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THOMISME. UNION DES PERSONNES


comme constitutive de sa personne, et ainsi elle doit être conçue par nous avant l’acte notionnel de génération, comme la personne est antérieure à son action. » Il n’y a pas là contradiction ni cercle vicieux, car la paternité divine n’est pas considérée sous le même point de vue comme antérieure à la génération éternelle et comme postérieure à elle. Ainsi, disons-nous, dans l’ordre créé de la génération humaine, à l’instant indivisible où l’âme spirituelle est créée de rien et unie au corps, la disposition ultime du corps à la recevoir précède la création de l’âme dans l’ordre de causalité matérielle, et la suit dans l’ordre de causalité formelle, efficiente et finale ; car c’est l’âme à l’instant indivisible où elle est créée qui donne au corps humain la disposition tout à fait ultime à la recevoir, et de ce point de vue cette disposition est dans le corps humain comme une propriété qui dérive de la nature de l’âme. De même encore, bien que l’image précède l’idée, l’image tout à fait appropriée à l’expression d’une idée neuve suit celle-ci, et au même instant où le penseur saisit profondément ce qu’exprime une idée originale, il trouve l’image appropriée capable de la traduire sensiblement. De même encore l’émotion de la sensibilité précède l’amour spirituel et ensuite l’exprime à titre de passion non plus antécédente, mais conséquente. Il n’y a pas là de cercle vicieux. Autre exemple plus frappant : à la fin de la délibération, au même instant indivisible, le dernier jugement pratique précède l’élection volontaire, qu’il dirige, mais cette élection volontaire fait que ce jugement pratique soit le dernier, du fait qu’elle l’accepte. Il n’y a là aucune contradiction. De même dans le mariage, au moment où il est contracté, le consentement du mari s’exprime d’un mot, qui ne vaut définitivement que s’il est accepté par sa future épouse : ainsi l’expression du consentement de l’homme précède celle du consentement de la femme, et alors elle n’est pas encore actuellement relative au consentement de celle-ci, qui n’est pas encore donné ; aussitôt après, cette relation actuelle existe in actu exercito et de façon indissoluble.

De même encore dans le triangle équilatéral, le premier angle construit, lorsqu’il est encore seul, constitue déjà une figure géométrique, mais il n’a pas encore une relation actuelle aux deux autres qui ne sont pas encore tracés.

Il n’y a pas là contradiction ; il n’y en a pas non plus lorsqu’on dit que la paternité divine, selon notre manière de penser constitue la personne du Père antérieure à l’acte éternel de génération, bien que la paternité comme relation actuelle au Fils suppose cet acte éternel.

Les actes notiennela de génération et de spiration doivent être attribués aux personnes. I », q. xi.i, a. 1. Ils ne sont pas libres, mais nécessaires, cependant le Père vent spontanément engendrer son Fils, comme il veut être Dieu. I.a spiration active procède de la volonté prlM comme nature : proredit a voluntate, non ut libéra, ttd ut nolura, comme en nous le désir naturel du bonlieur. A. 2. I.a puissance d’engendrer appartient : > la.t lire divine en tant qu’elle est ihnis le Père, / ; / est m Paire, et lu puissance splratrlce appartient à la nature divin* en tant qu’elle est dans le l’ère et dans le Fils. C’est ainsi que le Saint-Esprit procède d’eux comme -l’un principe unique, per unicam spirationem ; il n’y ; i même qu’on tpirator (substitutive) bien qu’il y ai’'i’i : tpirantet (aéfeciive). A. 5 et q. xxxvi, a. 4.

Si «  « s puissances’l’engendrer et de spirer appartenaient .1 l.i nature en tant que telle, commune aux trois personne ?, les trois personnes engendreraient, tpireraient, commi les trois connaissent et aiment. Le IV concile du Latran a dit de même : non est cssrntin vei natura qua gênent, w l’ntrr prr naiuram. Dent.-Bannw. , n. 432. D’où l’expression reçue chez les tho Dir.T. DB Tllrèoi.. CATHOL.

mistes : potentia generandi significat in recto natuvam divinam et in obliquo relationem palernitatis. Q. xli, a. 5.

Aussi les thomistes enseignent-ils communément que le principe quo immédiat des processions divines est la nature divine, en tant qu’elle est modifiée par les relations de paternité et de spiration (cette dernière est commune au Père et au Fils). Ainsi dans l’ordre créé nous disons : lorsque Socrate engendre un fils, le principe quo de cette génération est la nature humaine, en tant qu’elle est en Socrate ; autrement, si c’était la nature humaine en tant que commune à tous les hommes, tous les hommes sans exception engendreraient, comme tous désirent le bonheur. De même encore nous disons : dans le triangle, la surface, en tant qu’elle est dans le premier angle construit, est communiquée au deuxième et par celui-ci au troisième ; mais en tant qu’elle est dans le troisième elle n’es* plus communicable ; ainsi la nature divine en tant qu’elle est dans le Saint-Esprit, n’est plus communicable ; autrement il y aurait une quatrième personne, et pour la même raison une cinquième et ainsi de suite à l’infini. Telle est la doctrine thomiste des actes notionnels : elle est parfaitement cohérente avec ce qui précède.

L’égalité des personnes et leur intime union.

Il

suit de là que les personnes sont égales, q. xlii, de par l’unité numérique de nature et d’existence (unum esse), qui a poxir suite l’unité de sagesse, d’amour essentiel, de puissance. Ainsi les trois angles d’un triangle équilatéral sont rigoureusement égaux. C’est pourquoi en Dieu il n’est pas plus parfait d’engendrer que d’être engendré ; car la génération éternelle ne cause pas la nature divine du Fils, mais seulement la lui communique. Cette nature préexiste actuellement dans le Père, et dans le Fils et le Saint-Esprit elle n’est pas moins incréée que dans le Père. Le Père n’est pas une cause dont l’être du Fils et du Saint-Esprit dépendrait ; il est le principe dont le Fils et le Saint-Esprit procèdent dans l’identité numérique de la nature infinie qui est communiquée. De même encore dans le triangle équilatéral, il y a ordre d’or.gine, sans causalité. Le premier angle construit n’est pas cause, mais principe du second et par le second du troisième. Tous les trois sont aussi parfaits l’un que l’autre, et l’on peut même indifféremment retourner le triangle, de telle façon que l’une ou l’autre des extrémités de la base devienne le sommet. Image certes fort lointaine, mais encore utile à une intelligence qui ne s’exerce pas sans le concours de l’imagination.

On voit par là que les rapports des trois personnes sont l’expression de la plus haute vie intellectuelle et de la plus haute vie d’amour. La bonté est essentiellement communieative et plus elle est d’ordre élevé, plus elle se communique abondamment et intimement. Le Père communique ainsi toute sa nature infinie et indivisible à son Fils sans la multiplier et par son Fils au Saint-Esprit. Par suite les trois personnes se comprennent aussi intimement que possible, puisqu’elles sont la même vérité et qu’elles se connaissent par le même acte de pensée, par la même intellect ion « "sent telle.

(.’est aussi la plus haute vie d’amour : les trois personnes s’aiment infiniment par le même amour essentiel, qui s’identifie avec la bonté infinie pleinement possédée et goûtée.

Les trois personnes purement spirituelles sont ainsi ouvertes l’une à l’autre, et elles ne se distinguent que par leurs mutuelles relations. Toute la personnalité du Père consiste dans sa relation Subsistante et incommunicable au Ris ; de même le moi du Fils est sa rela

lion ; iu l’èie : le moi du Saint-Esprit est sa relation aux deux premières personnes dont il procède, comme

d’un principe unique.

T. — XV.

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