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THOMISME. LE DE TRINITATE

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Dans la Somme théologique, le traité De Deo uno s’achève par la question xxvi : De beatitudine Dei, qui en est le couronnement. La béatitude divine provient de ce que Dieu connaît autant qu’elle est connaissable son infinie perfection, sa divine bonté, et l’aime autant qu’elle peut être aimée, c’est-à-dire infiniment, tandis qu’une créature même béatifiée ne peut la connaître et l’aimer que d’une façon finie, proportionnée à ses facultés et au degré, variable avec les individus, de grâce et de gloire reçu.

V. La Sainte Trinité.

Au sujet de la synthèse thomiste relative au mystère de la Trinité, nous examinerons d’abord ce que saint Thomas doit ici à saint Augustin, et quelle est sa doctrine et celle de son école sur les processions, les relations, les personnes divines et les actes notionnels de génération et de spiration. Nous verrons mieux ensuite pourquoi la sainte Trinité n’est pas naturellement connaissable, puis ce qu’il faut entendre par l’appropriation, et enfin comment concevoir, selon les thomistes, l’habitation de la sainte Trinité dans les âmes justes. Nous considérerons ces problèmes du seul point de. vue des principes, et du progrès de la science théologique.

1° Les bases du traité de saint Thomas ; ce qu’il doit à saint Augustin. — Saint Thomas, dans ses commentaires sur sain’.Matthieu, sur saint Jean et les épîlres de saint Paul, a examiné tous les textes du Nouveau Testament relatifs à la sainte Trinité, depuis ceux des synoptiques, y compris la formule du baptême, th., xxviii, 19, jusqu’aux textes les plus élevés contenus dans les discours de Jésus avant la Passion, rapportés par saint Jean, c. xiv-xvii, et dans les épi-In-s de saint Paul, I Cor., Il, 10 ; VI, 11, 19 ; xii, 3-6 ; Il Cor., xiii, 13 ; Rom., viii, 26. Il a particulièrement analysé avec grand soin du point de vue théologique Chacun des versets du Prologue de saint Jean, en i’é< lalrant par ce qu’en ont dit les Pères grecs et latins dans leur réfutation de l’arianisme et du sabellianisme.

Par l’examen de ces textes et (les explications qu’en ont données les Pères, saint Thomas s’est bien rendu compte du progrès accompli par saint Augustin dans l’Intelligence îles paroles les plus élevées du Sauveur sur le mystère suprême. Il importe de le noter attentivement au début, pour saisir ce qui suit. Il y a là toute une filière d’idées très intéressantes. Ou ne comprend bien la doctrine thomiste de la Trinité, qu’en rappelant d’abord les avantages de la conception augnstinienne el les difficultés qu’elle laisse subsister.

Les Pères grecs, dans leur conception de la sainte Trinité et leur réfutation de Sabcllius, qui niait la dis Ion réelle des personnes, d’Arlus et Macédonius, qui niaient la divinité soit du Fils, soit du Saint-Esprit, parlaient de la Trinité des personnes affirmée par l.i Révélation et cherchaient ensuite à montrer comment elle se concilie avec l’unité de nature par la

COIltuManttalité, dont la notion se précisa ainsi de plus en pins. Jusqu’à ce qu’elle fût définie par le conriii de Nicée. les l’en s grecs, en particulier saint Athanase, affirment que le l’ère engendre le Fils, en lui communiquant sa nature et non pas seulement une

participation de celle ci ; il suit de la que le Mis "si

Dieu, cf. s. Vthanasc, Conf. arianos, r, 14, 16, 25)27 ;

m. C ; i’. 2 1. d’où la valeur infinie de ses mérites

comme Rédempteur. De même le Samt-Esprlt, qui

procèdi’< lire et du FUs, es’Dieu, sans quoi il ne pourrail sanctifier les âmes. S. Athanase, Bplëi. ad Serapfon., t. 2.’! sq. ; iii, f-. r >.

Pères grecs considéraient les processions plutôt comme des donations que comme des opérations di l’mtelllgenri et d la volonté divines. Le Pèn engendrant son Fils, lui donne s ; i nature ; le Pèn et le Fils la donnent au Saint-Esprit. Et Un ajoutaient que de lelsn lequel s.’fait la génération éternelle et

la spiration est inscrutable. De plus les Pères grecs, dans leur explication du mystère de la Trinité, suivaient l’ordre du Symbole des Apôtres, où le Père est dit créateur, le Fils sauveur, le Saint-Esprit sanctificateur. Mais il restait dans ces explications de grandes obscurités.

Pourquoi y a-t-il deux processions et deux seulement ? En quoi la première diffère-t-elle de la seconde ? Pourquoi elle seule est-elle appelée génération, pourquoi le Fils est-il Fils unique ? Pourquoi le Saint-Esprit n’est-il pas engendré ? Surtout il restait à expliquer pourquoi le Père est-il appelé créateur dans le Symbole, alors que pourtant le Fils et le Saint-Esprit le sont aussi d’après les textes les plus incontestables du Prologue de saint Jean : Omnia per ipsum (Verbum ) jacta sunt et des épîtres de saint Paul ? La puissance créatrice est une propriété de la nature divine commune aux trois personnes, et donc elle doit appartenir aux trois. En quel sens le Père est-il dit créateur plutôt que le Fils et le Saint-Esprit ? La théorie latine de l’appropriation donnera une réponse, qui ne se trouve pas encore, explicitement chez les Pères grecs.

Saint Thomas en lisant le De Trinitate de saint Augustin et en commentant lui-même le Prologue de saint Jean, comprit que saint Augustin avait fait faire un grand pas à la théologie de la Trinité. Dans ses spéculations sur ce mystère, saint Augustin part de l’unité de nature, déjà philosophiquement démontrée, et sous la lumière de la Révélation, il cherche à rejoindre la trinité des personnes ; il suit donc en sens inverse le chemin tracé par les Pères grecs. Saint Thomas fera de même.

De plus saint Augustin est surtout frappé de. ceci que dans le Prologue de saint Jean, le Filius unigenilus, ꝟ. 18, procède du Père comme Verbe : El Verbum erat apud Deum et Deus erat Verbum. Hoc crat in principio apud Deum. Omnia per ipsum facta sunt. Le Fils unique procède du Père comme Verbe, comme parole, non pas extérieure, mais intérieure, comme verbe mental ou intellectuel, dit de toute éternité par le Père, et expression de son essence, de sa nature spirituelle infinie, parfaitement connue de toute éternité. Par là le mode intime de la génération éternelle du Fils, mode déclaré inscrutable par les Pères grecs, commence à s’éclairer. Le Père engendre de toute nié son Fils par un acte intellectuel, comme notre esprit conçoit son verbe mental ; cf. S. Augustin, De frinitatc, I. IX et X. Mais, tandis qu noti i verbe mental n’est qu’un mode accidentel de noire Intelligence, le Verbe divin est substantiel comme la pensée divine, ibid., t. V, c. vi, xvi, xvii ; et, tandis que notre esprit conçoit lentement et difficilement ses Idées toujours imparfaites, bornées et par suite nécessairement multiples, pour exprimer les divers aspects du réel, les différentes natures créées et les diverses perfections divines, le l’ère, lui. conçoit de toule éternité

un Verbe substantiel, unique et adéquat, qui est Dieu

de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, expression parfaite de la nature divine, de’ou’ce qu’elle est et d< tout ce qu’elle peut produire et pro (luit en dehors d’elle. I.e mode intime de la génération éternelle du Verbe s’éclaire ainsi beaucoup, si l’on rapproche les divers passages du De Trinitate de saint Augustin, notamment l. XV, c. x-xvi.

I’n>- suite s’éi luire aussi le mode Ultime de la spiration ; cf. De Trinitate. I. IX.. Y. c, KVU XXVIII. i.’àme humaine selon l’Écriture a été créée à l’image de Dieu ; or, l’âme humaine est douée d’intelligence et

d’amour ; non seulement elle conçoit le bien, m.iis clic l’aime ; ce sont là les deux formes supérieures de son

activité. Si donc le Ris unique procède du Père comme

Verbe Intellectuel, i<>ut porte à peu, ci que le Saint Esprit procède d’eux selon une proeeuion d’amour, el