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THOMASSIN. LES DOGMES : I" lî *) LEGOM ÈNES


où l’on ne peut voir sans être ébloui les rapports, les convenances, les desseins, les vues et les autres merveilles qu’il y découvre ». Gloyseault, op. cit., p. 168. Thomassin commence sa préface en faisant du P.Petau un magnifique éloge : « Le premier de tous, Denys Petau, lumière incomparable de la très illustre société de Jésus, a commencé ce grand et très beau travail de publier l’ancienne théologie des Pères de l’Église et de mettre en quelques volumes toute la richesse des saints Pères et des conciles généraux. Seul Petau était capable de concevoir, de commencer, de perfectionner et d’achever cette œuvre si importante. » Préf., i, t. i. Avant eux Maldonat l’avait essayée. Voir ici, t. ix, col. 1772 ; quelques années avant Thomassin, le P. Jean Morin l’avait réalisée pour le sacrement de Pénitence. Voir ici, t. x, col. 2486. Après eux en 1700, le P. Annat, de la doctrine chrétienne, devait la continuer dans Apparatus ad positivam theologiam methodicus. Par la suite, les théologiens du xviii 6 siècle, Tournely, Billuart se trouveront obligés de joindre des notions historiques à leurs démonstrations scolastiques. Tombée dans l’oubli au cours du xixe siècle, la méthode créée par ces grands hommes reparaîtra aux dernières années du même siècle et sera assez forte pour empêcher la crise moderniste de faire le divorce entre la théologie et l’histoire.

1° Prolegomsna (t. m : XLvich., 176 p.). — Pour Thomassin, la théologie est la science des choses divines, non pas la science acquise simplement par la raison, mais celle qui a pour principe la foi. Aussi demandet-elle des dispositions du cœur : sa théologie est à la fois Theologia meniis et cordis. Il faut chercher Dieu par la piété, non par la curiosité ; si on le cherche, on trouve ; si l’on a soif, on boit ; si l’on a faim, on le goûte. Il faut commencer par croire et l’on comprend ensuite : « La foi cherche et l’intelligence trouve… mais elle cherche de nouveau celui qu’elle a trouvé. » S. Augustin, De Trin., t. XV, c. ii, n. 2, cité, c. i, 4. Mais plus encore la charité cherche et trouve : « Arrière donc l’obstination dans la contention ; mais que soit présent le soin de rechercher, l’humilité de demander, la persévérance à frapper ». S. Augustin, De Gen. ad litt., t. X, c. xxiii, 39, cité, c. i, 4.

1. Ces sentences de saint Augustin forment comme l’argument des six premiers chapitres et sont corroborées par un grand nombre de citations empruntées à Augustin lui-même, aux Pères grecs et aux Pères latins ; parmi ces derniers, sont cités, entre autres, Jérôme, Grégoire le Grand, Gassien, saint Bernard, Pierre le Vénérable ; parmi les Grecs : Clément d’Alexandrie, Origène, Jean Chrysostome, Grégoire de Nazianze. A propos d’Épiphane, est faite cette remarque, qui pourrait être répétée, que, dans toute intelligence bien disposée, la connaissance du dogme intéresse la volonté : « Épiphane l’affirmait après en avoir fait l’expérience, la connaissance des dogmes divins ne doit pas être décharnée et aride mais parfumée d’une certaine suavité, si du moins elle découle de la fontaine de la théologie chrétienne ». C. v, 1. Tout se ramène au mot d’Augustin : « On ne pénètre dans la vérité que par l’amour. » Cont. Faustum, xxxii, 18, cité dans Consensus, Prsef.. n. 29, in fine.

Par conséquent, l’hérésie provient de l’attachement à sa propre pensée, de la trop grande confiance en soi, autrement dit de l’orgueil ; il n’y a point d’hérétiques qui s’appuient sur l’Ecriture comme maîtresse de foi et de charité. C. xiii-xv. Thomassin cite là-dessus plusieurs textes d’Augustin, en particulier le commentaire du Duras est hic sermo de saint Jean et la réponse de saint Pierre : « À qui irions-nous ? N’avez-vous pas les paroles de la vie éternelle ? » : « Il ne comprenait pas encore ; mais il croyait pieusement que les paroles qu’il ne comprenait pas étaient bonnes. Si donc

cette parole est dure et que tu ne la comprennes pas, qu’elle soit dure pour l’impie, mais qu’elle soit amollie pour toi par la piété. » Énarr. in Psal., uv, 23, cité c. xv, 4. « Ce n’est donc pas l’ignorance qui fait l’hérétique, mais la défense obstinée de l’erreur », c. xvii, 8 ; l’auteur apporte pour le prouver de très beaux textes de Facundus en particulier et de Pierre le Vénérable. Ibid., n. 13.

2. Ce qui vient d’être dit est la condition de la foi, qui s’appuie sur l’autorité des Écritures et de la Tradition, mais avant tout et directement sur celle de l’Église. Thomassin consacre les c. xi-xvi à l’Écriture exempte d’erreur en elle-même, mais quelquefois mal interprétée par les hérétiques. Il faut avec Augustin la rapporter tout entière à Notre-Seigneur : « Ramenons-la toute au Christ, si nous voulons suivre le chemin de la droite intelligence ; ne nous éloignons pas de la pierre angulaire, pour que notre intelligence ne tombe pas en ruine. » In Psal. xevi, 2, cité, c. xi, 6. Elle suppose en nous la charité pour être bien comprise et elle la développe. C. xii.

Les écrivains ecclésiastiques qui représentent la Tradition ont pu errer sans être hérétiques, parce qu’ils ont accepté les critiques des autres : Athanase a corrigé Denys d’Alexandrie ; saint Basile a fait de même pour Grégoire le Thaumaturge, etc. C. xviixxin. Aussi appartient-il à l’Église d’interpréter les Écritures en dernier ressort, c’est à elle en définitive qu’il faut avoir recours. Tertullien le constatait déjà. « À qui appartiennent les Écritures ? et la foi, de qui est-elle émanée, par qui, quand et à qui a été donnée la doctrine qui fait les chrétiens ? » De præscrip., c. xviii et xix, cité c. xiii, 5 ; Écriture et foi appartiennent à l’Église romaine « fondée par les apôtres, mère de toutes les autres ». Ibid., xx. C’est le principe qui réglera les discussions. Par ailleurs, le consentement unanime des Pères manifeste la vraie foi, que l’Église définit quand elle le croit opportun. Voir de nombreux textes rassemblés, c. xix-xxii, xxiv, xxvi,

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3. Quand l’Église définit un nouveau dogme, elle ne le crée pas, mais elle manifeste la tradition qu’elle ne reproduit pas dans les mêmes termes, ni en termes immuables : « Bien que, écrit saint Iréuée, il y ait dans le monde des manières différentes de parler, il existe cependant une seule puissance de tradition. » Cont. hæres., i, x, citée, xviii, 2. Cette force qui réside dans l’Église désigne une connaissance toujours vivante : révélée d’abord par Jésus-Christ aux Apôtres et répandue par eux, elle est conservée par l’Église. La tradition est donc bien la vivante continuité du dogme gardée par l’Église : « Des Églises répandues sur toute la terre, saint Irénée enseigne qu’elles ont reçu la prédication el la foi qui leur est arrivée par la parole ou par l’Écriture depuis le Christ et les apôtres et elles l’ont conservée intacte par le consentement admirablo de tous, de sorte que ceux qui ont un seul cœur, une seule àme, ont une même manière de parler. » C. xviii. 2. Voir les textes sur lesquels il s’appuie surtout dans ce chapitre ; mais de xiii à xxxiv, l’abondance sur ce sujet est telle, le choix si judicieux qu’on peut les considérer comme à peu près complets. D répond par là aux deux objections de l’immobilité de l’Église et du changement. Voir De Deo, t. IX, publié en 1684, et Prolegomena, t. iii, publiés en 1689.

4. Thomassin étudie ensuite le profit que la théologie peut tirer et a tiré en effet de la philosophie, et surtout de celle de Platon : saint Augustin y a appris à mieux parler du Verbe divin, des natures incorporelles ; il s’enflamme pour la sagesse en lisant V Horlensius de Cicéron. C. xxxv, 4, 7. Lactance trouve Platon omnium sapienlissimus, c. xxxvi, 1 ; saint Ambroise méprise la philosophie, mais seulement « celle qui est