Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/320

Cette page n’a pas encore été corrigée
625
626
THOMAS D’AQUIN. VIE


Réginald de Piperno et Nicolas Brunacci. C’est à cette époque que l’on place un sermon de saint Thomas devant l’université de Bologne (2 décembre 1268), l’exemple qu’il donna de sa grande humilité, lorsqu’il accompagna dans la même ville un frère convers qui le priait de marcher plus vite, et un sermon à Milan (décembre). Quand le saint docteur arriva au mois de janvier sur les bords de la Seine, l’année académique était plus que commencée.

9° Deuxième enseignement à Paris (1269-1272). — De son exil, Guillaume de Saint-Amour continuait à soutenir l’hostilité contre les professeurs réguliers à Paris ; sur place agissaient Gérard d’Abbeville et Nicolas de Lisieux. Saint Thomas leur opposa les opuscules De perjectione vitse spiritualis et De pestijera doctrina retrahentium homines a religionis ingressu. De plus il tenait des controverses purement scientifiques. Un exemple de la lutte doctrinale contre la tendance dite « augustinienne » est la célèbre dispute entre Jean Pecham, chef de l’école des franciscains et Thomas sur l’unité de la forme substantielle dans l’homme, tenue vers Pâques 1270. Pecham usant de verba ampullosa et tumida laissa parfaitement calme son adversaire qui s’imposait par la supériorité de sa doctrine et son attitude tranquille et forte.

Dans la grande discussion sur l’aristotélisme soulevée depuis longtemps à Paris par des philosophes et par des théologiens comme Albert le Grand, en 1270, s’opposèrent surtout Thomas, représentant le péri patétisme chrétien avec son De unitate intellectus contra averroistas et Siger de Brabant qui écrivit le De anima intellecliva. Par une lettre de Gilles de Lessines, O. P., à Albert le Grand on sait qu’à Paris on ne luttait pas seulement contre les erreurs des aristotéliciens averroïstes, mais aussi contre des thèses purement aristotéliciennes. Albert composa l’opuscule De quindecim problematibus, rejetant 13 thèses averroïstes et soutenant deux propositions purement aristotéliciennes. L’évêque de Paris condamna le 10 décembre 1270 les 13 propositions. Voir l’art. Tempier, ci-dessus col. 99. En 1277 seront frappées aussi quelques thèses de saint Thomas, mais elles furent réhabilitées en 1324. « La précision qu’apportèrent les années 1270-1277 à l’interprétation du réalisme aristotélicien eut pour résultat l’établissement définitif de la synthèse chrétienne du thomisme. » L’introduction et le maintien du système aristotélicien dans l’enseignement universitaire fut le grand apport et une partie essentielle de la mission historique d’Albert le Grand et de Thomas d’Aquin, appelés par Siger præcipui viri in philosophia. Par leurs efforts la faculté des arts se transforma en faculté de philosophie proprement dite. D’Irsay, Hist. des universités, Paris, 1933, t. I, p. 167-170. Les philosophes en demeurèrent reconnaissants. Pierre d’Auvergne, toujours dévoué à saint Thomas, acheva deux de ses commentaires philosophiques, lit Siger devint un admirateur de saint Thomas. La victoire du saint docteur sur Paverroïsme latin fut célébrée dans les trionft de l’art italien médiéval.

A côté des grands problèmes on signale deux cas de conscience examinés par le Maître : un cas de propriété littéraire de Jean de Cologne, jugé par Thomas d’accord avec Bonhomme, Barthélémy de Tours, Pierre do Tarentaise, Beaudouin de Maflix et Gilbert van Eycn, et, d’autre part, le cas d’imprudence administrative de Barthélémy de Tours, vicaire dominicain participant à la croisade, cas examiné sur l’ordre de Jean de Verceil par Thomas d’Aquin, Robert Kilwamby et Latino Orsini. Le chapitre général de Milan (127H) déposa Barthélémy « le sa charge.

Pour le saint roi Louis IX, saint Thomas n’était pas un inconnu. Pendant qu’il écrivait la Summa llieologiæ, fut invité une fois à la table royale où, absorbé

par le problème du mal et oubliant dans quel milieu il était, il trouva un argument décisif contre les manichéens. Son bachelier dut être alors Romain de Romanis. Parmi ses étudiants figurait l’élite de la jeunesse d’Europe, surtout des membres de son ordre, des augustins, comme Gilles de Rome et Augustin Trionfo, et aussi des laïcs comme Pierre Dubois. Une promenade à Saint-Denis, faite en compagnie d’étudiants, nous permet de connaître la valeur qu’il donnait aux choses de ce monde en comparaison des sources de la science sacrée : à la ville de Paris, en effet, il préférait les homélies de Jean Chrysostome sur l’évangile selon saint Matthieu.

Les ouvrages qu’il composa à cette époque témoi j gnent de sa vie intellectuelle et de son application au

I travail : commentaires sur saint Jean et les épîtres pau liniennes, sur les Éthiques, la Météorologie, le Peri-Her meneias, les Analytiques, le livre De causis de Proclus ;

les questions disputées De malo, De virtutibus, De cari late, De correctione fraterna, De spe, De unione Verbi

incarnali ; des quodlibeta (i-vi, xii), des réponses au

lecteur de Venise et à Jean de Verceil, la continuation’de la Somme théologique, l’opuscule De seternitate

mundi contre les détracteurs d Aristote. En 1269 et

1272 des concessions de fondations dominicaines à

San Germano et à Saler sont faites par des prélats

par amitié pour Thomas d’Aquin, et lui-même ne tarde

pas à être rappelé en Italie.

Dans l’agitation qui se manifestait dans des cercles universitaires contre l’évêque de Paris, le saint fait tranquillement ses actes scolastiques avant Pâques. Pour la Pentecôte il se trouve déjà à Florence au chapitre général de son ordre. Les « artistes » de Paris le prient de leur envoyer d’Italie, non seulement ses livres laissés inachevés à Paris, mais aussi des écrits d’autres auteurs qui, étant connus là-bas, n’étaient pas encore arrivés sur les bords de la Seine.

10° Enseignement à Naples (1272-121’, ). — Le chapitre provincial de la Province romaine, célébré à Florence après le chapitre général, chargea Thomas d’Aquin de la direction des études de la province. Il choisit Naples comme centre. Chemin faisant il visita la Molara où lui-même et Réginald prirent la fièvre. Il fut vite guéri et pour la guérison de son compagnon il eut recours à l’imposition d’une relique de sainte Agnès. Au mois d’août il assista son beau frère, Roger d’Aquila, comte de Trætto, à ses derniers moments. Exécuteur testamentaire de Roger, Thomas dut, pour expédier cette affaire, recourir au roi Charles I er, qui le reçut en audience à Capoue. Pour sa nièce, Françoise, comtesse de Ceccano, il obtint qu’elle pût rentrer dans le royaume.

A Naples il retrouva les Pères Jean de San Giuliano, Guillaume de Tocco, Ptolnmée de Lucques et autres. L’école du couvent de Naples, en 1272-1273, n’était pas un sludium générale de l’Ordre. Cependant Thomas touchait un salaire royal pour son cours. Des services personnels lui furent rendus successivement par les frères Bonfils et Jacques de Salerne.

En outre le P. Réginald de Piperno l’assistait. Ses cours furent fréquentés par des prélats comme l’archevêque de Capoue et l’évêque de Salerne, par des confrères et autres religieux, par des clercs et des laïcs. Il expliqua dans ses leçons les Psaumes, commenta les livres De csclo et mundo, c De generalione et corruplionc et les Politiques, continua la grande Somme, composa le Compendium theologiæ dédié à son cher P. Réginald. Au carême de 1273 il prêchait — en napolitain — sur le Credo, le Pater, la Salutation angéliqui et les commandements. La matière de ces serinons est conservée dans des opuscules de même titre. Ses prédications furent très fréquentée et goûtées parles

Napolitains. À la doctrine, il joignait l’onction qui