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THOMISME. LIBERTÉ DU CHRIST


la sainte âme du Sauveur puisent en effet leur valeur théandrique et infinie dans sa personnalité divine. Aussi, bien que parmi les thomistes quelques-uns disent que le sacerdoce du Christ est constitué par la grâce habituelle créée, ut gratta capitis, qui présuppose la grâce d’union, plusieurs autres, devenus plus nombreux ces derniers temps, tiennent qu’il est constitué par la grâce d’union, qui a fait de Jésus « l’Oint du Seigneur » ; c’est elle en effet qui constitue son onction primordiale et sa sainteté substantielle. Cf. Gonet, Clypeus, De incarnatione, disp. XXII, a. 3 ; Hugon, O. P., De Yerbo incarnato, 5e éd., 1927, p. 631 ; voir saint Thomas, III », q. xxii, a. 2, ad 3um ; Bossuet, Élévations sur les mystères, xiiie sem., l re et 6e élévation.

La grâce d’union qui constitue l’Homme-Dieu est aussi la raison pour laquelle l’humanité de Jésus mérite l’adoration, le culte de latrie. III », q. xxv, a. 2. C’est encore la raison pour laquelle Jésus siège à la droite de son Père comme roi universel de toutes les créatures et juge des vivants et des morts ; cf. III*, q. lviii, a. 3 ; q. lix, a. 1, 2, 6.

Jésus est donc juge universel et roi universel de toutes les créatures non seulement comme Dieu, mais comme homme, et cela surtout par la grâce incréée d’union, ou comme Homme-Dieu. C’est le point de vue qui a prévalu dans l’Encyclique de Pie XI : Quas primas, Il déc. 1925, sur le Christ roi. Cf. Denz.-Bannw., n. 2194.

La grâce incréée d’union est donc la raison pour laquelle le Christ comme homme mérite l’adoration de latrie, possède la sainteté substantielle ; c’est aussi surtout par elle qu’il est prêtre capable d’un acte sacerdotal théandrique, qu’il est roi de toutes les créaturcs et jupe universel.

On voit par là qu’il faut considérer le Sauveur, non seulement selon sa nature divine (par laquelle il crée, prédestine, etc.) et selon sa nature humaine (par laquelle il parle, raisonne, a souffert), mais selon son unité dr personne, comme Homme-Dieu, en déterminanl ce qui convient à son humanité en tant précisénu n ! qu’elle est unie personnellement au Verbe ; c’est la le fondement de la valeur infinie de ses actes théandriques méritoires et satisfactoircs.

Ainsi s’éclaire la prédestination du Christ. Selon s.n.it Thomas et les thomistes, contrairement à Scol, Jésus comme homme a été prédestiné d’abord à la filiation divine naturelle, avant d’être prédestiné à la gloire, car si le plus haut degré de gloire lui a été donné, c’< si parce qu’il est Fils de Dieu par nature, et non par adoption. III », q. xxiv. En montrant que la prédestination gral uite du Christ est cause de la nôtre, saint Thomas < t son école affirment que Jésus a mérité nu « lus ions les effets cle la prédestination, toutes les grâces qu’ils reçoivent, y compris celle de la persévérance finale, Ibid., a. 4 ; De veritate, q. xxix, a. 7, ad H viii : et In Joa., xvii, 24.

4° La valeur intrinsèquement infinie des actes méritoire

  • , ri gatisfactoires du Christ. Sur cette importante

quest ion, qui touche à l’essence du mysl ère de la li, thomistes et les scotistes sont divisés. D’une taçon générale, nous l’avons vu à propos de l’unité d’existence dans le Christ, saint Thomas et son école dans tout le traité de l’incarnation affirment beaucoup plus que Scot l’union intime des deux natu-I par Miiie la valeur des actes méritoires

de s ; i s ; ii n ! « âme. Les thomistes insislent sur le principium quod de ces actes, qui est le Verbe fail chair, le suppôt divin ou la personne divine du Plis de Dieu. Pour les scotiates les actes méritoires ictoires du Christ n’ont une valeur infinie qu’extrinsèquement, pane que Dieu les accepte pour lalut. Pour les thomistes et beaucoup d’autres

théologiens, ces actes ont une valeur intrinsèquement infinie comme actes théandriques, à raison de la personne divine du Verbe fait chair, qui en est le principe quod. Ce qui agit, mérite, satisfait, ce n’est pas à proprement parler l’humanité de Jésus, mais c’est la personne du Verbe qui agit ainsi par l’humanité assumée ; or, la personne du Verbe est a’une dignité infinie et elle communique cette dignité à ses actes. C’est ce qui fait dire à saint Thomas, III », q. xlviii, a. 2 : Ille proprie satisfacit pro offensa, qui exhibet ofjenso id quod eeque vcl magis diligit, quam oderil ofjensam. Christus autem ex caritate et obedientia patiendo majus aliquid Deo exhibuit, quam exigeret recompensatio tolius ofjensse humani generis. L’acte théandrique d’amour du Christ sur la croix plaisait plus à Dieu que tous les péchés ne lui déplaisent. Si l’offense grandit avec la dignité de la personne offensée, l’honneur et la satisfaction grandissent avec la dignité de la personne qui honore et qui satisfait. Cf. Salmanticenses, De incarn., disp. XXVIII, de merilo Christi, § n ; Jean de Saint-Thomas De incarn., disp. II, a. 1 ; disp. XVII, a. 2 ; Gonet, De incarn., disp. XXI, a. 4 ; Billuart, etc. Cette thèse qui est généralement admise par les théologiens paraît beaucoup plus conforme à ce qu’a enseigné à ce sujet Clément VI : Gutta Christi sanguinis modica propler unionem ad Verbum pro redemplione tolius humani generis suffecisset… sic est infmitus thésaurus hominibus. .. propter infiniia Christi mérita. Denz.-Bannw., n. 550 ; S. Thomas, III », q. xlvi, a. 5, ad 3um.

5° La conciliation de la liberté du Christ et de son absolue impeccabiliié. Cf. III », q. xviii, a. 4 ; Jean de Saint-Thomas, De incarn., disp. XVI, a. 1 ; les Salmanticenses, Gonet, Billuart, etc. — Les mérites et la satisfaction du Christ supposent la liberté proprement dite, libertas a necessitate, et non pas seulement la spontanéité, libertas a coaclione, qui se trouve déjà dans l’animal. Et pour que le Christ ait librement obéi à son Père, il faut, semblerait-il, qu’il ait pu désobéir. Mais alors comment cette liberté est-elle conciliable avec son impeccabilité absolue ? Non seulement il n’a pas péché de fait, mais 17 ne pouvait pus pécher, pour trois raisons : 1. à raison de sa personnalité divine à laquelle le péché ne peut être attribué ; 2. a raison de la vision béatifique ou immédiate de la bonté divine, dont l’âme bienheureuse ne peut se détourner ; 3. à raison de la plénitude de grâce que Jésus avait revue de façon inamissible, comme suite de la grâce d’union.

Celle grave question prit un intérêt particulier a l’époque de Dominique Panez ; cf. Uani.z, t. ii, col. 142 sq. Elle obligea à étudier plus profondément la liberté humaine de Jésus dans son acte d’obéissance. Pour sauvegarder cette liberté, certains théologiens, à cette époque, et récemment encore, ont prétendu que Jésus n’a pas reçu de son Père le précepte de mourir sur la croix pour notre salut. Les thomistes ont toujours refusé d’admettre cette position, car les textes de l’Écriture leur paraissent affirmer clairement un précepte proprement dit et non pas seulement un conseil ; cf. Joa., x, 17-18 : « Je donne ma vie pour la reprendre…, tel est l’ordre (èvToXTj) reçu de mon i. xiv, 31 : « Afin que le monde sache que J’aime mon Père et que j’agis selon le commandement que mon l’ère m’a donné, levez-vous, parlons d’ici » ; xv, 10 : Si vous gardez mes commandements, vous demeure rez dans mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père, et comme je demeure dans son amour. Poil., ii, 8 : « le Christ s’i, 1 abaissé lui-même, se taisant obéissant Jusqu’à la mort et a la mort de la croix ; cf. Rom., v, 19. Or, l’obéissance proprement dite a pour objet lormel le précepte a.h complir. I>e plus le Christ Impeccable ne pouvait pas non plus

négliger les conseils de son Père. Comment cette afiso