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THOMASSIN. LES DOGMKS : LA TRINITÉ


gents ; il sait beaucoup de choses qui ne sont point faites par lui : par exemple le péché et, s’il prédestine, ce n’est pas à la faute, mais au châtiment, il fait le mal de la peine, non du péché : « Tous les êtres viennent du souverain être et tout ce qui existe, In quantum sunt, est bon ». C. vii, 1. Thomassin cite là-dessus un grand nombre de textes d’Augustin et d’Anselme. C. viii. Les volontés ne sont pas déterminées à consentir au mal ; d’où la distinction admise par les Pères entre les actes que Dieu fa’t lui-même et ceux qu’il permet : il est tout puissant parce qu’il donne toutes les forces, il ne donne pas les volontés, il n’est donc pas l’auteur du péché. C. ix-xiv. Il ne crée pas la volonté perverse mais il l’ordonne dans le sens d’ordinare ; pour le dire avec saint Augustin : « De même que Dieu est le créateur excellent de toutes les natures bonnes, il est l’ordonnateur très juste, des mauvaises volontés. » De civ. Dei, t. XI, c. xvii, cité t. VII, c. xv, 1. Il le fait par des récompenses ou des châtiments et sa volonté s’exécute toujours.

Il convient d’ajouter avec le même Père que Dieu ne prévoit pas, il voit ; il n’y a point pour lui, comme pour nous, d’avenir ; sa science et sa toute puissance sont compatibles avec notre liberté et avec la contingence des événements ; mais, si les événements nous imposent des déceptions, ils ne peuvent en imposer à Dieu, l’ordre tel qu’il le veut se réalise toujours : « Il sait soumettre à l’ordre les âmes qui l’abandonnent et, parles lois très bien adaptées et très justes de son admirable providence, disposer les créatures qui, par leur juste misère, sont mises en état d’infériorité. » De eat. rud., c. xviii, 30, cité, c. xix, 12. Notre liberté ne dérange pas les plans de Dieu : « Que les choses se fassent ou qu’elles ne se fassent pas, elles tournent à la gloire de Dieu et rien n’est changé de l’ordre et de la beauté de l’univers. » G. xx, 7. Elle n’est pas non plus amoindrie par ses desseins : « Il est de l’ordre et c’est un effet de sa bonté de laisser toutes les natures agir selon leur propre génie et d’y pourvoir de plusieurs façons selon leur diversité ». C. xxii, 9.

Quant aux futurs simplement possibles et qui ne seront jamais réalisés, ils ne sont pas l’objet de la science de Dieu : « Comment, dit saint Augustin, peut-on appeler futur ce qui ne sera jamais ? » Epist., cxciv, ad Sixtum, 41, cité c. xxiii, 1. Si l’Écriture paraît attribuer cette science à Dieu, c’est que, s’adressant aux hommes, elle emploie un langage humain. Or « pour Dieu, il y a une très grande différence entre savoir et parler ; il sait pour lui-même, il parle pour nous ; par conséquent sa science lui est appropriée, sa parole l’est à nous, il énonce des propositions, il explique, il se sert de métaphores. » C. xxiii, 12.

3° De sanctissima Trinilale (t. iii, après les Prolegomena). — 1. Remarque préliminaire. — La raison pouvait avoir quelque chose à dire sur l’existence et les propriétés de Dieu, la sainte Trinité est tout à fait au-dessus d’elle ; elle la dépasse tellement que c’est folie de vouloir la nier. Tant de choses dans la nature qui ne sont pas des mystères restent inexpliquées, comment vouloir comprendre le divin ? Il ne faut pas prétendre en parler d’une façon pertinente : « Rare est l’âme qui, si elle en parle, sache ce qu’elle dit ». S. Augustin, Conf., t. XIII, c. xi, cité c. iii, 1. La difficulté de reconnaître trois personnes en un seul Dieu provient de ce qu’on se fait une idée fausse de cette unité : « On dit un seul, non pas pour marquer le commencement d’un nombre, mais parce qu’il est seul par son universalité ; que seul il embrasse tout, seul il est tout, que par conséquent nul autre ne peut être Dieu et Père ». C. iii, 8. Il est, dit Synésius, « la source des sources, le principe des principes, la racine des racines, l’unité des unités, le nombre des nombres », c. iv, 17 ; il convient d’en parler avec beaucoup de prudence,

car sur cette question, « toute notre théologie n’est qu’un balbutiement ». C. xxix, 14. Nous ne comprenons pas, nous devons croire et « par la foi atteindre l’impossible », comme dit Athanase. C. i, 3. « Ce n’est donc point par la dispute et la contention d’esprit, mais par la sainteté, la piété, la paix de l’âme, la modestie, la réserve qu’on en approche davantage, que la démonstration se fait plus claire et plus évidente. .. C’est à l’âme qui s’est éprouvée, qui s’est exercée, qui s’est purifiée, que brillera plus clairement quelque chose de cette très pure et très divine lumière. » C. iii, 1, 2. Aussi bien, saint Basile et saint Jean Chrysostome reprochent-ils aux hérétiques et en particulier à Eunomius de considérer leur intelligence comme la mesure absolue de l’intelligible. C. i, 5-12. Or, Dieu est au-dessus de notre intelligence et les Pères, tant grecs que latins, sont unanimes à réserver pour la foi l’étude et la connaissance de la Trinité. C. n-iv.

2. Notion. — Le point de départ pour les écrivains sacrés est celui-ci : Dieu est l’unité même, « mais cette unité ne nuit pas à sa fécondité puisqu’il est la plénitude, ni à sa plénitude pour être divisée puisqu’il est l’unité. Le Fils ne reçoit pas en partie seulement la substance du Père parce que la propriété particulière et la nature de cette substance c’est d’être la plénitude et l’infinité ». C. v, 1. C’est là l’essence divine constituée avant tout dans une très opulente unité : « Mais il en résulte que cette unité excellemment simple se répand ou plutôt se dilate en trois personnes et en effet les personnes ne s’écoulent pas de l’essence divine, mais de l’une d’elles en naissent deux et de nouveau, il arrive, de cette unité de principe, que ces trois personnes soient liées à ce Dieu un et souverainement un. » C. vii, 7. Saint Augustin est plus complet encore : « Il est dit du Père qu’il accomplit les œuvres, parce qu’en lui est la source des œuvres de qui les personnes qui coopèrent tiennent leur existence ; parce que le Fils est né de lui et que le Saint-Esprit procède principalement de lui, de qui est né le Fils et avec qui le même Esprit lui est commun. Serm. xi, De verbis Domini, c. xvi, cité c. ix, 6.

On ne peut pas dire que Dieu s’engendre lui-même, c. ix ; il vaut mieux l’appeler Père que non engendré, c. x-xi ; non seulement il n’est pas engendré, mais il est Père et fécond dans son propre sein par qui tout est fécond. C. xir. Sans doute la raison ne peut trouver cela : « Mais, lorsque la religion a insinué cette foi, que la piété, l’exercice, la méditation l’ont cultivée, souvent alors une lumière si intense, une clarté si brillante s’allume que désormais tout ce dogme ne s’appuie plus seulement sur la foi seule. » C. xiii, 4. Les c. xiv-xviii sont consacrés à étudier les relations mutuelles des trois personnes : la seconde peut être appelée le Fils, et le Saint-Esprit procède de l’un et de l’autre : le Père envoie le Fils et tous les deux le Saint-Esprit. « Le Père est principe d’unité, le Fils principe d’égalité, le Saint-Espiit principe d’union. » S. Augustin. De doctr. christ., t. I, c. v, cité c. xxv, 3.

3. Essais d’explication (c. xviii-xxxiiV — Thomassin pose ceci en principe : « Quelque lumière se lèvera pour expliquer la nature de la divinité de Dieu un et trine, si nous en recherchons de splendides vestiges dans les êtres intellectuels d’abord, et ensuite dans les choses matérielles. » C. xviii, 1. Augustin en voit un symbole dans le fait d’être, de connaître et de vouloir : « Ces trois choses ne font toutes trois ensemble qu’une même âme, qu’une même vie et une même nature intelligente et raisonnable ; et cependant il ne laisse pas d’y avoir entre elles de la distinction quoique cette distinction ne fasse pas qu’elles puissent jamais être séparées. » Conf., t. XIII, c. xi, cité c. xviii, 1. Vivre, comprendre et vouloir ou aimer est