico actu assentio quod Deus est trinus et unus et quod Deus hoc revelavit ; sicut idem actus est, quo credo Deo et credo Deum ; chez Cajétan, In II* m -II a, q. i, a. 1, n. Il : Divina revelatio est quo et quod creditur ; ita quod, sicut unitas est una scipsa et

bi est status, ita divina revelatio, qua cetera creduntur,

est crédita seipsa et non per aliam revelalionem. Unus enim et idem actus fidei crédit Deum et Deo, ut inferius q. ii, a. 2, patel… In hac adheesione ad primam veritatem ut revelalricem stat resolulio ultima creditorum ; et non ad fidem acquisitam, qua credo Joanni Evangelistse aut Paulo Apostolo, aut communitati Ecclesiœ… Facit ergo habitus fidei infusas hominem inhserere Deo ut testificanli tanquam in ratione omnium credendorum : juxta illud I Joa., r, 10 : Qui crédit in Filium Dei, habet testimonium Dei in se. Même doctrine dans Silvestre de Ferrare, In Summam Cont. Cent., t. I, c. vi ; t. III, c. xl, § 3 ; dans Jean de Saint-Thomas, De gratia, disp. XX, a. 1, n. 7, 9 ; De fide, q. i, disp. I, a. 2, n. 1, 4 : Testimonium divinum est ratio formalis credendi res testificatas et ipsummet testimonium ; cf. ibid., n. 7 : fides divina non potest sumere firmitatem ex aliqua cognitione lurninis naturalis, cum cerliludo ejus sit generis longe superioris scilicel supernaturalis ; dans Gonet, De gratia, disp. I, a. 2, § 1, n. 78, 79, 83 ; De fide, disp. I, a. 2, n. 55 ; dans les Salnianlicenscs, De gratia, disp. III, dub. iii, n. 28, 37, 40, 45, 48, 49, 52, 58, 60, 61 ; De fide, disp. I, dub. v, n. 163, 193 ; dans Billuart, De gratia. diss. III, a. 2, § 2 ; De fide, diss. I, a. 1, obj. 3, inst. 1. Voir aussi Gardeil, La crédibilité et l’apologétique, 2° éd., Paris, 1912, p. 61…, 92, 96, et ici l’article Crédibilité, t. iii, col. 2202-2310 ; Schecben, Dogmatik, t. i, § 40, n. 681, 689… ; § 44, n. 779-805. Nous avons longuement étudié ailleurs ce point de doctrine en rapportant ces témoignages, cf. De revelatione, Rome, 3 « éd., 1935, t. I, p. 458-511.

On voit que tous ces thomistes s’appuient sur le principe si souvent cité p ; ir saint Thomas : les habitus et les actes sont Bpéciflés par leur objet formel, et sont donc du même ordre que lui. Cet enseignement paraît être la plus haute expression de la doctrine traditionnelle sur la surnaturalité essentielle de la foi et sa certitude supérieure à toute certitude naturi lie. On peut s’en rendre compte si l’on examine de pies l.i preuve suivante dont la majeure et la mineure sont admises par tous les théologiens.

Nous croyons infailliblement ce qui est révélé par Dieu, à cause de l’autorité de la révélation divine el

T. — XV. — 32.