Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/448

Cette page n’a pas encore été corrigée

881

    1. THOMISME##


THOMISME. PROVIDENCE ET PRÉDESTINATION

882

d’où résulte toujours la liberté de l’acte qu’est la prédestination.

Plus clairement encore il est dit Rom., viii, 28-30 : « Nous savons que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères. Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » Gomment saint Thomas a-t-il entendu les termes « quos præscivit et prædestinavit, ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés ? » En son commentaire sur l’épître aux Romains et partout ailleurs, saint Thomas a entendu ces paroles comme saint Augustin. Il ne s’agit pas de la prescience divine de nos mérites, cela r’aurait aucun fondement chez saint Paul et s’opposerait à plusieurs de ses affirmations, en particulier Eph., i, 4 ; I Cor., iv, 7 ; Rom., ix, 15-16. Le sens est : « ceux que Dieu a connus d’avance d’un regard de bienveillance, il les a prédestinés. » Et dans quelle intention ? « Afin que son Fils fût le premicr-né entre plusieurs frères. » Tel est pour saint Augustin et saint Thomas le sens du præscivit. De même saint Thomas montre dans son commentaire de l’épître aux Romains, ixxii. que saint Paul y expose la souveraine indépendance de Dieu dans la dispensation de ses grâces : les Juifs, qui étaient le peuple élu, sont rejetés à cause de leur incrédulité, et le salut est annoncé aux païens. Il s’agit d’abord ici des peuples, mais les mêmes principes s’appliquent aux personnes. Saint Paul formule en effet ici le principe de prédilection qui s’applique aux peuples et aux individus. « Que dirons-nous ? Y at-il en Dieu de l’injustice ? Loin de làl Car il dit à Moïse :.le ferai miséricorde à qui je veux et j’aurai compassion de qui je veux. Ainsi donc cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. » Rom., ix, 14. Si la prédestination comporte un acte positif de Dieu, l’endurcissement n’es ! que permis par lui et provient du mauvais usage que l’homme fait de sa liberté. L’homme n’a pas à demander des comptes au Seigneur. D’où la conclusion : i () profondeur inépuisable de la sagesse et de la science île Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies Incompréhensibles ! … Qui lui a donné le premier, pour qu’il ail à recevoir en retour ? C’est de lui. par lui et pour lui que sont toutes choses. À lui la gloire dans tous les siècles ! Amen. » Rom., xi, 33.

b) Définition. — Tels sont les textes scripturaires qui sont le fondement de la doctrine august inienne et thomiste de la prédestination. Saint Augustin les a résumés en cette définition : Prsedestinatio est prsetclentia </ prteparatio benefteiorum bei. quibus certis sime librr-intur quiciiinqiir librriintur. La prédestination est la prescience et la préparation des bienfaits par lesquels sont certainement sauvés tous (eux qui sont sauvés. ! >< dono j/erseverantia’, c. XIV, Saint


gustin dit encore plus explicitement au De jiriedestinnlniiir aanctsrum, ex : « Prædestinatione sua Drus en prmaclvit quæ fuerat ipse facturas. Par sa prédestina-Dieu a prévu ce qu’il devait faire, pour conduire Infailliblement ses « ’lus à la vie éternelle. »

Saint Thomas conserve i et te définit ion de la prédw tination, I ». q. xxiii. a. 1 : Ratio transmissionit creatur’r rattonall » in flnem vitte teternai prsoiestinatio namtnatur, nom destinare est mittere. La prédestination est, dans reprit de Dieu, le plan de l’aboutissement de tel homme ou de ici ange a la fin ultime surnaturelle. ie plan, a la fois ordonné et voulu, qui, de t’m'’éternité, détermine les moyens efficaces qui conduiront tel homme ou tel ange, i s ; i fin dernière. Saint l bornas est ainsi pleinement fidèle : > la définition par

laquelle saint Augustin a résumé les paroles de l’Écriture.

c) Raisons de la prédestination. — Pourquoi Dieu a-t-il élu certains, qu’il relève toujours de leurs fautes, et réprouvé certains autres après avoir permis leur impénitence finale ?

Saint Thomas, ibid., a. 5, ad 3um, répond qu’il a voulu, dans les prédestinés, représenter sa bonté par manière de miséricorde, en pardonnant, et dans les autres représenter sa justice. Cette réponse est immédiatement fondée sur la Révélation, telle qu’elle s’exprime dans l’épître aux Romains, ix, 22 : « Si Dieu voulant manifester sa colère (c’est-à-dire sa justice), et faire connaître sa puissance, a supporté (c’est-à-dire permis) avec une grande patience des vases de colère, prêts pour la perdition et s’il a voulu faire connaître aussi les richesses de sa gloire à l’égard des vases de miséricorde, qu’il a préparés d’avance pour la gloire… (où est l’injustice ?) » La bonté divine, d’une part, tend à se communiquer, et par là elle est le principe de la miséricorde, et, d’autre part, elle a un droit imprescriptible à être aimée par dessus tout, elle est ainsi le principe de la justice. Il convient que la bonté suprême soit manifestée sous ses deux aspects et que la splendeur de l’infinie justice apparaisse comme l’éclat de l’infinie miséricorde. Le mal n’est ainsi permis par Dieu que pour un bien supérieur dont la sagesse infinie est juge et que contempleront les élus. Les thomistes n’ajoutent rien à cet enseignement, ils se contentent de le défendre. Ils font de même pour la question suivante.

d) Pour quelle raison Dieu a-t-il prédestiné celui-ci plutôt que celui-là ? — Saint Augustin avait dit, //i Joannem, fer. xxvi : Quarc hune trahat et illum non trahat, noli velle dijudicarc si non vis errare. Au contraire la réponse serait bien facile si le choix divin était fondé sur la prescience de nos mérites ; il suffirait de dire : Dieu prédestine celui-ci plutôt que celui-là parce que le premier et non pas l’autre a voulu faire bon usage de la grâce qui lui était offerte ou même accordée. Mais alors celui-ci serait par lui-même meilleur epic l’autre, sans avoir été plus aimé et plus aidé par Dieu. Ce serait contraire à l’enseignement de saint Paul dans I Cor., iv, 7, et Phil.. ii, 13. Jésus lui-même a dit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire. » Joa.. xv, 5. Bref les mérites des élus, loin d’être la cause de la prédestination, sont les elle ! s de celle-ci ; cf. ibid, , a. 5 : Quidquid est in homine ordinans ipsum in salulem, comprehenditur lotuin sub efjcctu prædestinationis, etiam ipsa præparatio ad grattante

Saint Thomas éclaire toute cette question par le principe de prédilection qu’il a formulé I », q. xx, a. 3, en ces (ci nies : C.um umnr Dei sit causa bonitatis rerum. non effet aliquid alio melius, si Drus non vellet uni majus bonum quam alteri. Nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé et plus aidé par Dieu. C’est pourquoi le saint Docteur dit que la dilection divine précède l’élection et celle ci la prédestination ; cf. I », q. xxiii. a. !  : Voluntas Dei, qua vult bonum alicui dili ! /endo. est causa quod illud bonum ub ro prm aliia natta tur. Sic palet quod ditectio pntsupponitur electioni secuiiiium rationem, et eleetio prmdesUnatiORi, Inde naines prædesttnati suni electi ri dileott. Le même ar ticle enseigne la priorité de la prédestination à la gloire sur la pi édestina ! ion a la grâce : S’oit pnrci pitur nli

qnid ordinandum in flnsm, m’si præxistente voluntate finis.

Pour les pâagiens, Dieu est seulement le spectateur, non l’auteur du bon consentement salutaire qui dis

lingue le juste « l< I impie, les scmi|>< la^iens disent la même chose de Yintlitim jidei <t hume voluntatis. l’our

saint Thomas, comme pour saint Augustin, tout ce

qu’il y a de bon et de salutaire en nous doil dériver de