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THOMISME. L’UNION HYPOSTATIQUE


partie de l’essence, est quelque chose de positif, sans être pour cela l’existence qui est un préaicat contingent de la personne créée et ne saurait donc la constituer formellement. D’où l’expression : esse sequitur personam, tanquam habentem esse. 111% q. xvii, a. 2, ad l um.

Enfin le saint Docteur dit, ibid., ad 3um : In Deo, très personæ divinæ non habent nisi unum esse ; ainsi la personnalité diffère de l’existence, puisqu’il y a en Dieu trois personnalités (incommunicables) et une seule existence (communicante). De même saint Thomas dit encore, Quodl. ii, q. ii, a. 4, ad 2um : Esse non est de ratione suppositi (créait). Aucun sujet créé n’est en effet son existence, solus Deus est suum esse, mais l’existence appartient au sujet créé comme un prédicat contingent.

Il reste donc que la personne est un sujet intelligent et libre, ce qui est vrai de l’homme, de l’ange et analogiquement des personnes divines. La personnalité est ce qui constitue le sujet intelligent comme sujet premier d’attribution de tout ce qui lui convient ; c’est le centre d’appartenance de tout ce qui lui est attribué ; c’est ce qui constitue le moi, qui possède sa nature, son existence, ses actes de conscience et de liberté. Ce principe radical d’appartenance ou de possession (principium quod existit et operatur) peut devenir par déviation principe d’égoïsme et d’individualisme, en se préférant à la famille, à la société, à Dieu. L’égoïsme et l’orgueil sont ainsi le développement abusif de la personnalité créée qui oublie les droits des autres personnes, ceux de la société et les droits suprêmes de Dieu créateur. Bien au contraire la personnalité psychologique et morale peut et doit se développer dans te sens de la vérité, du dévouement, de la sainteté.

Le plein développement de la personnalité censiste à se rendre de plus en plus indépendant des choses inférieures, mais aussi de plus en plus étroitement dépendant de la vérité, du bien, de Dieu même. Les saints ont pleinement compris que la personnalité humaine ne peut véritablement grandir qu’en mourant à elle-même pour que Dieu règne et vive de plus en plus en elle. Si Dieu tend à so donner de plus en plus, le saint tend à renoncer de plus en plus à son jugement propre et à st> volonté propre pour vivre uniquement de la pensée et de la volonté de Dieu. Il désire que Dieu devienne pour h : i un autre moi, aller ego, plus intime que son propre moi. Cela permet de soupçonner de loin ce qu’est la personnalité de Jésus.

Mais il y a une différence sans mesure, car te saint, si haut soit-il, n’en reste pas moins un être distinct de Dieu, une créature. Il a bien substitué à ses idées humaines des idées divines, à sa volonté propre la volonté divine, mais il reste un être distinct de Dieu. En Jeans-Christ, le Verbe de Dieu s’est donné le plus possible, en personne, à l’humanité, et l’humanité a mie a Dieu le plus possible personnellement, jusqu’à ne faire qu’un seul moi avec le Verbe, qui a assumé li nature humaine pour toujours. Il y a ainsi flans le Christ une seule personne, parce qu’il y a en lui 1//1 seul sujet Intelligent ri libre, bien qu’il ait deux natures, deux Intelligences et deux libertés. C’est ce qui lui a permis de dire : i Avant qu’Abraham fût, je suis », vin, 58 ; Le l’ère et moi nous sommes un », Joa., x. 30 ; Toul ce que le l’ère a es’à moi », Je*., xvi, 16.

Poui montrer que l’union des deux natures s’est

f il dans la personne du Verbe, saint Thomas, q. ii, procède ainsi : Selon la foi catholique, la nature humaine têt vraiment et réellement unie à la personne du Verbe, mais non in natura divina car les deux n il ures restent distinctes. Or, ce qui est réellement uni a une personne et non in natura lui est uni formelle ment m penona, car la personne est un tout, dont la

DIC1. m. i BOtOL r.ATHOL.

nature est partie essentielle, et qui contient aussi tout ce qui lui est attribué. De plus la nature humaine n’étant pas un accident, comme la blancheur ou comme un acte transitoire de connaissance ou d’amour, est unie au Verbe non accidentaliter mais substantialiter. Q. ii, a. 6, ad 2um.

Le Christ est donc véritablement homme, sans avoir de personnalité humaine ; son humanité, loin d’être amoindrie par l’union personnelle au Verbe, est glorifiée par celle union ; celle-ci lui donne une sainteté innée, substantielle, incréée. De même l’imagination est plus noble chez nous que chez l’animal, du fait qu’elle est unie en nous à l’intelligence, elle sert en nous cette faculté supérieure et cette subordination l’élève ; cf. q. ii, a. 2, ad 2um : Dignius est alicui quod existât in aliquo se digniori, quam quod existât in se.

A l’opposé de l’individuation qui provient de la matière, la personnalité, dit saint Thomas, est ce qu’il y a de plus parfait dans la nature, car la personne est un sujet intelligent et libre ; cf. I 1, q. xxix, a. 3. En Jésus comme en nous l’individuation de sa nature humaine provient de la matière, à raison de laquelle il est né en tel lieu, à telle époque, dans te peuple juif, sa personnalité au contraire est incréée.

L’union des deux natures en Jésus-Christ n’est donc pas une union essentielle, les deux natures restent distinctes et infiniment distantes ; ce n’est pas non plus une union accidentelle comme celle des saints avec Dieu par la connaissance et l’amour ; c’est une union d’ordre substantiel, dans la personne même du Verbe, puisqu’il y a un seul sujet réel, un eul moi qui possède les deux natures, III 8, q. ii, a. 2 et 6 ; d’où le nom d’union hypostatique. Tel est l’enseignement de saint Thomas selon la grande majorité des thomistes.

Il repose sur les paroles de Jésus relatives à sa propre personne (v. g. : Ego sum via, verilas et vila) et sur la notion de personne accessible à notre intelligence naturelle. C’est pourquoi cette doctrine peut s’exposer sous une forme moins abstraite, en des élévations qui donnent une intelligence sûre et fructueuse de ce mystère. Cf. Garrigou-Lagrange, Le Sauveur, Paris, 1933, p. 92-129.

Une question plus subtile s’est posée à ce sujet : L’union hypostatique des deux natures est-elle quelque chose de créé ? Il est clair que l’action qui a uni les deux natures est incrééc, c’est un acte de l’intelligence et de la volonté divines, formellement immanent, virtuellement transitif, acte commun aux trois personnes divines. Il n’est pas moins certain que l’humanité de Jésus a une relation réelle d’ordre créé au Verbe qui la possède et dont elle dépend, tandis que le Verbe n’a qu’une relation de raison à l’humanité qu’il possède et dont il ne dépend pas. Il n’y a pas de discussion sur ces deux points.

Mais on s’est demandé s’il y a un mode substantiel qui unit la nature humaine au Verbe. Scot, Suarez, Vasquez, et même quelques thomistes comme les carmes de Salamanque et Godoy ont répondu affirmativement. La généralité des thomistes le nie en s’appuyant à bon droit sur plusieurs textes de saint Thomas, en particulier sur celui-ci, In II I nm Seul., dist. II, q. ii, a. 2, qu. 3 : Sciendum est quod in unione luimanæ naturte ad divinam nihil potest ratière médium jormaliler unionem causons, rui per prius liunuinu natura confungatur quam divinie persoiur ; sicut enim inler malrrinm el (ormam nihil radil médium… ila eliam inler naturam et supposilum non potest aliquid dicto madO médium cadere. Le Verbe termine et Soutient

Immédiatement la nat are humaine du Christ. qui a éi é constituée comme Immédiatement dépendante de lui.

De même la création passive sum/iln n’est qu’une relation réelle de dépendance de la créature a l’égard du

Créateur.

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