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THOMASSIN. LES DOGMES THÉOLOGIQUES


devenu supérieur général supprima le livre de son propre mouvement et mit sous clef les exemplaires à Saint-Magloire. Quelques-uns échappèrent et servirent à l’Université, qui disputait à l’Oratoire le collège de Provins, pour produire plusieurs libelles infamants contre la congrégation. Il y eut un épilogue. Au moment de la mort de Thomassin, on apprit que des exemplaires des Dissertationes se vendaient rue Saint-Jacques ; grand émoi dans le conseil qui renferma les exemplaires restant dans une armoire dont la clef fut remise sur sa demande à Mgr l’archevêque.

Thomassin s’attendait-il à tant d’éclat ? Non sans doute. Il n’était pas toutefois sans inquiétude, car il ne voulait pas imprimer son livre et n’avait cédé qu’à un ordre formel du conseil. Le nonce venait d’exiler les PP. Séguenot, du Breuil et Juannet aux trois coins de la France, encore que les accusations relevées contre eux manquassent de fondement ; il valait mieux lui donner satisfaction et accomplir comme il le demandait un acte positif en faveur du Saint-Siège. En 1676, les Romains, qui possédaient un exemplaire du livre, voulurent l’imprimer chez eux ; Thomassin qui l’apprit supplia, dans une lettre du 24 janvier 1676, le P. de Sainte-Marthe de s’y opposer ; l’affaire n’eut pas de suite. L’ouvrage fut réédité à la fin du t. in des Dogmata.

2. De l’époque de Saint-Magloire est aussi l’ouvrage suivant : Mémoires sur la grâce où l’on représente les sentiments de saint Augustin et des autres Pères grecs et latins, de saint Thomas et de presque tous les théologiens jusqu’au concile de Trente et, depuis ce concile, des plus célèbres docteurs des Universités d’Italie, de France, d’Espagne, d’Allemagne, des Pays-Bas et d’Angleterre, Dictés en l’année 1668 au séminaire Saint-Magloire à Paris par le R. P. X*** de l’Oratoire de Jésus ; ouvrage qui peut servir à réunir les opinions qui partagent l’École. Louvnin, 1668, 3 vol. in-12. Le titre seul est tout un programme et témoigne de l’esprit de conciliation de l’auteur. Thomassin lisait beaucoup et dans tous les sens, les Pères grecs aussi bien que les latins ; il remarquait bien que les premiers étaient beaucoup moins excessifs que les seconds et en particulier que saint Augustin. Il avait donc « imaginé une théologie de la grâce où la science moyenne et la prédestination physique, étaient, si j’ose dire, renvoyées dos à dos. Autant que je puisse comprendre, c’est déjà un peu le système qui, refaçonné plus tard par Nicole, provoquera chez le grand Arnauld, de si douloureuses convulsions ». H. Bremond, Hist. litt. du sentiment rel., t. vii, p. 378. Cette fois, le parti janséniste comprit qu’il n’avait plus rien à attendre de Thomassin : Etant jeune, dit Batterel assez dépité, il s’était d’abord fort attaché aux sentiments de Messieurs de Port-Royal. La lecture des Pères grecs les lui fit abandonner dans la suite ; et il songea à les réconcilier iiviT saint Augustin. C’est ce qui nous a enfanté ses Mémoires et son système sur la grâce ». Op. cit., p. 487. « Il ne s’en fallut guère, ajoute Hichard Simon, que cet ouvrage n’eût le même sort que les remarques sur onciles. M. le chancelier Scguier, à qui on dit que l’auteur y parlait de la prédestination et de la grâce, voulait l’arrêter, de crainte qu’il ne réveillât les vieilles querelles. Ce sage magistral, qui n’était pas théologien, crut que parler de la prédestination c’était renouveler le jansénisme ». l.ett. choisies, I. i. p. 204. Le livre était plutôt dirigé contre l’augustinisme extrême et fut fort peu goûté de Port-Royal. Il put avoir une seconde édition imprimée cette fois à Paris et avec

le nom de l’auteur : Mémoires sur la grâce où l’on représente le-, sentiments de suint Augustin et tics autres…, etc., 2e édition revue, corrigée et augmentée par le P. Louis thomassin prêtre de l’<)ratoire, Paris. 1681, .’( vol. in 12 ; 3 1 éd., Paris, 1682, 2 vol. in 4° augmentée

de deux mémoires. L’ouvrage fut encore réimprimé, en latin cette fois, et avec le titre Consensus Scholæ de gratia, dans le t. m des Dogmata.

À la maison d’institution.

En essayant de concilier

les opinions extrêmes, Thomassin avait mécontenté beaucoup de monde, en particulier le P. de Sainte-Marthe, supérieur général depuis 1672, qui souffrait de l’éclat fait autour d’idées qu’il n’approuvait pas tout à fait. Très augustinien et sacrifiant facilement ceux qui ne partageaient pas ses vues, il ne voyait pas d’un bon œil Thomassin au séminaire Saint-Magloire ; il l’engagea, sous le prétexte d’avoir plus de temps pour composer ses ouvrages, à aller demeurer à la maison de la rue Saint-Honoré ; mais, à peine arrivé de quelques jours, Thomassin n’y voulut plus rester parce qu’il n’avait pas de jardin pour s’y promener selon son habitude ; il vint donc à la « maison d’institution », aujourd’hui infirmerie Marie-Thérèse, où il demeura seize années de suite jusqu’en 1689, « avec une telle régularité et tant d’édification qu’il la dédommagea amplement de la brèche faite à ses statuts pour lui faire avoir une place. C’était l’homme du monde le plus exact. Qui l’a vu un jour, l’a vu tous les jours de sa vie. Après l’oraison et la messe il donnait quatre heures à l’étude, trois heures l’après-dîncr, jamais davantage ; jamais d’étude la nuit, ni à l’issue de ses repas ». Batterel, op. cit., p. 492. Il disait son office et remplissait ses autres devoirs religieux toujours à la même heure. Nul n’était plus ménager de son temps et ennemi des visites ; c’est à cette régularité que nous sommes redevables des nombreux ouvrages qu’il a composés et qui, à peu près tous, ont été publiés pendant son séjour dans cette maison. Il ne devait la quitter en 1690 que pour retourner à Saint-Magloire, où il mourait le 24 décembre 1695 à l’âge de 76 ans ; il en avait passé 63 dans la congrégation .

II. Les dogmes théologiques.

Bien que l’Ancienne et nouvelle discipline… ait été publiée en 1678, avant les Dogmata theologica, et qu’elle soit regardée comme le chef-d’œuvre de Thomassin, il faut parler avant tout de ce grand ouvrage qu’il avait commencé trente ans auparavant à la demande de son supérieur général le P. Bourgoing. Le t. i, De incarnalione aurait dû venir après le traité De Deo ; mais Thomassin raconte que, commencé plus tard, il avait été terminé le premier et depuis vingt ans qu’il attendait « il était en danger de pourrir dans une armoire ou d’être mangé des vers ». Préface, n° 3. Dogmatum theologicorum prior proditde Verbi incarnalione, tomus unicus, Paris, 1680, in-fol., 922 p. Le t. ii, De Dco, Deique proprietatibus, Paris, 1684, In -fol., commencé trente ans plus tôt, avait été plusieurs fois interrompu ; le t. iii, Paris, 1689 in-fol., contient : 1. Prolegomena ; 2. De Trinilate ; 3. Consensus Scholæ de gratia… Traduction latine des Mémoires. Dissertationes. L’ouvrage a paru en 2e édit., Venise, 1730, 3 vol. in-fol., et a été réimprimé par Vives. Paris, 1867-1870, 6 vol. in-4°, plus un vii lume d’index. Ces deux éditions ont Conservé la disposition primitive. Il faut donc, pour avoir l’ordre logique, commencer par les Prolegomena. t. iii, revenir au t. h. De Deo, et continuer par le t. iii, De sanctissima Trinitutc, achever pat le t. i. De incarnationc Verbi et la fin du t. iii, De consensu. I.e I’. Pc ! au. voir ici t.xii, col. 1313 sq., avait donné un ouvrage considérable du même genre. 1644 1850. Loin d’en être gêné, Thomassin crut honorer la mémoire du savant jésuite en continuant son plan et en suivant mti la différence entre les detu o’i st que le premier - eu la gloire d’avoir traité cette matière importante en excellent historien, et le second d’avoir pénétré heu m h nient dans ce que les mystères onl de plus i et de iiiiis sublime, surtout à l’égard de l’incarnation,