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THOMISME. PASSION DU CHRIST


manticenses, De incarn., disp. XVII, dub. iv, n. 47. L’explication la plus vraie est celle que donne saint Thomas ; elle a ses obscurités, mais aussi une grande lumière : « Si l’on considère, dit-il, les différentes facultés de l’âme du Sauveur…, il faut affirmer qu’en lui, tant qu’il était encore viator et comprehensor, il n’y avait pas le rejaillissement de la gloire et de la joie de la partie supérieure de l’âme sur la partie moins élevée. A. 8, corp. et ad l um. C’était seulement la cime de l’intelligence et de la volonté humaines du Christ, qui était béatifiée. Jésus voulait très librement abandonner à la douleur les régions moins élevées de ses facultés supérieures et sa sensibilité ; cf. S. Thomas, Compendium theologise, c. 232. Il ne voulait pas que la vision béatifique et la joie qui en résultait au sommet de l’âme adoucissent en quoi que ce soit, par leur rayonnement, la douleur physique et morale qu’il devait porter pour notre salut, et il se livrait pleinement à cette douleur. L’humanité du Christ souffrant a été comparée à une grande montagne dont le sommet est ensoleillé et dont le milieu et la base sont battus par un violent orage. De cette coexistence de la joie supérieure et d’une telle souffrance on a une analogie lointaine dans ce fait que le pénitent qui est profondément contrit se réjouit d’être affligé de ses fautes, et cela d’autant plus qu’il en est plus affligé.

2. Comment la passion est-elle cause de notre salut ? Q. xlviii. — Saint Thomas répond : elle l’est par manière de mérite, de satisfaction, de sacrifice, de rédemption et d’efficience. Après une lecture superficielle de cette question xlviii, on a parfois voulu ne voir dans cette énumération qu’une juxtaposition de notions indiquées par l’Écriture. Ces notions sont au contraire parfaitement ordonnées ; saint Thomas commence par la plus générale pour arriver à la plus déterminée et c.ompréhensive qui suppose les précédentes. I".n effet tous les actes de charité sont méritoires sans être tous satisfactoires ; de même un acîe satisfactoire peu’, ne pas être un sacrifice proprement dit que seul le prêtre peut offrir ; et un sacrifice proprement dit, comme ceux de l’Ancienne Loi, peut ne pas être rédempteur par lui-même, mais seulement comme figure d’un autre sacrifice plus parfait : enfin un sacrifice rédempteur peut être seulement cause morale de notre salut, en nous obtenant la grâce, ou encore cause efficiente physique, s’il nous la transmet. C’est cette proion qui se remarque dans les articles de celle qii’stion.

La passion du Christ nous a mérité le salut, pi epic h Sauveur était constitué tête de l’humanité ; il srvait en effet reçu la plénitude de grâce, pour qu’elle débordât sur nous : et à raison de la personne du Verbe, ses mérites avaient une valeur infinie. A. 1.

tte même passion fut une satisfaction [larfaile, parce que, en la supportant par amour et par un amoiir t héandrique, le Sauveur offrait à son l’ère un acte qui lui plaisait plus que tous les péchés réunis ne lui déplaisent. Il offrait aussi une vie, qui, étant celle de l’I lotnme 1)ieu, avait un prix infini. C’est la double valeur personnelle et objective de cette satisfaction adéquate. A. 2.

La passion du Sauveui a causé notre salut comme sacrifier, (ai elle fut l’oblation sensible de sa vie, de son corps et de son sang, faite par lui comme prêtre ftactréos ri hottia) d. la Nouvelle Alliance. A. 8.

l’ai suite la pa urion a causé notre salut par manière le rédemption, car étanl une satist < tioo adéquat) al surabondante pour t pé< le < i la pi ln< qui lui t due. i II’fut le prix par lequel nous avens été délivres du péché et de la peine, empli enim cutis prrtio magot, I Cor., vi. 20. A. 1.

I nfin la passion du Christ est canal de nolie salut non pas seulement de façon morale par l’obtention de

la grâce, mais efficiemment, en tant que l’humanité de Jésus, qui a souffert, reste l’instrument de la divinité pour la communication de toutes les grâces que nous recevons. A. 5.

Saint Thomas résume lui-même toute cette doctrine en disant, q. xlviii, a. 6, ad 3um : « La passion du Christ, comparée à sa divinité, agit par mode d’efficience (comme cause instrumentale) ; comparée à la volonté humaine du Christ, elle agit par mode de mérite ; considérée dans sa chair, elle agit par mode de satisfaction, en tant qu’elle nous libère de la peine ; par mode de rédemption, en tant qu’elle délivre de la faute ; enfin par mode de sacrifice, en tant qu’elle nous réconcilie avec Dieu. » Certainement saint Thomas voit l’essence de la satisfaction plus dans l’amour théandrique du Sauveur que dans ses grandes souffrances, puisque ces souffrances tirent leur valeur de cet amour qui plaît plus à Dieu que toutes les offenses réunies ne lui déplaisent. Q. xlviii, a. 2. Par là la satisfaction fut surabondante et les thomistes maintiennent, contre Scot, qu’elle a cette valeur par elle-même ex se, et non pas seulement ex acceptatione divina ; ils ajoutent que, puisqu’elle est de soi surabondante, elle a une valeur rigoureuse en stricte justice.

Jésus est le seul Rédempteur (q. xlviii, a. 5), et le Rédempteur universel, de qui tous reçoivent la sainteté, même la vierge Marie. Q. xxvii, a. 2, ad 2um.

Les effets de la passion sont donc la délivrance du péché, de la domination du démon, de la peine due au péché et la réconciliation avec Dieu qui nous ouvre les portes du ciel. Ainsi s’ordonnent et s’éclairent mutuellement les différentes vérités exprimées dans l’Écriture et la Tradition sur la passion du Sauveur. Saint Thomas ne déduit pas ici précisément des conclusions théologiques, si ce n’est parfois des conclusions qui procèdent de deux prémisses de foi ; il montre ainsi la subordination qui se trouve dans les différentes vérités qui constituent la doclrina fidei, supérieure à la théologie, et dont celle-ci est l’explication.

3. Pourquoi Jésus a-t-il tant souffert, alors que la moindre de ses souffrances offerte par amour suffisait surabondamment à notre salut ? — Saint Thomas a examiné ce problème, q. xlvi, a. 3, 4 ; q. xlvii, a. 2, 3.

Les principaux motifs des grandes souffrances du Sauveur peuvent se considérer à un triple point de vue de notre côté, du sien et du côté de Dieu le Père.

a) Nous avions besoin pour cire éclairés de recevoir le plus grand témoignage d’amour, accompagné de l’exemple des plus hautes et des plus héroïques vertus, or « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », Joa., xv, 13.

b) Le Christ lui-même devait accomplir sa mission rédemptrice de la façon la plus haute ; comme prêtre il M pouvait offrir d’aidre victime digne de lui que lui-même et il convenait que l’holocauste fût parfait, que

JésUS fût victime en son corps, en son CCSUT, en son âme, et qu’il fut > triste Jusqu’à la mort ». De plus, ayant en lui la plénitude de la charité, tant qu’il était viator ai comprehensor, il ne pouvait souffrir que d’une

façon lies intense des pleins des hommes pris sur lui. en tanl qu’ils sont une offense à Dieu et qu’Us sont cause de la perle des âmes. Son immense amour de Dieu et des aines faisait que sa souffrance ne pouvait cire que très profonde.

c) Dieu le l’ère a voulu faire obtenir au Sauveur par cette voie de snnffranees et d’humiliations la plus grande victoire sur le péché, sur le démon et sur la mort. I*, q. xx, a. I. ad l lim. la plus grande victoire sur le

péché di’lit être remportée par le plus grand acte de charité, pelle sur le démon de la désobéissance et de

l’orgueil par la plus grande obéissance et l’aeeeplion h dernières humiliations : la victoire enfin sur la

mort, suite et châtiment du péché, devait être le signe