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THOMISME. LES ACTES HUMAINS

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prème, la délectation qui en résulte et aussi la glorification du corps et la société des saints. Q. iv, a. 1-8.

Nous avons trailé plus haut à propos de la vision béatiflque, I », q.xii, a. 1, du désir naturel (conditionnel et inefficace) de voir Dieu immédiatement. Ci-dessus, col. 860 sq.

XII. Les actes humains. I a -II », q. vi-xxi ; cf. ici A. Gardeil, art. Actes humains, t. i, col. 510-515 ; dom Lottin, O. S. B., Les éléments de ta moralité des actes chez saint Thomas, dans Revue néo-scolast., 1922-1923. — 1° Psychologie des actes humains. — Les actes humains sont avant tout des actes de la volonté dirigée par l’intelligence. Saint Thomas les étudie d’abord au point de vue psychologique, q. viiixvii ; il distingue les actes élicités ou immédiatement produits par la volonté elle-même, et les actes des autres facultés en tant qu’ils sont impérés par la volonté.

Les actes élicités par la volonté regardent soit la fin, soit les moyens. Portent sur la fin : 1. le simple vouloir primum velle, qui de soi n’est pas encore efficace, q. viii, a. 2 ; 2. l’intention efficace de la fin, q. xii ; et 3. la jouissance (fruitio) de la fin obtenue, q. xi. — Portent sur les moyens : 1. le consentement (consensus), qui accepte les moyens, q. xv ; 2. l’élection ou le choix (electio) d’un moyen déterminé, q. xiii.

Chacun de ces actes de volonté, relatifs soit à la fin, soit aux moyens, est précédé par un acte d’intelligence qui le dirige, le simple vouloir par la connaissance du bien, q. ix, a. 1 ; l’intention par le jugement sur l’obtention de ce bien, q. xix, a. 3 ; le consentement aux moyens par le conseil, q. xiv ; l’élection par le dernier jugement pratique, qui termine la délibération. Q. xiii, a. 3 ; q. xiv, a. 6.

Enfin, après l’élection volontaire vient V imperium, le commandement, acte d’intelligence qui dirige l’exécution des moyens choisis, en s’élevant des moyens infimes jusqu’aux plus élevés, plus proches de la fin à obtenir, et donc d’une façon ascendante, car l’ordre d’exécution est inverse de celui d’intention qui descend de la fin désirée aux derniers moyens à employer pour la conquérir. Q. xvii.

L’imperium de l’intelligence est suivi de Vusus activus de la volonté, qui applique à l’acte les diverses facultés ; ici se trouvent à proprement parler les actes impérés qui appartiennent à ces différentes facultés appliquées à leur opération, usus passivus ; finalement la volonté se repose dans la possession de la fin obtenue, fruitio. La fin, qui est première dans l’ordre d’intention, est ainsi dernière dans l’ordre d’exécution. Cf. q. xvi, a. 1.

Ensuite saint Thomas considère les actes humains du point de vue moral, comme actes bons ou mauvais, ou indifférents, ex objecto. Cette moralité est étudiée d’abord en général, q. xviii, puis dans l’acte intérieur, q. xix, et l’acte extérieur, q. xx, enfin dans ses conséquences. Q. xxi. Ainsi sont étudiées la nature et les conditions de la moralité.

Saint Thomas considère de très près la spécification des actes humains par la fin et par l’objet. Rappelons que, selon lui, c’est l’objet qui donne aux actes leur spécification morale essentielle, leur bonté ou leur malice ; mais cette bonté ou cette malice dépend aussi de la fin et des circonstances. Q. xviii, a. 2, 3, 4. Ainsi le même acte peut avoir une double bonté ou une double malice à raison de l’objet et à raison de la fin ; et un acte qui serait bon par son objet, peut devenir mauvais par sa fin, ainsi l’aumône faite par vaine gloire. Il résulte de là que, bien qu’il y ait des actes indifférents à raison de leur objet, comme le fait d’aller se promener, aucun acte délibéré concrètement pris, n’est indifférent du côté de la fin, car il doit toujours être posé pour une fin honnête, faute de quoi il est moralement mauvais. Q. xviii, a. 8, 9. Mais il suffit

d’une intention virtuelle bonne, non rétractée. Dès lors, dans le juste, tous les actes humains qui ne sont pas des péchés, sont surnaturellement méritoires de la vie éternelle, à raison de leur relation à Dieu fin dernière.

Saint Thomas, q. xx, appelle souvent acte intérieur celui auquel la volonté ne saurait se mouvoir en vertu d’un acte précédent, par exemple le premier vouloir de la fin. Par opposition il appelle souvent acte extérieur non seulement celui de nos membres corporels, mais aussi celui auquel la volonté se meut en vertu d’un acte précédent, par exemple lorsque, par le vouloir de la fin, elle se porte à vouloir les moyens. Il faut remarquer à ce sujet qu’un acte humain ou volontaire n’est pas toujours à proprement parler délibéré, c’est-à-dire précédé par une délibération discursive ; il peut être le fruit d’une inspiration spéciale du Saint-Esprit, qui est supérieure à la délibération humaine. Même dans ce dernier cas, il y a un acte vital, libre et méritoire, car la volonté humaine consent à suivre l’inspiration reçue ; c’est ainsi que les actes du don de conseil ne se font pas par délibération discursive comme ceux de la prudence, et les sept dons sont accordés au juste pour qu’il suive promptement et docilement les inspirations de l’Espril-saint ; il y a là des actes libres bien qu’ils ne soient pas à proprement parler délibérés, et nous verrons plus loin qu’ils sont le fruit, non pas d’une grâce coopérante, mais d’une grâce opérante. Cf. I » -II", q. exi, a. 2.

La question du probabilisme.

Cette question

qui, au sujet de la formation de la conscience, a été beaucoup discutée depuis le xvie siècle, dépend de la définition de l’opinion et de la probabilité.

Pour saint Thomas : opinio significat actum intelleclus, qui fertur in unam parlem contradictionis cum formidinc alterius. I a, q. lxxix, a. 9, ad 4um ; II » -II", q. i, a. 4 ; q. ii, a. 1. L’opinion est un acte de l’intelligence qui se porte vers une des deux parties de la contradiction, avec crainte d’erreur. Dans l’opinion raisonnable, l’inclination à adhérer doit évidemment l’emporter sur la crainte d’erreur. Il suit de là que, lorsque le oui est certainement plus probable, le non n’est pas probablement vrai, mais plutôt probablement faux, et il n’est pas raisonnable ni licite d’agir ainsi, tant que le oui nous apparaît plus probable. En d’autres termes, en face de l’opinion probable, à laquelle les hommes sages donneraient leur approbation, il n’y a qu’une opinion improbable que l’on ne saurait suivre. Et cette position s’harmonise bien avec ce que dit saint Thomas de la certitude prudentielle qui est per conformilalem ad appr.litum rectum, par conformité avec l’intention droite. Ia-IIæ, q. lvii, a. 5, ad 3um. Là où ne nous pouvons trouver ce qui est évidemment vrai, nous devons suivre ce qui paraît le plus proche de la vérité évidente et le plus conforme à l’intention vertueuse ; le vertueux doit juger selon son penchant à la vertu, et non pas selon l’inclination de l’égoïsme.

En 1577, le dominicain espagnol Barthélémy de Médina dans son commentaire sur la I » -II", q. xix, a. 6, proposa une théorie bien différente : « Il me semble, dit-il, que, si une opinion est probable.il est permis de la suivre, lors même que l’opinion opposée serait plus probable. » Mais pour fermer la porte au laxisme, Médina ajoutait : « Une opinion n’est pas dite probable par cela que l’on apporte en sa faveur des raisons apparentes et qu’il y a des gens qui la soutiennent ; à ce compte, toutes les erreurs seraient des opinions probables. Une opinion est probable, qui est soutenue par des hommes sages et confirmée par d’excellents arguments qu’il n’est pas improbable de suivre. »

La position de Médina n’en restait pas moins très criticable, car le sens moral du mot « probable » n’y est plus conforme à son sens philosophique que nous