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THOMASSIN. LES DOGMES : LA GRACE


l. VIII : « Le Christ, même en tant qu’homme, n’est pas seulement le Fils adoptif et choisi, mais le Fils propre et naturel de Dieu. » C. i, 1. Thomassin cite les paroles de l’Écriture où ce titre lui est donné, celles d’un grand nombre de Pères, Augustin, Grégoire Ildefonse, Paulin, et de plusieurs conciles. Pour plus de précision : « De même que, selon la chair, le Verbe Dieu est le propre fils de Marie, de même le Christ-Homme, à cause de la personne du Verbe, est le propre Fils de Dieu. » Ibid., 11. Nombreux textes, c. v-vn. Notre filiation n’est qu’adoptive, quoique très réelle : « Nous sommes choisis comme fils de Dieu parce que le Christ Fils naturel de Dieu s’introduit en nous, se revêt de nous ; et par là nous sommes profondément imprégnés et enveloppés de toute part, si bien qu’à sa ressemblance, nous devenons un seul Fils de Dieu avec lui. » C. viii, 1. Les raisons sont les suivantes : « Isaïe le nomme Père du siècle futur ; lui-même s’est dit l’Époux ; il appelle les Apôtres les fils de l’Époux ; la veille de sa mort il fait un testament, comme un Père à ses fils, il nous distribue sa fortune. Quand nous sommes privés de lui par son départ, il nous console comme des orphelins par la promesse de son retour ; nous sommes les fils de notre mère l’Église dont il est l’Époux. » C. ix, 15. Il mettra le comble à sa paternité par notre résurrection qui nous rendra impeccables.

h) Le Christ est étudié au 1. IX et X dans son rôle de médiateur et pontife. — Médiateur il l’est parce qu’il a opéré l’œuvre de notre salut : il y fallait un Dieu-Homme qui pût souffrir pour donner à la satisfaction une valeur infinie ; les païens se sont trompés, « parce qu’ils ont cherché un médiateur de la nature non de la grâce ». L. IX, c. ii, 5. Il l’est, non point seulement par ses actes, mais substantiellement parce qu’il est « Dieu avec Dieu et homme avec les hommes ». C. iii, 1. La prière qu’il a faite durant sa vie et qu’il continue au ciel est donc divine et, par conséquent, toujours exaucée, c. v ; le sacrifice de la croix est adéquat. C. xi.

Pontife et prêtre, il l’est parce qu’il a offert le sacrifice véritable dont les sacrifices de l’ancienne Loi n’étaient que la figure. Dieu n’acceptait ceux-ci que « comme des apprentissages d’enfants, des premiers éléments par lesquels l’âge inculte du genre humain serait initié et comme allaité et acquerrait des forces pour se dégoûter de la fadeur du lait et des éléments pour se hâter de goûter les délices d’un culte spirituel. L. X, c. v, 6. Le Christ fut prêtre dès le moment de son incarnation, c. viii. (On reconnaît le thème qu’a développé’le P. de Condren dans l’Idée du sacerdoce.) Seul, comme l’avait déjà vu Philon, il pouvait l’être, parce que seul il était exempt de péché et pouvait par la pureté de son âme être en état de se présenter devant Dieu. C. ix, 1. Thomassin cite Clément d’Alexandrie, Grégoire le Thaumaturge, Cyrille d’Alexandrie, Ambroise qui s’est inspiré de Philon. Ibid., 6. Le Christ est prêtre et victime tout à la fois : « Le sacrifice de la croix n’est pas seulement catholique, universel et répandu sur toute la terre, mais constant et éternel », c. x, 9 ; il continue de l’offrir au ciel : citations de l’épître aux Hébreux, c. ix ; des Pères grecs, Jean Chrysostome, Épiphane, Origène, Cyrille d’Alexandrie ; des Pères latins, Augustin, Tertullien, etc. : il n’est vraiment prêtre qu’en remontant au ciel. Thomassin a réuni dans ce 1. X ce que les Pères ont dit de mieux sur le sacerdoce de Jésus-Christ, sur le sacrifice de la croix et celui de la messe qui en est la continuation. « Quand j’y pense, je ne puis m’empêcher d’admirer l’inénarrable et incompréhensible sainteté du mystère chrétien et j’en demeure interdit… Quiconque lui a donné son nom doit se dévouer, s’immoler comme une hostie à l’amour de tous par le sacrifice quotidien

de soi-même et de ses biens… Tous ces fragments d’holocauste, si nous pouvons ainsi dire, font partie d’un seul holocauste d’une plénitude universelle. Tant de victimes ne sont que les membres d’une victime unique qui célèbre sur la croix son oblation sanglante et dans l’eucharistie son oblation non sanglante et qui s’incorpore toute oblation, sanglante ou non, de ses membres comme des éléments de sa propre immolation. » C. xx, 4, 6.

4. Le traité De incarnatione Verbi s’achève par De adoratione Christi, de cultu sanctorum, imaginum et reliquiarum (1. XI-XII). — L’humanité du Christ participe à l’adoration due à Dieu seul. C. i-m. Les anges ne reçoivent qu’un culte d’honneur, le reste est superstition ; même marque de respect est donnée aux saints : les Pères l’ont toujours soutenu contre les hérétiques, saint Jérôme contre Vigilantius, saint Augustin, Origène, saint Jean Chrysostome, etc. Les saints possèdent du divin en eux, mais, de plus, ils nous servent : « Ils sont enivrés, mais de Dieu qui se souvient de nous et qui nous aime… une telle charité ne peut demeurer oisive. » L. XI, c. viii, 1. « Ce n’est pas tant à eux-mêmes qu’à Dieu qui est en eux, que l’on adresse le culte, l’amour, l’invocation. » C. xi, 1.

Le culte des reliques des martyrs a été la cause d’une grande gloire pour la religion chrétienne, les Pères grecs le proclament ; les Pères latins y ont vu la marque de la victoire de l’Église. L. XII, c. i-n. Le culte de la vraie croix est légitime, c’est un culte de latrie relatif, les Pères l’ont reconnu ; il en est de même des représentations de la croix ; le culte des images des saints a été accepté depuis longtemps par l’Église comme un culte d’honneur relatif. C. xiii.

De la grâce et de la prédestination.

À l’époque

de Thomassin, la question de la grâce, de la grâce actuelle surtout, était vivement discutée. Dans la bulle Cum occasione du 31 mai 1653, le pape Innocent X avait condamné les cinq propositions formant le fond de l’Augustinus. Les jansénistes ayant prétendu, par la distinction du droit et du fait, que les propositions n’étaient pas dans ce livre, Alexandre VII, par la constitution Ad sacram beati Pétri sedem du 16 octobre 1656, déclara qu’elles en étaient bien le résumé ; en 1660, l’Assemblée du clergé, de concert avec le pape, pour rendre vaine la chicane du droit et du fait, avait rendu obligatoire la signature d’un formulaire qui condamnait les propositions dans le sens des déclarations précédentes. Quatre évêques, Caulet de Pamiers, Pavillon d’AIet, Arnauld d’Angers, Buzenval de Beauvais avaient refusé de signer, ainsi que les religieuses de Port-Royal. En 1668, l’année même de la publication de l’ouvrage de Thomassin sur cette question (cf. col. 789), on parlait de procéder canoniquement contre ces évêques, lorsque à la fin de l’année intervint un arrangement qui fut appelé la paix de Clément IX. On comprend donc que Thomassin ait traité le problème avec une particulière attention. Les deux premiers Mémoires sur la grâce furent traduits en latin et imprimés, en 1689, dans les Dogmata à la suite du De sanctissima Trinitate, t. iii, p. 384-656. Les t. VIII, IX, X du De Deo parlent de la prédestination et de la réprobation ; de l’accord des Pères grecs et des Pères latins antérieurs à saint Augustin avec lui et ses successeurs ; de la grâce très efficace nécessaire au moins à la conversion et à la persévérance finale, c’est-à-dire pour la réalisation de la prédestination gratuite, t. ii, 1684, p. 464-731, et reproduisent quelques parties des ive et v* mémoires.

Dans la préface des Mémoires, Thomassin prend nettement position parmi les modérés : « Je ne laisse pas, dit-il, de subir avec douleur la nécessité inévitable de choisir l’un des trois ou quatre partis qui, depuis environ cent ans, partagent l’École. Je voudrais bien