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THOMAS D’AQUIN (SAINT)


exponere Sacram Scripturam quam Spirilus Sanctus efjlagital qui ad hoc expositionem sacrée Scripturæ intorquet quod contrariatur ei quod est per Spiritum Sanctum revelatum. Sum. theol., Ila-II 18, q. xi, a. 2, ad 2um. Ce qui revient à dire que tout ce qui n’est pas contraire à l’Écriture peut être regardé comme conforme à son enseignement selon le mot de saint Anselme cité plus haut. Car il est toujours utile de se référer aux Pères, même pour des vérités que la raison humaine ne saurait suffisamment comprendre telle la pluralité des personnes dans l’unique nature divine ; talis inquisitio non est inutilis, cum per eam elevetur animus ad aliquid veritatis capiendum quod sufficiat ad excludendos errores. De potentia, q. ix, a. 5. En somme, il faut tenir le juste milieu : multorum opinionem non est necesse esse veram simpliciter, sed secundum partent, In 7V um Sent, dist. XLIX, a. 1, sol. 1, ad l um ; mais, d’autre part, quod ab omnibus communiter dicitur, impossibile est totaliter esse falsum. Cont. Gent., t. II, c. xxxiv.

Il reste néanmoins que « là où il y a doute, il ne faut pas donner avec trop de facilité son assentiment ». Quodl. iii, a. 10. Comment faut-il dissiper ce doute et comment juger la valeur doctrinale des textes patristiques ? Saint Thomas n’indique qu’un seul moyen : l’appel à l’autorité de l’Église interprète des Écritures et dépositaire de la Tradition. Quodl. iii, a. 9 et 10. La nature et la valeur de l’auctoritas ne s’expliquent qu’en fonction des sources proprement dites de la foi, quia et ipsa doctrina catholicorum doctorum ab Ecclesia auctoritatem habet : unde magis est standum consueludini Ecclesiæ quam vel auctoritati Augustini vel Hieronymi vel cujuscumque doctoris. Quodl. ii, a. 7 ; Quodl. ix, a. 16 ; Sum. theol., IIa-IIæ, q. x, a. 12 (qui est la reproduction presque textuelle du Quodl. ii, a. 7). Or, saint Thomas identifiait ou à peu près l’autorité de l’Église à celle du pape, Sum. theol., loc. cit., et q. xi, a. 2, ad 3um : quæ quidem auctoritas (Ecclesiœ) principalis residet in summo pontifice… contra cujus auctoritatem nec Hieronymus, nec Augustinus nec aliquis sanctorum doclorum suam sententiam défendit.

Les Pères sont donc les interprètes de l’Écriture sous le contrôle de l’Église et puisque l’Église universelle est infaillible, la doctrine des témoins de cette Église doit être regardée elle aussi, comme telle. Il reste une difficulté : les contradictions vraies ou apparentes des Pères. La réponse à cette difficulté ne pourrait que confirmer ce qu’on vient de lire. Voir textes et références dans notre article cité p. 143-145. Cf. In II™ Sent., dist. XII, a. 2 ; dist. XIV, q. i, a. 2.

VI. conclusion.

La documentation patristique de saint Thomas d’Aquin dont on vient de retracer un aperçu général, occupe sans aucun doute une place considérable dans l’étude de ses doctrines. Et cet aperçu général sur l’ensemble de son œuvre théologique fait entrevoir l’intérêt des recherches historiques sur les sources de sa doctrine. Il est parfaitement inutile d’insister sur telle ou telle conclusion qui se dégage d’elle-même de l’exposé qu’on vient de lire. L’histoire de la pensée de saint Thomas, son évolution, ses racines, sa portée, sa valeur, tout cela sera d’autant mieux connu que nous serons mieux renseignés sur sa documentation. Sans aucun doute, la doctrine elle-même en sortira mieux éclairée.

Si nous connaissions suffisamment la méthode des scolastiques, tout cela serait évidemment superflu. Mais, précisément, pour connaître la méthode scolastique il faut avoir pris contact avec les œuvres et la technique théologique des grands théologiens du Moyen Age. Nous devons dépister les traces que l’ancienne littérature chrétienne et le haut Moyen Age ont laissées dans leurs travaux, grâce aux nombreuses

citations que nous trouvons chez les médiévaux. Mais il faut surtout retrouver la mentalité avec laquelle les grands scolastiques ont travaillé. Il faut refaire leur œuvre, suivre leur labeur, repenser leurs idées. Seul un effort soutenu permettra d’arracher aux vieux textes la vie si riche et la pensée si originale qu’ils ont cachées trop longtemps. « Pour nous, hommes d’aujourd’hui, le nom de scolastique ne rend pas un son favorable. » C’est en rappelant ces mots de S. Kriiger, que Mgr Grabmann commençait en 1909 son œuvre monumentale sur la méthode scolastique. Depuis cette date on a tiré du Moyen Age des renseignements inconnus, qui ont donné un démenti éclatant aux préjugés de ceux qui n’avaient pas pénétré dans les secrets des œuvres ni vécu dans l’intimité des textes. Saint Thomas d’Aquin reste le prince des scolastiques, à tout point de vue. Mais il faut lire toutes ses œuvres, sans en excepter aucune ; et il faut étudier chaque œuvre à part et chaque traité et chaque matière en particulier. Et il faudra remettre le tout dans l’ensemble. Et il faudra en plus l’étude comparative avec les contemporains. Car tout cela est une condition indispensable et préliminaire pour avoir une vue exacte et complète sur son originalité en même temps que sur la valeur et la place exceptionnelle qu’on doit lui reconnaître. Dans ce but, on voudrait attirer spécialement l’attention sur les études lexicographiques, car les mots sont les véhicules des idées. En second lieu, il faut exiger une connaissance parfaite du traité des modussignificandi, car une saine dialectique — cette disciplina disciplinarum comme saint Augustin l’appelait — est indispensable pour saisir correctement le procédé et l’idée exacte des médiévaux. Eux-mêmes ont abordé les sources avec cet instrument de travail. Saint Thomas a eu une connaissance des Pères, qui, pour son époque apparaît assez détaillée. Il a repris la moelle de leur doctrine et de ce contact il lui est resté parfois quelques procédés techniques. Mais son originalité consiste dans le fait qu’il a donné une synthèse de tout ce qui était durable dans l’œuvre théologique du passé. Le cardinal Cajétan disait de lui : fundamentum auctoris esse solidum, peripateticum et consonum, non solum sibi, sed sacris doctoribus. Quos quia summe veneratus est auctor, ideo intellectum omnium quodammodo sortitus est. In Summam theol., IIa-IIæ, q. cxlviii, a. 4, fine. Ce jugement ne doit pas être revu par l’histoire.

Renseignements importants dans les ouvrages ("énêraux sur les méthodes des scolastiques ou sur saint Thomas.Voir par exemple M. Grabmann, Thomas von Aquin. Eine Einfùhrung in seine Personlichkeit und Gedankenwelt, Munich, 6 « éd., 1935, surtout p. 32-60, 204-216 ; A. Landgraf, Les preuves scriptwaire et patristique dans l’argumentation théologique, dans Rev. sciences philos, et theol., 1931, p. 287-292 ; et plusieurs articles parus dans le recueil Aus der Geisleswelt des M. A., entre autres : J. de Ghellinck, Patristique et argument de tradition au bas Mogen Age, p. 403-426 : L. Baur, Die Form der wissenschaftlichen Kritik bei Thomas von Aquin, ibid., p. 688-709 ; voir aussi J. Vosté, De investigandis fontibus patristieis S. Thomæ, dans Angelicum, t. xiv, 1937, p. 417-434 ; A. Gardeil, La documentation de saint Thomas, dans Rev. thomiste, t. xi, 1903, p. 197-215.

Plus spéciaux : G. Geenen, De opvatting en de houdiiuj van den h. Thomas van Aquino bij het gebruiken der bronnen zijner théologie, dans Bijdragen van de philos, en theol. fac. der Nederlandsche Jezuieten, t. iv, 1941, p. 112-147, 224254 ; du même, Les « auctoritates » dans la doctrine du baptême chez S. Thomas d’Aquin. Leur usage, leur influence (thèse de théol. déposée à la biblioth. de l’univ. de Louvain, 1937) ; du même, L’usage des « auctoritates » dons lu doctrine du baptême chez S. Thomas d’Aquin, dans Ephem. theol. Lovanienses, t. xv, 1938, p. 279-329 ; du même, Saint Thomas d’Aquin et ses sources pseudépigraphiques, ibid., 1943 ; G. Bardy, Sur les sources patristiques grecques de S. Thomas dans la J », dans Rev. sciences philos, et théol., t. xii, 1923, p. 493-502 ; G. von Hertling, Augustinus-