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THOMASSIN. LES DOGMES : L’INCARNATION


un autre symbole tout semblable ; saint Ambroise relève la même similitude et ajoute que la mémoire se rapporte au Père, l’intelligence au Fils, la volonté au Saint-Esprit. Ibid., 9.

Autre comparaison : « Comme une fontaine qui déborde tout entière dans un fleuve, comme le soleil qui tout entier répand tout son être en splendeur, de même le Père épanche de lui-même son Fils tout autant qu’il est lui-même. » C. xix, 2. D’après Cyrille d’Alexandrie et d’autres Pères, de même que le Fils est le Verbe du Père, de même le Saint-Esprit est la sainteté du Fils et la plénitude de leur sagesse débordante. Ibid., 3. Selon Athanase, Dieu qui est par lui-même la Sagesse, immense, infinie, débordante, déborde tout entier, d’abord sur le Fils et sur le Saint-Esprit, ensuite sur les créatures. Ibid., 5. Les Latins préfèrent dire que l’homme est créé à l’image de Dieu mais que le Verbe est « tellement l’image du Père qu’il est l’essence même et la substance même du Père, de sorte qu’il ne peut exister aucune image de cette sorte. » C. xx, 1.

Similitudes prises des choses matérielles : le feu et sa splendeur, le miel et sa douceur ; ainsi saint Augustin, saint Ambroise. Saint Hilaire qui les connaît en fait remarquer la faiblesse ; Arnobe suggère celle de la veine, de la source, du fleuve : « La veine d’où jaillit la fontaine, représente le Père, de sorte que le Père est la veine, le Fils la source qui est née de la veine ; de la veine et de la source procède le fleuve, il n’en naît point. » C. xxvi, 14. Le Saint-Esprit procède seulement du Père et du Fils, il ne peut pas être dit le fils des deux ; tous les Pères l’affirment, mais saint Augustin avoue qu’il ne peut indiquer la différence. C. xxix, 2. Il dit aussi : « Si l’on me demande pourquoi trois personnes, notre réponse montre l’insuffisance de notre langage. On dit trois personnes, non pour l’affirmer, mais pour ne pas le nier. » De Trinit.. t. V, c. ix, cité c. xvii, 5.

4. Développement de la doctrine.

Les païens, soit tes philosophes, soit le peuple lui-même, ont bien pu soupçonner la Trinité et penser qu’il vaut mieux que Dieu qui est sagesse « soit fontaine de sagesse qu’une sagesse stérile et renfermée en elle-même », c. xxii, 9 ; mais, la superstition aidant, ils se sont faits plusieurs d’eux pères les uns des autres. Pythagore, Socrate et enfin Platon ont admirablement parlé « de la Sagesse éternelle, créatrice et administratrice du monde », c. xxiv, 5 ; mais leur langage est souvent très inexact et les Pères leur reprochent leurs hésitations et leur ignorance. C. xxxiv-xxxvi.

Le monde juif avait mieux conservé la révélation : Thomassin ne trouve pas de témoignage de la Sagesse divine antérieur à Moïse, dans le livre de Job : « La Sagesse où la trouver ? Où est le lieu de l’Intelligence », C xxviii, 12, ni dans le Deuténmome : « Ce commandement n’est pas au-dessus de toi… il est dans ta bouche, dans ton cœur ». C. xxx, 14. Les patriarches comme Abraham, les rois comme David, Salomon, les prophètes en avaient une notion plus ou moins complète : Thomassin pense même que Moïse en savait Il’le-.sus tout autant que saint Paul : « Personne ne doute que Moïse et saint Paul n’aient eu la même pensée sur ce sujet, mais l’un et l’autre ont adouci leurs expressions, comme il leur a paru convenable et opportun à leur époque ». C. xxiii..’{. Les Proverbes, l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique (attribué par lui à Salomon ) s’expriment avec une clarté de plus en plus grande, un peu voire I ou jours, pour habituer les peuples ; i la complète révélation : Par ces documents et psj d’autres innombrables, les Israélites et tout le genre humain s’accoutumaient à être moins étonnés, si un jour la doctrine d’un Dieu. Père du Verbe, « lu Verbe et de la Sagesse qui en provient, enfin du S.iini Bsprit était manifestement annoncée, ’) l’univers

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

entier. » C. xxiii, 5. Basile, Grégoire de Nazianze, Cyrille d’Alexandrie, Théodoret, Augustin, Grégoire le Grand expriment la même pensée. Ibid., 7-10.

Avec le Nouveau Testament, la doctrine est fixée, mais le dogme n’est pas encore approfondi et les Pères ont pu hésiter dans l’expression. Petau avait été excessif dans ses critiques. Voir J. Martin, Petau, dans Les grands théologiens, c. i, 2. Thomassin exagère peut-être dans un autre sens en retrouvant, dans tous les Pères depuis Justin, la doctrine explicite de Nicée ; il est donc loin de penser que les Pères anténicéens ont mal connu la Trinité et que, notamment, ils ont fait le Fils inférieur au Père : « Beaucoup ont adhéré à cette erreur que les saints Pères eux-mêmes avant le concile de Nicée n’ont pas pensé différemment de la Trinité que plus tard les ariens. C’est une pure méprise des hommes doctes et des ignorants. » C. xxxvii, 1. Il cite des affirmations concluantes de Clément Romain, Ignace et Polycarpe, c. xliv, de Justin, c. xlii, 4-5, d’Athénagore, de Théophile d’Antioche, 10 ; d’Irénée « Dieu a tout fait par son Verbe et son Saint-Esprit », c. xliii, 1, de Clément d’Alexandrie, d’Origène qu’il justifie en citant Athanase, c. xlvii, de Grégoire le Thaumaturge et de Denys d’Alexandrie, c. lxv, de Tertullien dont il veut que l’on ramène à un sens orthodoxe les passages les plus durs, « autrement il se serait trop contredit ». C. xxxvii, 9, de Cyprien dont la doctrine ne fut jamais attaquée, c. xl, de Lactance, chez qui il faut bien reconnaître un peu d’hésitation : « il ne dit pas avec assez de prudence ce qu’il sent ». C. xl, 10. Thomassin justifie aussi Lucien d’Antioche c. xlvi. À cette époque, dit-il, la doctrine recevait à peine son expression, inler ipsa pêne crepundia christianee doctrinæ. C. xlii, n. 11. À propos d’Athénagore, il reconnaît « qu’il ne fut pas assez précautionné pour penser ou parler de la Trinité », mais « en l’interprétant bien, il est facile de le ramener à l’orthodoxie ». C. xlii, 7. Thomassin essaie donc ici, comme il le fait à propos de la grâce, de concilier les partis extrêmes : « Tout notre effort tend à prouver que les Pères les plus anciens ont cru au Christ éternel, à sa perpétuelle coexistence et à sa consubstantialité avec le Père. » C. xlii, 3.

De incarnatione Verbi.

Disciple du P. de Bérulle,

Thomassin a pris un soin tout particulier à développer les principes posés par le fondateur de l’Oratoire ; il salue dans le Christ « la raison, mais souveraine, mais totale, mais se donnant et s’épancliant tout entière dans l’humanité » ; il le voit deviné par les anciens philosophes, préparé, prédit, attendu par le peuple juif, transformant ensuite la face du monde. Cette partie des Dogmata est celle qu’il a traitée avec une prédilection visible et qui se lit encore avec profit, spécialement les c. vii, viii, ix du 1. VI. Après une préface qui commence par l’éloge de Denys Petau, douze livres, dont les deux premiers traitent de la convenance de l’incarnation ; III-X de l’incarnation elle-même ; XI-XII de l’adoration du Christ et du culte des saints. Dans la préface, il énumère et réfute brièvement les hérésies qui ont surgi sur l’incarnation, soit chez les Juifs, soit chez les Grec, soit chez les chrétiens et qui sont résumées dans ce texte de saint Léon : les uns ont dit que la divinité était en lui, mais que la nature humaine n’y était pas ; les uns ont professé qu’il avait pris une vraie chair, mais qu’il’l’avait pal la nature du Père, etc. ». Serm. viii, Dr mit. Dominl, cité, Préface, vu.

1. (Convenances de l’incarnation (1. I et II). — Thomassin pense que l’incarnation n’était pas absolument nécessaire et que Dieu pouvait autrement réparer le sort du genre humain, mais elle faisait valoir la toute puissance, la s ; ip ; cssc, la boute’-, la Justice divines. I M

admettaient assez facilement que, depuis le

T. — XV.

26.