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THOMAS D’Agi IN : SIMPLICITÉ DES ANGES ET DE L’AME

Quaracchi, n. 64, p. 95 b ; Pierre de Tarentaise, In I l um Seul., dist. I, <|. ii, a. 3, qu. 2, Toulouse, 1652, t. ii, p. 12. L’argument avait déjà une longue histoire. On le trouve chez Alain de Lille, Conl. hæreticos, i, 5, P. L., t. ccx, col. 3Il A ; chez Guillaume d’Auvergne, De univ., i, ii, c. xi, t. i, p. 696 B : on esse eril prius

ex necessilate quam ipsum esse ; chez Hugues de Saint-Cher, ms. Vat. lai. ions, ꝟ. 45 v° b et surtout chez le chancelier Philippe, ms. Vat. lat. 7069, ꝟ. 6 v° a : esse ab aliquo, non de Mo, est exire de non esse in esse. Sed nullum taie eternum est. Habere enim principimn non esse et habere principium durationis convertibilia sunt.

Voici maintenant la réponse apportée par saint Thomas à ce que son maître, Albert le Grand, reconnaissait être la via fortior de l’opinion adverse. In II um Sent., dist. I, a. 10, Borgnet, t. xxvii, p. 27. Dans les Sentences, toc. cit., ad 2° m (Mandonnet, p. 38), saint Thomas s’inspirant d’Avicenne, observe que la formule de la création ex nihilo ou de l’esse post non esse, n’implique pas nécessairement une postériorité dans la durée, il suffît d’une simple postériorité de nature. Par elle-même, la créature n’est que néant. Or, dans un sujet quelconque, ce que ce sujet est par soi précède logiquement ce qu’il reçoit d’un autre. Cf. Avicenne, Met., tr. vi, c. 2, ms. cité, ꝟ. 53 r° b : quod est rei ex seipsa apud intelleclum, prius est per essentiam non tempore, eo quod est ei ex alio a se. Igitur esse creatum est ens post non ens posleriorilate esseniiiP. Même solution dans le De potentia. q. iii, a. 14, ad 7 mn, in contrarium (2e série), et dans I a, q. xlvi, a. 2, ad 2um ; réponse plus complète dans le Contra murmurantes, éd. Mandonnet, p. 25. On insiste : si le monde est éternel, en lui se vérifient simultanément les contradictoires, esse et non esse. S. Bonaventure, Coll. de donis, viii, 17, Quaracchi, t. v, p. 498 : sequilur… quod res habet simul esse et non esse. Il n’y a pas position simultanée des contradictoires, répond saint Thomas, parce que le non-être ici signifie simplement ce que la créature serait, si elle était abandonnée à elle-même : esset nihil si sibi relinquerctur. Contra murmurantes, loc. cil.

Une créature sans commencement ne serait d’ailleurs point l’égale de Dieu dans la durée, comme le croyait Guillaume d’Auxerre, Summa aurea, ). Iï, tract, vii, c. 2. Pigouchet ; ꝟ. 52 r° b. Car aucune comparaison n’est possible entre un temps, même illimité, et l’immuable possession de l’éternité. In II m " Sent., ad 7um : I", ad 5um.

Dans la condamnation de 1277, de nombreuses propositions visent l’éternité du monde ; cf. prop. 3, 5, 70-72, 80, 87-95, 99, 101, 107, Denifle-Chatelain, Chartularium…, t. i, p. 544-549. À noter surtout la prop. 99, qui vise Avicenne et sa théorie de la création ab œterno : non esse non pnecessit esse duratione, sed natura tuntum, mais qui. derrière Avicenne. atteignait saint Thomas, lequel avait utilisé les textes du philosophe arabe. La thèse thomiste ne fut pas non plus étrangère aux malheurs de Gilles de Rome. Voir Hocedez, La condamnation de Gilles de Borne, dans Recherches théol. anc. et médiévale, t. iv, 1932, p. 44-47.

— On a vu plus haut que Bonaventure, dans ses Collationes de donis avait pris position contre la thèse thomiste, en 1268. L’année suivante, Gérard d’Abbeville, dans son Quodl. xiv, q. x (Noël 1269), fait de même. Saint Thomas répondra en termes fort vifs à « ces hommes qui croient que la sagesse est née avec eux » et qui aperçoivent des répugnances métaphysiques là où saint Augustin n’en a point vu. Cont. murmurantes, Mandonnet, p. 25-26. Pecham, en 1271, dispute lui aussi des questions sur ce sujet. Glorieux, Répertoire…, t. ii, p. 91. Dans son premier Quodlibet, à la Noël de 1276, Henri de Gand à son tour aborde le

problème. Il y reviendra dans son Quodl. ix, q. xvii, à Pâques 1286, en même temps que Godefroid de Fontaines, dans son Quodl. ii, q. m (De Wulf-Pelzer, p. 6880), traite la question dans le sens thomiste. — A « tte date, Guillaume de la Mare était déjà intervenu, a. 6. Glorieux, Le correclorium…, p. 30-31. Noos possédons les réponses de Rambert de Bologne (cf. M. Grabmann, La scuola lomistica italiana, dans Bip, fil. neoscol. , t. xv, 1923, p. 119), et des Correctoircs « Quare », éd. citée, p. 34-40 ; « Circa », éd. Mûiler, p. 39-48. — Sur la position de Pierre d’Auvergne, voir I£. Hocedez, La théologie de Pierre d’Auvergne, dans Gregorianum, t. xi, 1930, p. 536. — Le P. Longpré a édité une question de Matthieu d’Aquasparta sur le même sujet dans Archives d’hist. doctr. lilt. du M. A., t. i, 1926, p. 293308. Signalons les réponses de Bernard de Gannat à Henri de Gand, ms. Ottob. lat. 471, f ° 6 r° 6-7 r° b ; 98 v° 6-99 r° b, et la question quodlibétique de Thomas de Sutton, en 1284. Quodl., i, 7, ms. Ottob. hit. 1128, ꝟ. 52 r° a-53 r° a.

3. Simplicité ou composition hylémorphique des anges et de l’âme. — On doit distinguer dans le présent débat deux affirmations : a) celle, assez vague, de l’existence chez les anges d’une matière « spirituelle », essentiellement distincte de la matière corporelle et étendue ; b) le concept d’une matière universelle, genre suprême et univoque (unius essentiœ) dans lequel viendraient se résoudre matière corporelle et matière spirituelle. Cette seconde affirmation est une doctrine caractéristique du philosophe juif Avicébron, dès le début de son Fons vilse (éd. Baùmker, dans Beitrûge…, t. i, fasc. 2-4, p. 7 ; cf. i, 10, p. 13 ; v, 12, p. 270-279). A l’influence d’Avicébron, qu’on a parfois pris pour un chrétien, il faut joindre celle de son traducteur, Dominique Gondissalinus, dont le De unilate et uno professe tout au long la même doctrine (éd. Correns, dans Beitràge…, t. i, fasc. 1, p. 3-11 ; cf. P. L., t. lxiii, col. 1075-1078). Or, le De unitate a passé longtemps pour une œuvre de Boèce. Il est encore cité sous le nom de ce dernier dans les Quæstiones de anima de Jean Pecham, éd. Spettmann, dans Beitràge, t. xix, fasc. 5-6, p. 183. Pecham peut ainsi opposer l’autorité du De unitate à l’authentique De duabus naturis qui semblait favoriser la thèse thomiste. Le Correctoire de Guillaume de la Mare (Glorieux, Le correctorium…, p. 50) conserve la même attribution pour l’autorité : aliud est simpliciter unum ut Deus, aliud simplicium conjunclione… quorum unumquodque est unum conjunciione materie et (orme. Éd. Correns, p. 9. Il y avait longtemps, à cette date, que saint Thomas, dans son Quodl. ix, q. iv, a. 2, ad 2um, à la fin de son premier enseignement parisien, avait rejeté, pour des raisons de critique interne l’autorité du pseudo-Boèce ; cf. De spir. créât., a. 1, ad 21um.

Pour l’histoire du problème avant saint Thomas, consulter E. Klcincidam, Das Problem der hylomorphen Zusammenselzung der geistigen Subslanzen im Xlil. Jahrhunderte bis Thomas v. Aquin (diss. Brestau, 1930) et les compléments de O. Lottin, La composition hylémorphique des substances spirituelles, les débuts de la controverse, dans Rev. néo-scolastique, t. xxxiv, 1932, p. 21-41 (reproduit dans l’ouvrage, Psychologie et morale aux XII* et XIIIe siècles, Louvain, 1942. p. 426460). Tandis que la composition hylémorphique était rejetée par Guillaume d’Auvergne, cf. KUinoidam, ]). 46-18, elle fait son apparition avec Roland de Crémone (Lottin, p. 21). A Hugues de Saint-Chcr revient l’introduction dans le débat de la distinction pnrrctaine entre quo est et quod est. On a en effet souvent confondu la formule de Boèce : diversum est esse et id quod est avec celle de Gilbert : aliud est quod est et quo est, attribuant ainsi au premier ce qui était le bien de son commentateur. Hugues de Saint-Cher se refuse