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THOMASSIN. LES DOGMES : DIEU


pour l’expliquer et le prouver de belles citations du Phèdre, de la République et du Banquet de Platon ; de saint Augustin, de saint Grégoire de Nazianze, du pseudo-Denys.

Suprême beauté, Dieu est aussi l’amour souverain. Selon l’expression de saint Augustin, « les fidèles s’unissent à lui dans l’amour… Que personne ne dise : Je ne sais qui aimer. Qu’il aime son frère et il aimera l’amour même… Embrassez en Dieu l’amour même et embrassez Dieu par l’amour. Il est lui-même l’amour qui unit tous les bons anges et tous les serviteurs de Dieu par le lien de la sainteté, qui les unit, eux avec nous et nous avec eux, et nous soumet tous à lui. » Paroles d’or, comme les appelle Thomassin, montrant bien que celui qui aime son prochain, non seulement aime Dieu, mais le comprend. C. xxiii, 1.

Ces considérations se résument en ceci que Dieu est la vie absolue, « sans intermittence, sans défaillance et sans limites ; ce que l’École exprime quand elle dit qu’il est acte pur ». En disant cela, « on ne nie pas qu’il est une substance : il est à la fois substance et acte, il est à la fois acte et substance ». C. xxvi, 8. Cette vie est féconde et, sans sortir de lui, Dieu engendre toujours la vie et il l’engendre dans l’intelligence et dans l’amour.

4. Si nous voulons pénétrer davantage dans la nature de Dieu, nous ne pouvons procéder que par négation. — Thomassin consacre le 1. IV à l’affirmer à la suite de saint Anselme. — a) Quand nous parlons de la simplicité de Dieu, nous disons plutôt qu’il n’est « ni corps, ni corporel ». C. i. Saint Augustin fait honneur aux platoniciens d’avoir les premiers « dépassé tous les corps en cherchant Dieu ». D’autres mettaient le premier principe dans l’air, le feu, les atomes. Avec Augustin, « comprenons donc Dieu, si nous le pouvons et autant que nous le pouvons, comme bon sans qualité, grand sans quantité, comme étant partout sans être dans aucun lieu, éternel sans aucun temps ». C. iii, 2. — b) Son omniprésence consiste en ceci, qu’il contient le monde ; il n’est pas contenu par lui ; il est en tout en ce sens que tout est en lui : « Dieu n’est pas tant partout qu’il n’est l’ubiquité même », t. V, c. i, 10 ; il est présent substantiellement partout : « Il est partout et remplit tout, comme l’unité, parce qu’il est le lien de toutes choses à lui-même et entre elles-mêmes ; comme souverain bien en tant qu’il inspire à toutes choses l’amour du bien ; comme l’être, puisqu’il produit et conserve tout ; comme la vérité en tant qu’il donne à tous les êtres l’objet de l’intelligence et aux esprits la lumière et les idées pour comprendre ; comme beauté enfin, puisque toutes choses meuvent et sont mues par l’amour de la souveraine beauté. » C. i, 9. I.es Pères, spécialement Grégoire de Nyssc et Augustin, disent que Dieu est comme la main qui, après avoir tout créé, tient et conserve toutes choses. C. iv, 5, 8, 9. Mais il est plus présent dans les êtres raisonnables et dans l’âme des justes. Les anges, substances purement intellectuelles, ne marquent leur présence dans un lieu que par leur opération, mais ils ne peinent agir qu’ai un point à la fois, Dieu seul agit partout en même temps. C. V, 3. — c) L’immutabilité de Dieu, découle, selon les platoniciens, de son unité, mais cet attribut ne l’a pas empêché de créer dans le temps ni de traiter différemment les hommes : « Il n’est pas pins étonnant que l’immuable puisse faire tant de choses vai iables, qu’il puisse exister en tant de temps. » C. vi, 9. Ce qui a été affirmé, soit par les philosophes, soit par les Pères de l’immutabilité divine a son fondement dans l’Écriture dont Thomassin eite les pt in e.ipaux textes sur ce sujet. C. x, M ». Celle Immutabilité se retrouve, quoique imparfaite, dans les a i de Dieu, dans l’âme qui est Immortelle, dans le corps lui même qui ressuscitera Incorruptible, La chair

n’est pas seulement fiancée à l’esprit, mais elle lui est unie par une sorte de mariage indissoluble. » C. x, 17. — d) L’éternité, un des attributs que la philosophie ancienne a le mieux connu depuis Platon, est en dépendance de son unité et de sa puissance infinie : « Dieu existe avant et après tous les temps, non point par le temps, mais par l’éminence de sa puissance. » C. xi, 14. Elle diffère d’essence avec le temps, elle est tout à fait en dehors de lui ; il y a entre eux une différence de nature non de degré : « Le temps c’est le nombre, l’éternité c’est l’unité ; il est par rapport à l’éternité ce que la voix est pour l’intelligence. » C. xv, 1. Boèce en donne cette définition toute platonicienne : Interminabilis vitse tota simul et perfecta possessio.

6. Le t. VI, qui traite de la vision de Dieu, commence par poser la question du péché originel, entrevu par Platon, qui a déjà fort bien senti l’étrange et visible anomalie de la situation de notre âme vis-à-vis de notre corps et dont une chute primitive donne l’explication : « L’âme de l’homme a joui à son origine d’une vision claire de Dieu et tel est l’enseignement de Platon. » C. i, arg. Et cette vue de Dieu, ou plutôt la contemplation de la vérité éternelle, est presque, naturelle aux esprits éclairés et aux âmes raisonnables. Thomassin le prouve par le rapport qui existe entre notre intelligence et la vérité. C. ii, 1. Au moment de leur création, les anges et les hommes ont reçu le don de la contemplation et de la présence de Dieu si claire, si évidente qu’elle est appelée vision, jouissance, béatitude par les Pères. C. vi, 1. Ce qui en reste après le péché ressemble « au crépuscule qui termine un beau jour ou au point du jour qui annonce l’éternité ; c’est pour cela que, même aujourd’hui, nous comprenons beaucoup de choses sans représentation imaginaire, sans le secours des sens ». C.xii, 1. Il explique ainsi le ravissement en Dieu : l’âme reçoit alors une clarté rapide et momentanée de la vision de Dieu. Les anges qui ont persévéré et les âmes saintes qui oui dépouillé leur mortalité jouissent de la vue de Dieu, « béatitude unique et totale de la nature raisonnable », que lui confère la possession du bien parfait. C. xiv, 1-2. Toutefois, il y a des degrés dans la vision et dans la jouissance : les bienheureux voient tout en Dieu, dans le Verbe de Dieu ; ils voient aussi les choses en elles-mêmes, les misères qui nous affligent, les tourments des damnés. C. xvii. Mais cette connaissance toujours négative équivaut à l’ignorance : « Dieu est au-dessus de la vue, au-dessus de l’intelligence… Par conséquent, en voyant Dieu, nous ne le voyons pas, en le comprenant nous ne le comprenons pas. » C. xxi, (3. Voir aussi, t. IV, c. vi, 7, avec la citation de saint Anselme et c.xii, 14. Sur la contradiction réelle ou apparente entre ce qui est dit ici sur la connaissance négative et certains textes où Thomassin semble admettre une connaissance positive de Dieu, volt E. Martin, Thomassin, dans Les grands théologiens, p. 56-62.

7. Dans le t. VII, consacré à étudier la sciena Dieu, Thomassin commence par poser la question :

l.a science cxislc-l < lie en Dieu ? i El il répond avec Augustin : la science de Dieu diffère tellement de la science humaine qu’il serait ridicule de les comparer ;

l’une et l’autre cependant s’appt Ile cil s. Ad Sim plic, I. II, q. h. 2. cité c i. : '> ; nous ne noie- élevons de notre science a la science divine que par des oéga lions, lui il est la Vérité même. Mais il ne faut pas se figurer la première vérité comme quelque cime d’nisif ci de stérile, de languis ant 1 1° mort… Elle répand de tous côtés ses rayons ci, es bienfaits, soil dans les choses, soit dans les intelligences. C. i, 6. Dieu ne cesse d’administrer toutes les natures qu’il a créées, il ne i es c donc pas de les connaître, * continue même de les créer ! L’Écriture dit qu’il connaît l< tfait qui dépendent des èiies iu>n futurs eontin-