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THOMISME. ÉMINENCE DE LA DÉITÉ


divine, et donc déjà notre intelligence naturelle atteindrait au moins l’objet formel de la foi infuse, et notre volonté naturelle atteindrait de même l’objet formel de l’espérance infuse et celui de la charité infuse ; dès lors ces vertus ne seraient plus essentiellement surnaturelles ou d’un autre ordre. Elles seraient seulement accidentellement infuses, comme la géométrie infuse. Il faudrait en dire autant pour l’ange.

Cette impossibilité pour une intelligence créée ou créable d’atteindre par ses seules forces positivement et proprement l’essence divine et surtout de la voir immédiatement est donc, pour les thomistes, une impossibilité absolue, métaphysique et physique, fondée sur la transcendance de la nature divine : les effets créés naturellement connaissables sont absolument inadéquats à la perfection souveraine de Dieu et ne peuvent nous la manifester telle qu’elle est en soi. Cf. I », q.xii, a. 12 : creaturæ sensibiles sunt effeclus Dei, virtutem causas non adœquanles. Unde ex sensibilium cognitione non potest Ma Dei virlus cognosci, et per consequens nec ejus essenlia videri. De même les créatures spirituelles sont des effets de Dieu inadéquats à sa puissance. Voir aussi Cont. Gent., ]. I, c. m.

Selon saint Thomas et son école, l’impossibilité de voir Dieu naturellement ne provient donc pas, comme le veut Duns Scot, d’un décret de la liberté divine, mais de la transcendance de la nature divine. Pour Scot, Dieu aurait pu vouloir que l’intelligence humaine puisse le voir naturellement, que la lumière de gloire et la vision béatiflque soient une propriété de notre nature ou de celle de l’ange, mais de fait il ne l’a pas voulu ; ainsi la distinction de l’ordre de la nature et de l’ordre de la grâce serait contingente et reposerait sur un décret libre de Dieu. Cf. Scot, In I* m Sent., dist. III, q. iii, n. 24, 25. Il reste que, pour Scot, il y a en notre âme un appétit naturel inné de la vision béali flque. Prolog. Sent., q. i, et In I V" Sent., dist. XLIX, q. x. On retrouve un vestige de cette doctrine scotiste dans la puissance obédientielle active de Suarcz, De gralia, t. VI, c. v.

A cela les thomistes répondent : un appétit naturel inné de la vision béatiflque et aussi une puissance obédientielle active seraient à la fois quelque chose d’essentiellement naturel (comme propriété de notre nature) et d’essentiellement surnaturel (comme spécifié par un objet essentiellement surnaturel). Aussi les thomistes n’admettent-ils qu’une puissance obédienliellc passive ou aptitude de l’âme et de ses facultés à être élevée à l’ordre de la grâce. De plus ils disent généralement que le désir naturel de voir Dieu, dont parle saint Thomas, 1°, q.xii, a. 1, ne peut pas être un désir inné, mais élicile (postérieur à un acte naturel de connaissance) et un désir non pas absolu et efficace, mais conditionnel et inefficace, qui n’est réalisé que si Dieu veut gratuitement nous élever à l’ordre surnaturel. [.’Église a condamné du reste, en 1507, 1a doctrine de Bains qui admetlait un désir efficace 00 d’exie, tel que l’élévation à l’ordre de la grâce serait due, débita, à l’intégrité de notre nature, et non pas gratuite, ce qui conduit a la confusion fies deux ordres ; cf. Denx. l’.amiw., n. 1021. Un désir naturel efficace serait un désir d’exigence, la grâce serait due à la nature.

Souvent saint Thomas a parlé du désir conditionnel et Inefficace en général, e’i st le primum vellc, antérieur .i l’Intention efficace de la (in. il en parie plusieurs fois. à propos de eelle-ci. Tel par exemple, chee l’agrtcuJ leur, le désir réel mais Inefficace de la ploie, ou en< an chog le marchand qui, pendant nu naufrage, voudrait

Conserver ses marchandises, au lieu de les jeter À la mer. IMI", q. vi, a. & Saint Thomas parle de même de la volonté divine antécédente, conditionnelle et inefficace du salut de tous les hommes, si elle était « fTi’"lis seraient sauvés. 1°, q. xix. a. Ci. ad 1.

Le désir naturel et inefficace de voir Dieu, l a, q.xii, a. 1, provient de ce que notre intelligence cherche naturellement à connaître ce qu’est la cause première des choses créées ; or, elle ne connaît naturellement cette cause que par des concepts analogiques très imparfaits et multiples, qui ne peuvent manifester la nature de la cause première telle qu’elle est en soi, en son absolue perfection et sa souveraine simplicité. En particulier ces concepts limités et multiples ne peuvent montrer l’intime conciliation des attributs divins, de la justice et de la miséricorde, de la bonté toute puissante et de la permission du mal physique et moral. D’où le désir naturel conditionnel et inefficace de voir Dieu immédiatement, si Dieu voulait gratuitement nous élever à cette vision immédiate.

L’objet de ce désir naturel inefficace n’est pas formellement surnaturel, il ne l’est que matériellement, disent les thomistes, car c’est sous la lumière naturelle de la raison qu’on connaît que cet objet est désirable, et ce qu’on désire ici c’est la vision immédiate de Dieu auteur de la nature, dont l’existence est naturellement connue ; il ne s’agit pas du désir surnaturel d’espérance ou de charité, qui, sous la lumière de la foi, se porte vers la vision de Dieu trine et auteur de la grâce. Cf. Salmanticenses, In I* iii, q.xii, a. 1, n. 75, 77. Ainsi est sauvegardé le principe : les actes sont spécifiés par leur objet formel, qui doit être du même ordre qu’eux. Il n’en serait pas de même s’il s’agissait d’un désir inné, ad modum ponderis natures, antérieur àia connaissance naturelle et spécifié par un objet formellement surnaturel.

Ce désir naturel est un signe de la possibilité de la vision béatiflque ; il fournit en faveur de cette possibilité un argument de convenance très profond et qu’on peut toujours approfondir, mais non pas un argument apodictique. Telle est du moins le sentiment commun des thomistes, car il s’agit ici de la possibilité intrinsèque d’un don essentiellement surnaturel, de la vie él cruelle, et ce qui est essentiellement surnaturel ne peut être naturellement démontré. Les mystères essentiellement surnaturels dépassent la portée des principes de la raison naturelle. Le concile du Vatican condamnera la doctrine selon laquelle mysleria propric dicta possunt per rationem rite excultame naturalibus principiis intelligi et demonstrari. DeiiH.-Bannw., n. 1810 et 1795. De même nous ne pouvons démontrer positivement la possibilité de. la Trinité. Toui ce que l’intellect créé, humain ou angélique, par ses seules forces, peut prouver ici, c’est que les mystères essentiellement surnaturels, comme celui de la vie éternelle, ne sont pas impossibles, en ce sens que leur Impossibilité ne saurait être démontrée.

Les thomistes s’accordent généralement à admi cette proposition : possibilitas et a fortiori existentia mysleriorum cssenlialiter supernnturalium non potest naliiralilcr probari, nec improbari, sed Sltadetitr uryu mentis convenientite et sola fuie /irmilcr lenctur. Cf. Salmanticenses, II} / » iii, disp. I, dub..’t. C’est ee que nous avons établi plus longuement ailleurs ; cf. Garrigou-Lagrangc, De Dco uno, 1938, p. 204-209.

A la suite de saint Thomas, toute son ci oie tien ! aussi epic le don gratuit de la lumière de gloire est absolument nécessaire pour voir Dieu Immédiatement. I », q.xii, a. 5. Il est en effet absolument neeessaiie que la faculté Intellectuelle créée (angélique ou humaine), qui est Intrinsèquement incapable de voir Dieu Immédiatement, si elle est appelée à le <roii s.ii rendue capable par un don qui l’élèvi i me vie toute nouvelle et qui surélèvi jusqu’à sa vitalité, de telle sorie que la vitalité de nos actes essentiellement

surnaturels soil elle même surnaturelle, l’ila not « i.

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