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THOMAS IVAQUIN. LE COMMENTATEUR D’ARISTOTE


exemple pour le bon ordre de la cité, pour le bien d’autrui. Cette dernière amitié, qui suppose la vertu, ne dépend pas des intérêts et des plaisirs qui passent, elle est solide comme la vertu ; elle est le propre de ceux qui s’aident à devenir meilleurs ; c’est une bienveillance et bienfaisance toujours active, qui travaille à maintenir la concorde malgré toutes les causes de division. L. IX.

Par la pratique de ces vertus l’homme peut arriver à une perfection supérieure qui se trouve dans la vie contemplative et qui donne le vrai bonheur. La joie s’ajoute en effet normalement à l’acte bien ordonné, et surtout à l’acte supérieur de la plus haute faculté, l’intelligence, à l’égard du plus haut objet, c’est-à-dire à la contemplation de la vérité suprême ou du suprême intelligible qui est Dieu. L. X.

C’est surtout dans ce 1. X de l’Éthique, c. vii, que se trouvent les textes d’Aristote qui paraissent affirmer l’immortalité personnelle de l’âme. Saint Thomas (lect. 10, tl) se plaît à en souligner l’importance. On lit chez Aristote lui-même à propos de la contemplation de la vérité : « Elle constituera réellement le bonheur parfait, si elle se prolonge pendant toute la durée de la vie. Une telle existence toutefois pourrait être au dessus de la condition humaine. L’homme ne vit plus alors en tant qu’homme, mais en tant qu’il possède quelque caractère divin. Autant ce principe est au dessus du composé auquel il est joint, autant l’acte de ce principe est-il supérieur à tout autre acte. Or, si l’esprit est quelque chose de divin par rapport à l’homme, de même une telle vie. Il ne faut donc pas croire ceux qui conseillent à l’homme de ne songer qu’aux choses humaines et, sous prétexte que nous sommes mortels, de renoncer aux choses immortelles. Loin de là, il faut que l’homme cherche à s’immortaliser autant qu’il est en lui, et qu’il fasse tout pour vivre selon la partie la plus excellente de lui-même. Ce principe est supérieur à tout le reste et c’est l’esprit qui constitue essentiellement l’homme. »

Beaucoup d’historiens de la philosophie ont noté ici, comme saint Thomas, que le Noûç est bien dans ce texte une faculté humaine, une partie de l’Ame, une similitude participée de l’intelligence divine, mais qui n’en fait pas moins partie de la nature de l’homme. C’est bien à l’homme qu’Aristote recommande de se livrer à la contemplation et de s’immorlaliser autant qu’il est possible. Il va même jusqu’à dire que ce Noûç est chacun de nous.

Ce simple résumé de [’Éthique telle que l’a comprise saint Thomas montre quel usage il a pu faire de cette doctrine en théologie, pour expliquer la subordination des vertus acquises aux vertus infuses et pour approfondir la nature de la charité, conçue comme une amitié surnaturelle entre le juste et Dieu et entre les enfants de Dieu. Cf. A. Mansion, L’eudémonisme aristotélicien ri la morale thomiste, dans A’cni’a thomislica, I. i. p. 429-4 19.

De la Politique d’Aristote, saint Thomas a commenté les deux premiers livres, et les six premiers chapitres du I. III ; la suite du commentaire est de Pierre « l’Auvergne. Cf. M^r < irahinann, l’hil..Iuhrbuch, l<>i : >. p..S73-378.

Des le début de cet ouvrage on remarque ce qui distingue la politique d’Aristote de celle de Platon. Celuici construit a priori sa République idéale, conçoit l’État comme un être dont les citoyens sont les éléments el les castes, les organes ; et. pour supprimer i me. il supprime la famille et la propriété. Aristote. au contraire, procède pal l’observât ion et l’e

périence, il étudU la première communauté humaine, la famille, constate que, pour le bien de la société do me I ique, le père de 1 imille doit commande, de (açOTl

différente a Ra femme, ; i ses enfants, aux esclaves, peu

j capables de réflexion et destinés à obéir. Il remarque | qu’il n’y a d’affection possible qu’entre des individus déterminés et qu’on ne saurait donc supprimer la I famille, que nul ne se soucierait des enfants, qui, étant i à tous, ne seraient à personne, de même qu’on ne se j soucie point des propriétés communes : chacun trouve j qu’il travaille trop, les autres pas assez. Aristote ne j cherche pas à démontrer le droit de propriété ; l’occu| pation primitive, la conquête, le travail de la terre’conquise lui paraissent des moyens légitimes d’ac ! quérir. Il tient aussi que l’homme de par sa nature | même doit vivre en société, car il a besoin du concours j de ses semblables pour se défendre, pour utiliser les I biens extérieurs, pour l’acquisition des sciences les j plus élémentaires, et le langage montre qu’il est fait j pour vivre en société. Ainsi les familles se réunissent dans une même cité, qui a pour fin le bien commun de ! tous, bien non pas seulement utile et délectable, mais honnête, car il doit être le bien d’êtres raisonnables, selon la justice et l’équité, vertus indispensables à la j vie sociale. Telles sont les principales idées qu’expose ] Aristote dans les premiers livres de la Politique. Saint i Thomas les commente avec profondeur ; dans la Somme théologique, P~II æ, q. xciv, a. 5, ad 3um, il fait les restrictions voulues au sujet de l’esclavage ; cf. IP-II^, q. x, a. 10 ; q. civ, a. 5. Ici il remarque qu’il convient que l’homme peu capable de se conduire se laisse diriger par celui qui est plus sage et qu’il travaille à son service.

Dans le deuxième livre de la Politique, saint Thomas étudie à la suite d’Aristote les idées de Platon sur ce sujet et diverses constitutions de la Grèce. Il accepte les bases inductives du Stagirite, et il les utilisera dans son livre De régime principum comme on peut s’en rendre compte dès le c. i. C’est là qu’il fonde sur la nature de l’homme l’origine et la nécessité d’une autorité sociale, représentée à des degrés divers par le père de famille, parle chef dans la commune et le souverain dans le royaume.

Dans le même ouvrage, avec Aristote, il distingue le bon et le mauvais gouvernement. Le bon gouvernement peut être celui d’un seul (monarchie), ou celui de quelques-uns (aristocratie), ou celui de plusieurs choisis par la multitude (démocratie au bon sens du mot) ; mais chacune de ces trois formes peut dégénérer soit en tyrannie, soit en oligarchie, soit en démagogie. Saint Thomas regarde comme la meilleure forme de gouvernement la monarchie, mais, pour prévenir la tyrannie, il recommande une constitution mixte qui réserve, à côté du souverain, une place à l’élément aristocratique et démocratique dans l’administration de la chose publique. I a -II", q. cv, a. 1. Malgré cela, si la monarchie dégénère en tyrannie, il faut patienter pour éviter un plus grand mal. Si la tyrannie devient insupportable, le peuple peut intervenir, surtout s’il s’agit d’une monarchie élective, mais il n’est pas permis de tuer le tyran, De regimine princ., i, G ; il faut s’en remettre au jugement de Dieu qui récompense ou punit selon son inlinic sagesse ceux qui gouvernent les peuples.

Saint Thomas a de plus commenté le De causis attribué alors à Aristote et dont il montre l’origine néo-platonicienne (1269), et un livre de Hoèce, De hebdomadibus (vers 1257). Son commentaire sur le Timée de Platon ne nous a pas été conservé.

Tous ces commentaires ont largement préparé par leur patiente analyse la synthèse personnelle dans laquelle saint Thomas reprend tous ces matériaux sou^ l.i double lumière de la Révélation et de la raison. par une connaissance plus hante et plus universelle dai principes qui les régissent, pal une vue plus peu. trante de la distinction de psdMawwel " i<. de la supé

riorité de l’acte, el de la primante de Di « u. Acte pur.