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    1. THOMISME##


THOMISME. LES SACHEMENTS

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rtiss. IV, a. 7, et récemment P. J. Périnelle, O. P., I.’atlrilion d’après le concile de Trente et d’après saint Thomas d’Ar/uin, 1927, Bibliothèque thomiste, t. x, sert, théol. i.

On se demande surtout si, pour recevoir avec fruit l’absolution, il suffit d’avoir l’attrition pure formidolosa, simplement inspirée par la crainte des châtiments de Dieu, ou s’il taut en outre un certain amour de Dieu et lequel.

Les thomistes montrent contre les laxistes que certainement l’attrition qui serait seulement un acte naturel elhice bonus, un regret honnête, mais non surnaturel de nos fautes, ne suffit pas, même unie à l’absolution sacramentelle, car cet acte étant d’ordre naturel n’est pas encore un acte salutaire, ni une disposition à la justification qui est essentiellement surnaturelle.

D’autre part il est clair que l’attrition n’est pas un acte à la fois salutaire et méritoire, car le mérite supposant l’état de grâce, l’attrition ne se distinguerait plus de la contrition. Il est certain aussi qu’elle n’inclut pas un acte minime de charité, si faible soit-il, parce qu’alors clic justifierait même avant de recevoir l’absolution.

La difficulté est donc de trouver un milieu entre la charité et la cupidité, pour employer les termes de saint Augustin. Cela paraît impossible, car il n’y a pas de milieu entre l’état de grâce, inséparable de la charité, et l’état de péché mortel, où la cupidité, l’amour déréglé de soi-même, l’emporte sur l’amour de Dieu. Comment peut-il y avoir, dans une personne qui est encore en état de péché mortel, un acte qui ne soit pas seulement naturellement bon et honnête, elhice bonus, mais salutaire, quoique non méritoire ?

Tous les théologiens reconnaissent, et l’Église l’a défini, qu’il peut y avoir dans l’état de péché mortel, des actes informes de foi et d’espérance, qui sont des actes essentiellement surnaturels et salutaires quoique non méritoires. De ce point de vue, il est certain que l’attrition peut être dès lors surnaturelle et salutaire sans être méritoire, et qu’elle suppose l’acte de foi, qui implique le pius credulitatis afjcctus ou appetitus boni credentibus repromissi, et l’acte d’espérance surnaturelle de la récompense promise par Dieu. Le concile de Trente le dit même explicitement en énumérant dans la préparation a la justification de l’adulte par le baptême, les actes de foi, de crainte des justes châtiments de Dieu, et d’espérance, avant le regret et la détestât ion des péchés commis, Denz.-Bannw, , n. 798 ; de même là où il est expressément question de la contrition et de l’attrition. Ibid., n. 898.

Faut-il aller plus loin et admettre que l’attrition, qui dispose à la justification sacramentelle, implique un amour initial de bienveillance de Dieu, qui n’est cependant pas un acte de charité si minime soit-il ? Les thomistes que nous avons cités plus haut répondent affirmativement. Les carmes de Salamanque, loc. cit., n. 50 : allrilio quæ est disposilio in sacramento pœnilenliee, importât necessario aliquem amorem erga Deum ut justitise jonlem. De même, Billuart, De pœnit., diss. IV, a. 7, § 3. C’est la même doctrine qu’a récemment détendue le P. J. Périnelle, op. cit., par une étude attentive et bien conduite des Actes du concile de Trente et des documents annexes.

Cette doctrine s’appuie sur le concile de Trente, sess. vi, c. vi, Denz.-Bannw., n. 798, qui, parlant des dispositions requises chez l’adulte pour recevoir le baptême, énumère les actes de foi, de crainte de la justice divine, d’espérance, et ajoute : Deum lanquam omnis justitise fontem diligere incipiunt ac propterea moventur adversus peccata per odium aliquod et dcteslalionem… denique proponunt suscipere baptismum. Il est vrai que le concile, sess. xiv, c. iv, Denz. Bannw., n. 898, en traitant de la contrition et de l’attrition, ne mentionne, plus cet acte d’amour de Dieu, source de toute justice ; probablement que dans ce dernier endroit, le concile ne veut pas résoudre la question discutée entre théologiens catholiques, mais il ne modifie en rien ce qu’il avait affirmé, sess. vi, c. vi. C’est ce que fait observer le P. J. Périnelle, op. cit., dans son examen des textes.

De plus les thomistes que nous avons cités ajoutent cet argument théologique : l’attrition selon le concile de Trente, sess. xiv, c. iv, contient la délestation du péché commis avec le propos de ne plus pécher. Or, cette détestation du péché, c’est-à-dire de l’offense ou injure faite à Dieu, ne peut exister sans un amour initial de bienveillance de Dieu comme source de toute justice, car l’amour est le premier des actes de la volonté et il précède la haine ou détestation, qui ne s’explique que par lui. On ne peut détester l’injustice que parce qu’on aime la justice, et on ne peut détester l’injure faite à Dieu que parce qu’on aime déjà la source de toute justice qui est Dieu. Cet argument théologique paraît très solide ; on ne déteste le mensonge que parce qu’on aime déjà la vérité, on ne déteste le mal du péché, que parce qu’on aime déjà le bien qui s’oppose à lui.

Telle paraît bien être la pensée de saint Thomas qui enseigne, III », q. lxxxv, a. 2 et 3 : q. lxxxvi, a. 3, que la pénitence déteste le péché en tant qu’il est contra Deum super omnia dileclum (ou diligendum) et ejus ofjensa. Or, pour la justification, avec le sacrement ou sans le sacrement, il faut une vraie pénitence. Il paraît donc que pour saint Thomas, l’attrition implique un amour initial de bienveillance de Dieu source de toute justice.

On a cependant objecté : cet amour initial de bienveillance serait déjà un acte imparfait de charité, et donc il justifierait dès avant que soit reçue l’absolution sacramentelle. À cela les thomistes cités répondent : cet amour initial de bienveillance n’est pas un acte de charité, car celle-ci implique non seulement la bienveillance mutuelle de Dieu et de l’homme, mais de plus le convictus, le conuivere, qui n’existe que par la grâce habituelle, racine de la charité infuse. Et de fait, comme l’a montré saint Thomas, II"-II æ, q. xxiii, a. 1, la charité est une amitié, qui suppose non seulement une mutuelle bienveillance mais une communion de vie, un convictus au moins habituel. Il peut y avoir entre deux hommes qui habitent des régions très éloignées l’une de l’autre et qui ne se connaissent que par ouï-dire, une bienveillance réciproque, mais il n’y a pas encore amitié entre eux. Et le convictus n’existe entre Dieu et l’homme que si l’homme reçoit cette participation de la vie divine qui est la grâce habituelle, racine de la charité et semen glorise. Il n’en est pas encore ainsi lorsqu’il y a seulement l’attrition, qui se distingue en cela de la contrition.

On revient ainsi, par l’étude approfondie des textes de saint Thomas, à ce qu’enseignait avant le concile Cajétan dans son opuscule De contritione, q. i, cité plus haut : prima conlrilio (nondum carilale informata) est acquisita displicentia peccati supra omne odibile, cum proposito vilandi peccatum supra omne vitabile, ex amore Dei supra omne amabile. Cet amour initial de bienveillance s’identifie avec ce que le concile de Trente, sess. vi, c. vi, exprime ainsi : Deum tanquam omnis justitise fontem diligere incipiunt ac proplerea moventur adversus peccata per odium aliquod et detestationem. On ne peut détester l’injustice que parce qu’on aime la justice, on ne peut détester l’injure ou l’offense faite à Dieu par le péché, que parce que déjà on aime Dieu, comme source de toute justice. C’est lui-même qui nous porte ainsi à l’attrition par la grâce actuelle avant de nous justifier par l’absolution sacra-