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TATIEN — TAULER


Puech, ont pensé que le silence de Tatien s’expliquerait par son doeétisme. Mais, lorsqu’il écrivait le Discours, Tatien était encore orthodoxe. En réalité, il n’entrait pas dans sa perspective de raconter l’histoire du Sauveur. Il lui suffit, pour préparer les âmes à la foi, de combattre le paganisme et de mettre en relief les principes de la théologie chrétienne. L’explication de l’Évangile ne fait pas partie des thèmes qu’il s’est proposé de développer.

L’anthropologie de Tatien est peu explicite. L’homme se compose du corps et de l’âme. Il est fait à l’image de Dieu et possède la liberté. Orat., vu. Il peut ainsi accueillir ou rejeter l’Esprit de Dieu : ceux qui l’écartent et lui désobéissent se montrent ses ennemis. Il possède par grâce, mais non par nature, l’immortalité qui, en elle-même, est le partage exclusif de Dieu. Ibid. Tatien va jusqu’à dire que les âmes justes elles-mêmes sont dissoutes pour un temps, Orat., xiii, mais qu’elles renaîtront grâce à l’union qu’elles ont eue ici-bas avec l’Esprit. La résurrection de la chair est par contre fortement affirmée contre les païens. « Il faut ajouter que Tatien distingue deux Esprits, Orat., xii ; un esprit inférieur qui anime et différencie les astres, les anges, les hommes, les animaux ; il le conçoit comme le faisaient les stoïciens ; et, d’autre part, un Esprit supérieur et divin, qui est identifié avec la Lumière et le Logos. Ibid., xiii. Il faut sans doute entendre par là la nature divine : si l’âme s’unit à cet Esprit, elle forme avec lui un couple ou syzygie selon la volonté de Dieu. Ibid.. xv. Cette conception a une couleur gnostique évidente ; de même l’opposition établie entre les psychiques et les pneumatiques. » J. Lebreton, Histoire du dogme de la Trinité, t. ii, p. 491, noie.

IV. L’hérésie de Tatien. — Lorsqu’il écrivait le Discours aux Grecs, Tatien était encore orthodoxe : ce ne sont pas quelques expressions suspectes qui peuvent nous faire mettre en doute son appartenance à la grande Église et il ne semble pas juste d’écrire à son sujet : « L’autorité théologique en est médiocre, venant d’un homme déjà à demi engagé dans l’hérésie. » J. Lebreton, op. cit., p. 487-488. Il ne convient pas, sans doute, d’attribuer à Tatien une autorité à laquelle il n’a jamais prétendu : comme beaucoup d’autres, il a été un docteur privé et il a enseigné sous sa propre responsabilité. Il est un témoin de la foi, assurément, mais il n’a pas la valeur d’un représentant officiel de la tradition. Par contre, on ne saurait dire qu’il était déjà à demi engagé dans l’hérésie lors de la rédaction du Discours : même ce qu’il écrit sur la matière, Orat., xvin, ne nous autorise pas à parler ainsi.

Le premier auteur qui nous renseigne sur l’erreur de Tatien est saint [renée, (’.ont. hær., i, xxviii, 1 : nous avons vu qu’il attribue la chute de l’apologiste a l’orgueil qui s’empara de lui après la mort de Justin. « Quelques uns, écrit-il, contredisent le salut de notre premier père : Tatien le premier a introduit ce blasphème. .. Il Imagina des éona invisibles comme ceux qu’on trouve dans les fables de Valent in ; comme Marcion et Saturnin, il appela le mariage une corruption el débauche ; de lui-même, il soutint qu’Adam n’est DM sauvé. » Cette notice est I rop brève pour nous faire Connaître au juste la doctrine’le tatien. Deux points

seulement y paraissent en lumière : le rejet du salut d’Adam et la condamnation du mariage. Si saint [renée insiste sur le premier point, c’est parce qu’il s’y interesse davantage et qu’il le trouve plus important. Mai, on j ii- 1 1 1 cioue qui’la répudiation du mariage a

tenu une place plus considérable dans la pensi

i itien. fin moins, lorsque Clément d’Alexandrie

de lalien et rappelle son OUVrage Sur In /"

lion d’après le Sauveur, il ne lui reproche que ses docnu. i. 1)1. I IIK’U. C* I ll"l..

trines encratites et il s’attache à les réfuter en prouvant l’excellence du mariage.

Les hérésiologues postérieurs ont reproduit, avec des additions ou des commentaires plus ou moins étendus, les données de saint Irénée. Cf. Hippolyte, Philosoph., VIII, xvi, 20 ; Pseudo-Tertullien, Adv. omnes hæres., xx ; Eusèbe, Hist. eccles., IV, xxviiixxix ; Philastrius, Hæres., xlviii, lxxii, lxxxiv ; Épiphane, Hæres., xlvi, xlvii. Il est permis de se défier de ces commentaires. Eusèbe et Épiphane, par exemple, font de Tatien le fondateur de la secte des encratites, alors que saint Irénée rattache expressément sa doctrine sur la continence et sur le mariage à Saturnin et à Marcion.

De fait, on peut relever tout le long du iie siècle, l’existence d’une tendance à la condamnation de la matière et par suite de la chair et du mariage. Cette tendance se manifeste aussi bien chez des auteurs qui paraissent sincèrement attachés à la grande Église que chez des écrivains franchement hérétiques et elle ne suffit pas à elle seule à caractériser une secte.

Nous n’avons donc, à tout prendre, que des renseignements insuffisants sur l’hérésie de Tatien, puisque nous ne savons pas dans quelle mesure il s’est fait le disciple de Valentin en imaginant des éons invisibles. Si cette donnée est exacte, il faudrait conclure que l’apologiste a fini par sombrer dans le gnostieisme. Mais ce n’est pas cela qu’on a surtout retenu dans la suite. On a été beaucoup plus frappé par l’encratisme de Tatien et cela peut suffire à expliquer qu’on lui ait cherché des précurseurs gnostiques.

Eusèbe, Hist. eccles., IV, xxix, 4, 5, parle d’une seele de sévériens, issue d’un certain Sévère, qui aurait encore renchéri sur l’hérésie de Tatien. Mais la description qu’il en donne est plutôt faite pour rattacher les sévériens aux judéo-chrétiens. Le souvenir de Tatien s’effaça d’ailleurs assez vite dans le monde gréco-romain, il ne resta vivant que dans les Églises syriaques où l’on continuait à utiliser le Dialessaron.

Le Discours aux Grecs figure dans P. fi., t. vi et dans le Corpus apologetarum de Th. Otto, Iéna, 18117-1872. Il a été encore édité par E. Schwartz, dans Texte und l’ntersuchungen, t. iv, fasc. 1, Leipzig, 1888, el par E.-J. Goodspeed, Die attestai Apologeten, mi t. Plusieurs passages en sont traduits en fiançais par. I. Rivière, Les apologistes du deuxième siècle, Paris, 1907.

A. Puech, Recherches sur le Discours aux (irecs de Tatien, suivies d’une traduction française du Discours, Paris, 1903 ; .1. Geficken, Y.ivci griechische Apologeten, Leipzig, 1906 ; A. Puech, Les apologistes arecs du deuxième siècle, l’aris,

1912 ; R.-C. Kukula, Talions sogenannte Apologie, Leipzig,

1910 ; J. Lebreton, Histoire du dogme de la Trinité, Paris, 1928, t. ii, p. 485-491 ; V. A. -S. Little, The christologu o/ Ihe Afmloaist*, 1934.

G. Bardy,

    1. TAULER##


TAULER, prédicateur et écrivain mystique, de l’ordre des frères prêcheurs (xive siècle). — I. Vie. II. Écrits (roi. 67). III. Doctrine (COl. (il)). IV. Controverses post humes (eol. 7.")).

I. VIE. On connaît peu de détails certains sur la vie de Tauler. Il est né à Strasbourg vers la fin du xme siècle ; impossible de préciser l’année. Sa famille était aisée. Il laisse entendre dans l’un de ses sermons qu’il aurait pu vivre de « l’héritage i de son père. et ter, Die Predigten Tauler », serm. i. i, p. 262 ; cf. Hugueny-Théry Corin, Sermons de Tauler. Traduction sur

les plus anciens manuscrits allcrnunils, serm. i.

(. iii, p. 158. Il entra vers 18 ans chez les dominicains

de Strasbourg. Contrairement aux dires de « la plupart » (les auteurs protestants. Tauler s’estima ton jours heureux d’être frère prêcheur. Ycller, serm. i.m,

p. 261 ; Hugueny, t. m. p. 158. À plusieurs reprises.

il exprime, dans ses Sermons, la tristesse qu’il éprouve de ne poUVOlr, à cause de sa faible saute, observer

T. - X 3