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TAULER. ÉCRITS
« la règle dans toute sa rigueur ». Vetter, serm. lvti,

p. 268, cf., p. 355, 434 ; Hugueny, t. iii, p. 46. 200. « Chez les dominicains de Strasbourg, dit le P. Théry, Tauler a lu et étudié saint Thomas. » Hugueny, t. i, Introduction, p. 15. Le chapitre général des frères prêcheurs de Saragosse, en 1309, avait imposé à l’ordre l’obligation de suivre la doctrine de frère Thomas. Tauler toutefois s’écarte assez souvent de la doctrine de l’Aquinate. C’est qu’en Rhénanie, au xive siècle, le thomisme ne régnait pas seul. La philosophie néoplatonicienne, connue surtout par les écrits du pscudo-Denys, y était très répandue. Nous trouvons fréquemment dans les sermons de Tauler, comme nous le verrons, des théories néoplatoniciennes utilisées pour expliquer l’union mystique.

Tauler étudia-t-il aussi à Cologne, où était le Studium générale des dominicains ? « Nous n’en avons aucune preuve directe ; mais le contraire me paraîtrait invraisemblable », dit le P. Théry. Ibid., p. 22. C’est là qu’enseignait maître Eckart, de 1321 à 1327. Tauler suivit sans doute ses leçons et devint l’un de ses plus fervents disciples. Il l’appelle dans ses sermons « un aimable Maître », « un grand Maître ». Vetter, serm. xv, p. 59 ; Hugueny, t. i, p. 297. À plusieurs reprises il essaie de donner un sens orthodoxe aux propositions d’Eckart condamnées par le pape Jean XXII, le 27 mars 1329. Cf. Vetter, serm. lxc, lxxxi, p. 293, 432 ; Hugueny, t. ii, p. 81 ; t. iii, p. 197.

Tauler fut surtout un grand prédicateur et un directeur de conscience apprécié. Nous verrons que ses seules œuvres authentiques sont ses sermons. Il a commencé son apostolat à Strasbourg, comme semble le laisser entendre une lettre d’un contemporain, Venturin de Bergame. adressée à Egnolf de Theuheim. Cf. G. Clementi, Un santo palriota. Il B. Venturino da Bergamo, Rome, 1909, p. 89 ; voir le texte, dans Hugueny, t. i, p. 29. Ce serait surtout dans des couvents de dominicaines qu’aurait prêché Tauler. Au xive siècle ces couvents étaient nombreux à Strasbourg. Spire, Worms, Mayence, Coblence, Bonn, Cologne, Medingen. Ils furent mis sous la direction des frères prêcheurs par le pape Clément IV en 1327. Le provincial dominicain de Teutonie et de Saxe, Hermann de Minden, décida que les prédications seraient données aux religieuses par des « frères doctes » et en conformité avec le degré de culture de leurs auditrices. Le P. Théry pense que la prédication de la haute et savante mystique de Tauler s’explique par là. Ibid., p. 35. Mais ce genre de prédication, si spécial, ne tient-il pas plutôt du milieu rhénan du xiv c siècle ? On ne le trouve, en effet, nulle part ailleurs tel quel. Et n’avons-nous pas quel ques sermons de Tauler adressés à de simples fidèles et où se trouve exposé un enseignement mystique élevé ?

Quelle fut l’attitude de Tauler au moment où le pape Jean XXII lança l’interdit sur les régions soumises à l’empereur Louis de Bavière "ù’a ville de Strasbourg était comprise ? Nous sommes peu renseignés à ce sujet. Cf. Théry, ibid., p. 37 sq. Ce qui est certain, c’est que, dans l’un de ses sermons, Tauler exprime son absolue obéissance au pape. Vetter, serm. xxxv, p. 255 ; Hugueny, t. iii, p. 100. Tauler a sûrement prêché à Cologne. Il a aussi séjourné et prêché à Bàle et à Medingen en Bavière. Très probablement, il visita Ruysbrœck à Grœnendall. Il mourut, en 1361, à Strasbourg, où l’on voit encore sa pierre tombale. Cf. A. Corin, La tombe de Johannes Tauler, dans la Revue belge de philologie et d’histoire, t. i, 1922, p. 665 sq.

IL Écrits. — Tauler n’a rien publié. Les sermons que nous avons de lui sont des résumés ou des sténographies plus ou moins fidèles de ses prédications faits par ses auditeurs et ses auditrices. Ils contiennent, sans doute, la doctrine exacte du prédicateur, mais les

nuances qu’il mettait dans l’exposé des questions difficiles ne sauraient y être cherchées d’ordinaire.

Tauler fut aussi un directeur spirituel très apprécié. Il a dû écrire un bon nombre de lettres de direction. Elles n’ont pas été conservées. Nous n’aurions, s’il faut admettre les conclusions des critiques, qu’une lettre, envoyée au début de l’année 1346 à deux religieuses du couvent de Medingen : Elisabeth Scheppæls et Marguerite Ebner. Cf. P. Strauch, Margaretha Ebner und Heinrich von Nôrdlingen, Fribourg-en-B., et Tubingue, 1882, p. 270.

La renommée du prédicateur fut telle, qu’on lui attribua, après sa mort, un bon nombre de sermons qu’il n’avait pas prononcés. Aux 84 sermons des éditions de Leipzig (1498) et d’Augsbourg (1508), l’édition de Bâle (1521) en ajouta 42 nouveaux. Enfin l’édition de 1543, attribuée à saint Pierre Canisius de Nimègue, en a 25 de plus. Total 151 sermons. Nous verrons que la critique a réduit de beaucoup ce chiffre.

Aux sermons apocryphes s’ajoutèrent des ouvrages doctrinaux que Tauler aurait composés. Comment admettre, en effet, qu’un esprit si puissant se soit contenté de la seule prédication ? Saint Pierre Canisius attribua à Tauler des instructions que le chartreux Laurent Surius traduisit en latin sous le nom d’Institutiones divinæ, Cologne, 1548. Une édition, publiée à Francfort en 1644, a pour titre Medulla animæ. Les 1 nstitutiones sont tirées des sermons de Tauler et d’autres écrits contemporains, comme le traité De prœcipuis virtutibus de Ruysbrœck. Elles sont donc une exacte expression de la spiritualité rhénane du xive siècle. Surius publia, en 1548, sous le nom de Tauler l’ouvrage célèbre : De vita et passione salvatoris nostri Jesu Christi qui édifia beaucoup d’âmes. Il est à croire que l’intention de justifier Tauler du reproche d’hétérodoxie, qu’on lui adressait au xvi 1 siècle, ne fut pas étrangère à ces attributions posthumes Enfin, en 1621, le protestant Daniel Sudermann fit paraître sous le nom de Tauler. V Imitation de la vie pauvre de Notre-Seigneur Jésus Christ ou Livre de la pauvreté spirituelle. N’est on pas allé jusqu’à tenir le disciple de maître Eckhart pour l’auteur de la fameuse Théologie allemande (ou Livre de la Vie parjaite)l » A. L. C-.rr dans Hugueny, t. i, p. 59. Attribution qui n’était pas, cette fois, de nature à assurer l’orthodoxie du mystique rhénan.

La crKique s’est chargée de rétablir la vérité, autant que ce i soit possible au sujet des écrits de Tauler. Le travail fut commencé par Charles Schmidt, Johannes Tauler von Strassburg, Hambourg, 1841. Il consista à revenir aux manuscrits des xiv c, xve et xvr 3 siècles contenant, en totalité ou en partie, les œuvres authentiques de Tauler. Les difficultés étaient grandes, car les sermons de Tauler, qui ont été conservés, sont des résumés faits par ses auditeurs. Les manuscrits présentent forcément des variantes, les résumés ayant été faits par des auditeurs différents et dans les divers dialectes rhénans du xive siècle. Le premier résultat de ce travail critique fut de ne retenir comme ouvrages authentiques du célèbre prédicateur que les sermons. Encore le nombre en a-t-il été réduit. La première édition critique des sermons de Tauler est de Ferdinand Vetter. Berlin, 1910 ; elle contient seulement 80 sermons. Depuis, on en a ajouté 3 autres reconn îs authentiques. Deux ont été publiés par D. Helander, J. Tauler als Prediger, Lund, 1923, p. 346 sq. ; e troisième se trouve dans l’édition critique des œuvres allemandes de Henri Suso de Bihlmeyer : Heinrich Suse deutsche Schriften, Stuttgart, 1907. Il est permis de croire que cette œuvre négative de la critique est exagérée : « Je ne doute pas, écrit M. Corin, que la critique revise, un jour prochain, son jugement et ne restitue au saint religieux telle des épîtres et telle des