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THOMAS D’AQUIN : CANON BIBLIQUE


répandu dans les éditions des livres profanes. Cf. G. Théry, Thomas Gallus. Aperçu biographique, dans Archives d’histoire doctrinale et littéraire du M. A., 1939, p. 165.

Telle était l’édition de la Bible, celle des jacobins, sur laquelle saint Thomas composera ses commentaires ; elle était celle même dont son maître saint Albert s’était servi, et voilà en partie pourquoi son exégèse tiendra compte des mêmes leçons et souvent des mêmes références aux variantes.

II. LE CANON BIBLIQUE J)E SAINT THOMAS. — Hu gues de Saint-Victor, comme la plupart des médiévaux, empruntait sa liste des 22 livres canoniques au « Prologue casqué » de saint Jérôme, et les distribuait en Loi, Prophètes, Hagiographes. De script, et script., P. L., t. clxxv, col. 15. Il rejetait donc comme apocryphes : Sagesse, Ecclésiastique, Judith, Tobie, I et II Machabées. Ibid., cf. col. 16, 20, et Erud. didasc, t. clxxvi, col. 784. Cette exclusion des deutérocanoniques était également prononcée par l’auteur anonyme de l’Ysagoge in Theologiam, A. Landgraf, Écrits théologiques de l’école d’Abélard, Louvain, 1934, p. 143 ; par Rupert de Deutz, P. L., t. clxvii, col. 318 ; Philippe de Harvengt, t. cciii, col. 629, 659 et d’autres. Or, saint Thomas est l’un des premiers avec saint Albert le Grand, saint Bonaventure et Jean de la Rochelle (cf. France franciscaine, 1933, p. 345-360) à constituer la liste intégrale des livres canoniques. Dans son discours de bachelier biblique donné à l’ouverture des cours en 1252, saint Thomas adopte la division hiéronymienne : Loi, Prophètes, Hagiographes, et insère explicitement les deutérocanoniques dans le canon. Fr. Salvatore, Due sermoni inediti di S. Tommaso d’Aquino, Rome, 1912 ; P. Synave, Le canon scripturaire de saint Thomas d’Aquin, dans Revue biblique, 1924, p. 522-533. Plus nettement que ses devanciers, il distingue canonicité et authenticité, et définit le critère de la canonicité : l’usage del’Égiise. Quoi qu’il en soit de l’étymologie erronée que le maître donne au mot apocryphe, son principe doctrinal et sa constatation historique demeureront désormais acquis dans l’Église :

Posait tiimen Hieronymus quartum librorum ordinem, sciliect apocryphos, et dicuntur apocryphi al) apo, quod est valde.et cryphon, quod est obscurum : quia décorum sententiis vel auctoribus dubitatur. Ecclesia vero catholica quosdam libros recepit In numéro sanctarum scripturarum, de quorum lententiia non dubitatur, sed de auctoribus. Non quod nesciatur qui fuerint illorum librorum auctons, sed quia hommes i Il i non fuerunt notæ auctoritatis. Unde ex auctoritate auctorum robur non habent, sed magis ex Ecclesia ! receptione. Quia tamen idem modus loquendi in ois et in hagiographis observatur, ideo simul cum eis compufenl lirait pnesens. l-"r. Salvatore, op. c(f., pV20.

C’est donc en raison de leur genre littéraire, modus loquendi, qui n’est ni de l’histoire ni de la prophétie, que ces livres ont été classés parmi les hagiographes, ad eruditionem hominum conscripti. Prol. in Job, éd. Vives, t. xviii, p. 2. Constatation classique depuis saint Augustin, Isidore de Séville, Raban Maur, etc.

Ces déclarations du Principium, claires à souhait, diriment définitivement les discussions sur le canon du Docteur angélique, notamment pour les livres de la Sagesse et de l’Ecclésiastique. Ces deux livres avaient été commentés pour la première fois depuis Raban Maur par Etienne Langton ; Hugues de Saint-Cher en avait corrigé le texte à l’instar des autres livres canoniques et de la finale de Daniel ; c’est dire que leur crédit, sinon leur canonicité, s’aflirmait dès le début du xiir » siècle, si bien qu’à la fin du siècle, Raymond Martin les citera dans sa polémique avec les Juifs, comme livres reçus dans l’Église, à l’égal de ceux du Nouveau Testament ; et le pseudo-Thomas utilise

expressément l’Ecclésiastique comme autorité. In Gen., éd. Vives, t. xxxi, p. 5.

Or, dans son commentaire sur les Noms divins (c. iv, lect. 9), qui cite un texte de la Sagesse, saint Thomas écrit : « Par là, il est évident que le livre de la Sagesse n’était pas encore (nondum) au nombre des Écritures canoniques », ce qui laisse entendre que ce livre, que l’on croyait dû à Philon, sur le témoignage de saint Jérôme, était entré depuis dans le canon. Par ailleurs, dans I a, q. lxxxix, a. 8, ad 2 un, saint Thomas propose d’expliquer l’apparition de Samuel à Saiïl en l’entendant d’une apparition réelle du prophète, comme le suggère Eccli., xlvi, 23 : « Mais on peut dire aussi que cette apparition fût procurée parles démons, au cas oà l’on n’admettrait pas l’autorité de l’Ecclésiastique, parce que ce livre ne se trouve pas parmi les Écritures canoniques chez les Hébreux. » Comme l’a fait remarquer le P. Synave, op. cit., p. 527, il s’agit d’une hypothèse et d’une référence au canon juif qui ignore l’Ecclésiastique et dont on sait l’autorité au Moyen Age ; le libellé de la phrase suppose donc un autre canon « chez les chrétiens ». Cette concession apologétique n’était pas superflue, comme le prouve la citation suivante d’Hugues de Saint-Cher : De auctore (Ecclesiastici) non sit quærendum, cum sit apocruphus, nisi quod quidam dicunt quod Jésus filius Sirach pronepos Jesu magni Sacerdoiis tempore Evergetis régis .Egypti scripsit librum istum, quod etiam Raban tangit in suo Prologo. Alii dicunt quod non composuit sed tantum transtulit de hebrœo in græcum. Sed sive hoc, sive illud fuerit, non differt a veriiate libri istius. Prol. in Eccli., Lyon, 1569, p. 171. Hugues applique ici sa distinction en apocryphes proprement dits, dont on ignore et l’auteur et la valeur de vérité, et en deutérocanoniques dont l’authenticité est suspecte, mais dont la valeur doctrinale est certaine : Apocryphorum vero sunt duo gênera. Qu&dam sunt, quorum et auctor et verilas ignoratur, ut est Liber de infantia Salvatoris et Liber de assujnptione B. Virginis, et hos non recipit Ecclesia. Alia sunt quorum auctor ignoratur sed de veriiate non dubitatur, ut est liber Judith et Machabœorum, liber Sapientiæ et Ecclesiasticus, liber Tobiæ et Pastor. El hos recipit Ecclesia, non ad fidei dogmata, sed ad morum instructionem. Ibid. Ainsi les deutérocanoniques jouissent d’une autorité moindre, ne pouvant être utilisés comme arguments en théologie ; ce sont des livres d’édification. C’est précisément ce que saint Thomas concède I », q. lxxxix, a. 8, ad 2°’, non qu’il sanctionne lui-même ce scepticisme, mais il en tient compte dans l’argumentation avec un objectant.

Que l’on relise maintenant le texte du Principium et l’on verra combien le jugement de saint Thomas est neuf et a de poids. L’apocryphe se définit : un livre obscur, soit que l’on ignore son auteur, soit que l’on ait des doutes sur sa doctrine. Or, l’Église ne reçoit dans le canon des Livres saints que ceux dont la doctrine est sûre, même si l’on en ignore l’auteur ; mais saint Thomas précise, à la différence d’Hugues de Saint-Cher : ce n’est pas que l’authenticité de ces livres soit absolument inconnue, mais leurs auteurs ne sont pas des autorités ; c’est ainsi que Philon — auquel tout le Moyen Age attribue la composition de la Sagesse — ne peut avoir le crédit de Moïse pour le Pentatcuque, de David pour les Psaumes ou des prophètes pour leurs écrits ; aussi c’est l’Église qui. seule, sanctionne l’autorité de ces livres.

Or, dès là qu’un livre est canonique, c’est-à dire reçu par l’Église, son contenu est infaillible et a valeur de règle de foi. Commentant le texte de.Toa., xxi, 24, « son témoignage est véridique », saint Thomas écrira :

l lie pooitur verltas tSTangttlll. E1 loqultur In persona tottu Booletue a ojua reooptum est hoc Evangallum…

icUua aoleni quod cum multi serilien ni de Mthottca