Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/502

Cette page n’a pas encore été corrigée
989
990
THOMISME. LE MERITE


suppose pas la grâce habituelle, mais seulement une certaine disposition à la recevoir ou encore Ja prière telle qu’elle peut se trouver chez le pécheur ; aussi ne peut-il se fonder sur les droits de l’amitié, mais seulement sur la libéralité ou la miséricorde de Dieu. A. 3. De cette façon, par les bonnes œuvres accomplies en dehors de l’état de grâce, l’homme peut mériter au sens large la grâce de la conversion.

2. Principe et conditions du mérite.

On voit par là que le principe du mérite proprement dit (soit de condignité, soit de convenance) est l’état de grâce et la charité. Mais, si l’on veut énumérer toutes les conditions du mérite selon les quatre premiers articles de la q. cxtv de saint Thomas, elles se réduisent, d’après les thomistes à six pour le mérite de condigno. L’acte méritoire doit être 1. libre, 2. bon, 3. accompli par respect pour celui qui récompense, 4. pendant la vie présente, 5. il doit procéder de la grâce habituelle et de la charité, 6. avoir été ordonné par Dieu à une récompense promise.

Sans cette dernière condition, nos bonnes œuvres ne nous donneraient pas droit à une récompense, car elles sont déjà dues à Dieu à plusieurs autres titres, parce qu’il est créateur, maître et fin ultime. C’est ainsi que les bonnes œuvres des âmes du purgatoire et celles des bienheureux ne sont plus méritoires, car Dieu ne les a pas ordonnées à une récompense. Aux yeux des thomistes, Scot et les nominalistes ont mal entendu cette dernière condition en disant que l’acte de charité du vialeur n’est pas intrinsèquement méritoire de condigno de la vie éternelle, mais seulement extrinsèquement par l’ordination et l’acceptation de Dieu. La doctrine exacte de saint Thomas est que, en dehors de la dignité intrinsèque que cet acte tient de la grâce et de la charité, il faut la promesse divine d’une récompense pour qu’il y ait proprement un droit à celle-ci, pour que Dieu se doive à lui-même de nous récompenser.

D’après ces notions et ces principes, on saisit le sens tt la portée des conclusions contenues dans les quatre premiers articles de la q. exiv de saint Thomas. L’homme sans la grâce habituelle ne peut mériter la vie éternelle, car le mérite doit avoir une proportion avec la récompense ; or, aucune nature créée n’a de proportion avec la vie surnaturelle de l’éternité. — Le juste par la grâce et la charité peut vraiment et proprement mériter de condigno la vie éternelle, selon la parole du Sauveur : « Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans le riel. » iMallh., v, 12. La raison en est que les œuvres qui pr « ( èdent de la grâce et de la charité sont ordonnées par Dieu à la vie éternelle et lui sont intrinsèquement proportionnées en justice. A. t et 3. Mais, si le juste pèche ensuite mortellement et persévère dans le péché jusqu’à la mort, il perd pour toujours ses mérites, d’où la nécessité de la grâce de la persévérance finale pour conserver ses mérites ou les recouvrer et obtenir de fait la vie éternelle.

C’est surtout par la charité que la grâce habituelle est principe du mérite ; de nombreux textes scriptur ; nres le disent, et la raison en est que l’acte est méritoire, de par l’ordination divine, selon qu’il tend à la fin dernière surnaturelle ; or, cette tendance vient de la charité, qui fait aimer Dieu pour lui-même et par dessus tout. A. 4. Il faut, selon les thomistes, un influx, au moins virtuel de la charité. D’où il suit que le mérite ( si plus grand selon que la charité est plus él< véi et influe davantage. Un acte facile provenant d’une grande charité est donc plus méritoire qu’un acte <iifflcile provenant d’une charité moindre. Ainsi M. me, de Dieu, a plus mérité, même par des actes laciles. que les martyrs dans leurs tourment*, cal ellfl avait une’huilé bien supérieure À la leur.

3. Qu’est ce qui tombe sous le mérite du juste ? —

Saint Thomas examine ce sujet dans les six derniers articles de la q. exiv. Le principe qui les domine est le suivant : le juste peut mériter ce à quoi son mérite a été ordonné par Dieu, mais le principe du mérite ne peut être lui-même mérité.

Le juste peut donc mériter de condigno, et c’est de foi, la vie éternelle, l’augmentation de la grâce et de la charité et le degré de gloire correspondant, car les actes méritoires sont ordonnés par Dieu à la vie éternelle et au progrès spirituel qui y conduit. A. 8. Le juste peut aussi mériter pour un autre, non pas de condigno, mais de congruo proprie la grâce de la conversion et celle de l’avancement, comme sainte Monique pour Augustin et Marie médiatrice pour tous les hommes. A. 6. Le juste peut mériter enfin les biens temporels dans la mesure où ils sont utiles au salut. A. 10.

Mais, comme le principe du mérite ne peut pas être mérité, l’homme ne peut mériter ni de condigno, ni de congruo proprie, pour lui-même la première grâce soit actuelle, soit habituelle. C’est une vérité de foi, qui se trouve ainsi théologiquement expliquée. Les bonnes œuvres naturelles n’ont pas en effet de proportion avec la grâce et celle-ci, étant le principe du mérite, ne peut être méritée. A. 5. Le juste étant encore en état de grâce ne peut mériter d’avance ni de condigno, ni de congruo proprie, d’obtenir plus tard, s’il vient à tomber dans le péché mortel, la grâce de la contrition. A. 7. Ce point de doctrine n’a pas été admis par tous les théologiens. Saint Thomas pense l’établir en notant que les mérites du juste sont perdus par le péché mortel ; dès lors la restauration du principe du mérite ne peut être méritée d’avance. De plus, si le juste méritait pour plus tard, en cas de chute, la grâce de la contrition, il l’obtiendrait infailliblement et ainsi tous les justes persévéreraient jusqu’à la mort, ils seraient donc tous prédestinés. Cette grâce de la contrition, l’homme peut l’obtenir autrement, par la prière qui s’adresse à la miséricorde divine.

Knfin le juste ne peut mériter ni de condigno, ni de congruo proprie la grâce de la persévérance finale ou de la bonne mort. Ce point de doctrine, particulièrement depuis le concile de Trente, sess. vi, c. xiii, est de l’aveu de tous les théologiens au moins théologiquement certain, s’il s’agit du mérite de condigno. Il s’appuie sur plusieurs textes de l’Écriture cités par saint Augustin dans son traité De dono persevemntise (c. ii, vi, xvii) et dont quelques-uns sont rappelés par le concile de Trente en particulier celui-ci : Quod quidem donum aliunde haberi non potest, nisi ab en qui poterts est eum qui stal stalucre ut perscoeranter stet, et eum qui cadit restituere. Cf. Rom., xiv, 4. Saint Thomas, q, cxtv, a. 9, explique cette vérité certaine et communément reçue, par l’axiome : « le principe du mérite ne | être mérité », il serait l’effet de lui-même ; or, le don de la persévérance finale ou de la bonne mort n’est antre que l’état de grâce, principe du mérite, conservé par Dieu à l’instant même de la mort. Ce don ne peut dès Ion l’ire mérité. Cela est surtout vrai du mérite de condigno, mais aussi de celui de congruo proprte, cal le principe de a dernii r est aussi la grâce habituelle et la charité. Dieu du re.sie n’a pas promis la grâce de la bonne mort au juste qui aurait fait des actes méritoires pendant un temps plus ou inoins long) après lequel il aurait droit à celle grâce. Enfin, si ce don de la |"

vérance anale ou de la préservation du péché pouvait être mérité de condigno par le juste, il serait Infailliblement obtenu par tetlS les justes et Ions serait n destines, ce qui n’est pas. Pour la nie nie i ai un, le juste ne peut pas mériter de condigno, ni de congruo proprie

le secours efficace qui le conserverait dans l’état de grâce et le préserverait du péché mortel ; si du reste il

mcritail ie si. oui s i Ile., < e, il 1 obi iendiail infaillible-